Le Chuchoteur

De Donato Carrisi. Calmann-Lévy, 2010. Thriller. Très bonne lecture. [433 p.]

Titre original : Il Suggeritore, 2009. Traduit de l’italien par Anaïs Bokobza.

lechuchoteurRésumé : « Cinq petites filles ont disparu. Cinq petites fosses ont été creusées dans la clairière. Au fond de chacune, un petit bras, le gauche. Depuis qu’ils enquêtent sur les rapts des fillettes, le criminologue Goran Gavila et son équipe d’agents spéciaux ont l’impression d’être manipulés. Chaque découverte macabre, chaque indice les mènent à des assassins différents. La découverte d’un sixième bras, dans la clairière, appartenant à une victime inconnue, les convainc d’appeler en renfort Mila Vasquez, experte dans les affaires d’enlèvement. Dans le huis clos d’un appartement spartiate converti en QG, Gavila et ses agents vont échafauder une théorie à laquelle nul ne veut croire : tous les meurtres sont liés, le vrai coupable est ailleurs. Quand on tue des enfants, Dieu se tait, et le diable murmure…« 

Que d’encre, matérielle ou virtuelle, ce livre a fait couler ! Il y a quelques temps j’avais l’impression que tout le monde l’avait lu et adoré. Une explication au phénomène, outre la qualité indéniable du livre, serait peut-être qu’il s’agit d’un premier roman. Il signore Carrisi s’est depuis distingué un peu plus en tant qu’incontournable littéraire avec d’autres titres, dont la Femme aux fleurs de papier que j’ai des chances de me procurer un jour rien que pour voir comment il traite le Titanic et ses passagers historiques.

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La Porteuse de mots

De Anne Pouget. Casterman, 2014. Roman historique jeunesse. Très bonne lecture [260 p.]
Mise en page 1Résumé : « « A l’eau ! A l’eau ! Qui veut de ma bonne eau ? » Du matin au soir, Pernelle arpente les rues de Paris. Sur ses épaules, deux lourds seaux remplis de l’eau qu’elle propose aux passants. Dans sa poche, un papier froissé couvert de mots qu’elle s’acharne à déchiffrer. Car la petite porteuse d’eau caresse un rêve secret : apprendre à lire. Ce n’est qu’un espoir inaccessible… jusqu’au jour où elle fait la connaissance d’Enzo, un jeune étudiant italien prêt à lui donner des leçons. C’est la première étape d’une succession d’évènements incroyables qui mèneront Pernelle bien au-delà de ses rêves.« 
Je remercie les éditions Flammarion de m’avoir envoyé ce livre.
J’ai trouvé dans cette lecture exactement ce que j’attendais au vu de la couverture et du résumé : un roman jeunesse sur fond historique, classique dans sa structure et ses éléments, mais de bonne qualité.
De manière générale je retiens la documentation très forte qui soutient tout l’ouvrage : l’évocation du basilic, né d’un œuf couvé d’un coq ; la description de la vie quotidienne et des différents quartiers de Paris ; les très nombreux métiers explicités, dont plusieurs que je ne connaissais pas (les oyers, les cossoniers) ; la foultitude de détails sur la vie quotidienne, l’invention des boutons et de l’aiguille à coudre en métal et les micro-bouleversements qu’ils ont amenés, les objets servant à contenir l’eau, des origines de certains proverbes, la vente à la corde… On se surprend à observer tout ce petit monde, et quelque part c’est une deuxième histoire que l’on nous raconte, l’Histoire du petit peuple de Paris au XVe siècle (1499), autour du récit de Pernelle elle-même, et aussi l’histoire des débuts de la période humaniste. Les procès des animaux sont retranscrits de manière humoristique ; je ne sais pas trop si à l’époque on prenait véritablement la chose si peu au sérieux, mais cela m’a bien fait rire, les plaidoyers de Me Chassanée sont délirants à souhait. J’ai été surprise d’apprendre grâce au dossier historique de fin d’ouvrage que ce monsieur avait existé et que ses discours sont avérés !
Le style est clair et dynamique, je ne lui ai pas trouvé de caractère très original mais pas de défaut non plus. Le ton est plutôt humoristique dans l’ensemble, assez léger, même lorsque l’auteur évoque des choses dramatiques ou peu heureuses, fictives ou historiques.
J’ai seulement regretté cette impression que la demoiselle illettrée s’exprime une ou deux fois de manière un peu trop châtiée, et je me suis demandé s’il était possible qu’elle connaisse le poète Rutebeuf dans ces conditions. Cependant ses œuvres étaient peut-être transmises à l’oral et de manière très populaire ? Je ne m’y connais pas assez en poésie médiévale pour avoir plus qu’un doute. Je passerai rapidement sur les points qui peuvent être ressentis comme négatifs par certains lecteurs mais qui sont l’apanage de tout un pan de la littérature jeunesse, et que je m’attendais à trouver sous une forme ou une autre dans ce livre : la rencontre impromptue avec de grands personnages, ici Érasme et Aldo Manuzio (que je ne connaissais pas) entre autres, la résolution rapide et sans douleur de certains problèmes, la gentillesse peut-être trop entière de certains personnages – encore que la solidarité n’a pas toujours, ni toujours eu, le même sens ni la même force dans les différents lieux au cours des différents siècles ! – là encore je reste réservée, l’arrivée peut-être un peu trop rapide de certains évènements ou évolutions. En tant que grande habituée de ce type de lecture cela ne me gêne plus, ou peu, et je n’ai pas trouvé non plus que ce livre exagérait ces traits au point de les faire paraître des défauts majeurs.
De cette lecture je retiendrais principalement la grande documentation qu’on peut y trouver sur le Paris du XVe siècle et le détail de l’environnement du récit. L’intrigue en elle-même est sympathique bien que son déroulement soit très conforme à ce que l’on peut attendre d’un roman jeunesse semblable. Je recommande donc sans réserve à tous les amateurs du genre.
Chroniques d’ailleurs : Des livres, des livres !, La biblio de Gaby

Le Protectorat de l’ombrelle, T.3 : Sans Honte

De Gail Carriger. Orbit, 2012.Fantasy urbaine / Steampunk. Coup de cœur pour la série. [310 p.]
Titre original : The Parasol Protectorate, Book the Third : Blameless, 2010
sans_honte_TRésumé : « Après les événements survenus en Écosse, elle est retournée vivre chez ses parents. La reine Victoria l’a exclue du Cabinet fantôme, et la seule personne qui pourrait donner une explication à sa délicate condition actuelle, Lord Akeldama, a inopinément quitté la ville. Pour couronner le tout, Alexia découvre que les vampires de Londres ont juré sa mort.
Tandis que Lord Maccon met toute son énergie à boire, et que le Professeur Lyall tente désespérément de maintenir la cohésion au sein de la meute Woolsey, Alexia s’enfuit en Italie à la recherche des mystérieux Templiers. Ils sont les seuls à pouvoir l’aider. Mais ils pourraient aussi s’avérer pires que les vampires. Surtout armés de pesto.« 
Un tome que je m’attendais bien à trouver un peu plus poignant que le précédent, au milieu toujours de traits d’humour, situations cocasses et personnages hauts en couleur. C’était bien le cas, même si Carriger arrive avec justesse à ne pas tomber dans le mélodrame ou les larmichettes ! Je dis très rarement de telles choses, alors ouvrez grand vos oreilles à mon ersatz d’âme romantique qui pour une fois s’est réveillé : j’adore le couple formé par Connall et Alexia. Vraiment. Je le trouve beau, drôle, mignon, sympa, complice – proche de la perfection à mon avis. Je n’ai pas pu m’empêcher de suivre les actions et pensées de l’un et l’autre depuis le milieu du tome un en me sentant vaguement une âme de midinette ! En même temps je trouve que l’un et l’autre personnages sont intéressants, fouillés, humains (!), et j’apprécie beaucoup les suivre dans leur quotidien ou leurs rôles respectifs ; je leur trouve beaucoup de substance, et c’est très appréciable. Je suis régulièrement surprise par leurs choix, tout en ne l’étant pas trop non plus (ça reste cohérent). Un autre personnage que j’apprends de plus en plus à apprécier est le Béta Lyall : là aussi je trouve que l’auteur a fait un excellent boulot, dans la conception du personnage autant que dans ses discours, actions et prises de décision. Tous ces détails font que je continue à ne pas décrocher de la série : elle a un but divertissant, certes, mais pas au ras des pâquerettes. D’ailleurs malgré ma PàL j’ai surtout envie d’aller chercher le tome 4 à la médiathèque.
A propos de personnages hauts en couleur et des situations idiotes je suis très impatience de retrouver Biffy dans le prochain tome, ainsi que les personnages impliqués dans la même mésaventure et ses  conséquences, ça promet un joli sac de nœuds pour la suite ! 😀 J’ai adoré les moments où Lord Maccon était beurré, c’était juste aussi génial et drolatique que ce à quoi je m’attendais. (Je vous laisse découvrir et savourer tous les détails par vous-même). Je n’ai que deux récriminations sur ce tome : l’illustration de couverture qui, chez Orbit au moins, nous montre une Alexia toujours plus fine, alors que l’auteur insiste lourdement sur sa taille de bourdon et ses formes généreuses ; et j’aurais apprécié des Templiers un chouïa moins stéréotypés, plus diversifiés au sein de leur communauté comme le sont vampires et loups-garous.
Je me rends compte que c’est difficile d’écrire des chroniques pour les différents tome d’une même série : je ne peux pas parler de beaucoup de choses sans dévoiler une partie de l’intrigue, je risque de me répéter, et à force j’ai moins de choses à raconter. Je pense que j’arriverai à m’en sortir ici vu qu’il n’y a que 5 tomes (de tête), mais je pourrais tomber sur des séries pour lesquelles je serais plus tentée de ne faire qu’une seule chronique pour le tout.

 

Tome 1 : Sans Âme
Tome 2 : Sans Forme
Tome 4 : Sans Coeur
Tome 5 : Sans Âge
 
Chroniques d’ailleurs :  Le Chat du Cheshire, Bulle de Livre

1502

De Michael Ennis. Le Cherche-Midi, 2013. Roman historique policier. Excellente lecture. [569 p.]
Titre original : The Malice of Fortune, 2012
1502Résumé : « Les Borgia règnent sur l’Italie. Le pape Alexandre VI, de son vrai nom Rodrigo Borgia, apprend que l’on vient de retrouver un indice qui permettrait peut-être d’expliquer, cinq ans après les faits, le meurtre mystérieux de son fils ainé, Juan. Une amulette dont celui-ci ne se séparait jamais est en effet réapparue près du corps d’une inconnue assassinée à Imola, siège de la cour de son autre fils, le Prince César Borgia. Il charge alors Damiata, l’ex compagne de Juan, d’élucider ce mystère. À Imola, Damiata apprend que le cadavre de l’inconnue, atrocement mutilé, a été confié à l’ingénieur général auprès de César Borgia, un certain Léonard de Vinci, passionné d’anatomie et précurseur de la médecine légale. Alors qu’elle vient de faire la connaissance d’un diplomate florentin, Nicholas Machiavel, en mission secrète auprès du Prince, une seconde femme est retrouvée assassinée dans des conditions tout aussi atroces. Damiata, aidée de Leonard de Vinci, l’éminent scientifique, et de Machiavel, le fin connaisseur de l’âme humaine, se mettent alors sur la piste d’un tueur, dont l’intelligence et l’érudition n’ont d’égale que la perversité. Bien vite, il apparaît en effet que celui-ci agit selon un schéma bien précis, en forme d’énigme, comme un défi lancé aux plus grandes intelligences de son temps. Œuvre monumentale, qui a demandé à son auteur plus de dix ans de travail, 1502 fourmille de détails sur la vie de Léonard De Vinci, dévoile l’histoire secrète qui a inspiré à Machiavel son chef d’œuvre, Le Prince, et recrée avec un rare bonheur ce moment de l’histoire de l’humanité où l’esprit de l’homme – et sa dimension criminelle – est entré dans l’époque moderne. Il ravira autant les amateurs d’Histoire que de suspense.« 
J’ai commencé ce roman il y a près de deux mois, et ai achevé sa deuxième moitié cette après-midi ! Eh oui, je ne sais pas pourquoi mais j’ai eu énormément de mal à avancer dessus, tout en ne lui trouvant aucun défaut (ou très peu). Il faut croire que je n’avais tout simplement pas très envie de lire ce style de livre. Quoi qu’il en soit, je ressors de ma lecture enchantée, et encore un peu perdue dans les méandres politiques et la richesse intellectuelle de cette Italie post-Quattrocento.
Loin d’être un thriller historique, c’est plutôt un « simple » roman policier. Oui, il se passe des choses horribles et les héros sont en danger, mais le rythme reste assez lent et entrecoupé de moments qui sont soit politiques, soit romanesques, soit historiques… C’est super intéressant mais ça n’a rien à voir avec Grangé, Maxime Chattham ou même Dan Brown. Il n’y a pas quantité de péripéties, chacune se passe assez vite et n’apporte pas forcément de dévoilement de l’énigme sur l’instant, et les mystères mêmes sont en assez petit nombre. Le côté historique prime largement, les personnages ont peu de moyens d’enquêter, et donc galèrent pas mal ! 😉
En fait le livre est très riche et touche à beaucoup de domaines, et j’ai véritablement senti les recherches effectuées par l’auteur. D’ailleurs je pense que le foisonnement de références et d’informations peut être vu comme une gêne autant que comme un plaisir : par exemple, l’auteur émaille son texte de mots italiens (en italique, hihi) : vecchia, designo (deux significations, il joue beaucoup avec d’ailleurs ! 😉 ), mappa, palazzo, ainsi que beaucoup d’autres. J’ai fait du latin et un peu d’italien, donc je reconnaissais la plupart des mots, qui sont de toutes façons explicités la première fois qu’ils apparaissent, dans leur majorité. Cependant j’imagine que ça peut perdre certains lecteurs – j’ai une expérience semblable assez mauvaise d’une trilogie de Arthuro Perez-Reverte : je ne conseille pas du tout ces livres à quelqu’un comme moi qui ne connaît rien de l’Espagne et s’en fiche assez royalement ! 1502 est aussi rempli de références intellectuelles et littéraires : le Prince, ainsi que les autres écrits de Machiavel, que je suis super contente d’avoir lu puisque ça m’a permis de relier plein de choses et de me remémorer la plume de cet auteur ; la Divine Comédie dont la lecture ardue a enfin pu également me servir à quelque chose 🙂 ; et tout un tas d’autres références à la mythologie latine, la culture romaine, les mœurs italiennes de la Renaissance, les Borgia, le fait que l’Italie n’était pas unifiée à l’époque mais constituée de différents Etats dépendant de villes (Venise, Florence…), les auteurs antiques classiques tant grecs que latins, les inventions de Leonardo da Vinci, les prémices de la médecine et de la psychologie/psychiatrie… Bien sûr je n’ai pas toutes ces références, et j’ai très bien suivi la plupart des propos de l’auteur (sauf, comme toujours, certains rouages politiques) – mais je pense que quelqu’un qui n’en connaîtrait aucune pourrait se retrouver perdu assez vite.
De même la langue est très riche, et bien que je n’ai pas eu de réelle difficulté à lire le livre je ne le qualifierais pas de lecture facile même au visu du style. J’ai d’ailleurs relevé quelques mots que j’aimerais rechercher dans le dictionnaire.
Je me suis très vite attachée aux personnages, qui ne sont en fait pas si nombreux. Simplement je me suis beaucoup perdue dans les liens politiques et familiaux, me référant souvent à l‘index des personnages sagement prévu par l’auteur au début du livre ! Bien sûr Damiata et Niccolò (Machiavelli, tous les personnages ont tendance à être appelés par leur prénom) ont ma préférence – j’ai juste eu un instant d’hésitation quand Machiavel est passé en tant que narrateur via la plume d’Ennis, vers le milieu du roman – et finalement je m’y suis faite et je l’ai même trouvé plutôt convaincant. J’ai également remarqué et apprécié les citations de l’historien données au début de chaque chapitre – pour moi Ennis lui a rendu dans cet ouvrage un très bel hommage, et je ne doute pas que certains lecteurs vont se tourner vers ses écrits ! J’ai eu nettement moins d’atomes crochus avec Leonardo (da Vinci), qui m’a paru plus proche du savant fou qu’autre chose, et carrément moins humain, tout simplement. On voit venir la romance de trèèèès loin, mais je l’ai trouvé bien intégrée à l’histoire, jolie, et n’empiétant pas trop sur le reste, en un schéma somme toute très classique.
A la fin de l’ouvrage l’auteur donne des précisions sur les faits réels dont il s’est inspiré, et la fiction qu’il y a ajouté. J’apprécie toujours le geste, je trouve que ça donne plus de valeur au livre. 🙂

La Méthode du crocodile

De Maurizio de Giovanni. 2013. Roman policier. Très moyen.
Titre original : Il Metodo di coccodrillo, 2012.
methodeRésumé : « Le crocodile, le prédateur le plus froid et le plus redoutable, rôde dans les rues de Naples…

Tapi dans l’ombre, à l’affût, il observe, attend, se prépare. Rien n’est laissé au hasard, il repère les lieux, les habitudes, les horaires de ses victimes. Et quand il frappe, il ne manque jamais sa cible. D’autant que rien n’est plus facile que de passer inaperçu dans une ville comme Naples, ou chacun vaque à ses occupations, indifférent à ce qui se passe autour de lui.
Quand à quelques jours d’intervalle, plusieurs jeunes sont retrouvés assassinés d’une balle dans la nuque, la presse se saisit de l’affaire. Le meurtrier, qui sème des mouchoirs en papier imprégnés de larmes sur les scènes de crime, se voit aussitôt affublé du surnom de Crocodile. Comme le prédateur, il semble pleurer en tuant ses victimes…
L’enquête est confiée à l’inspecteur Lojacono, Sicilien déraciné, personnage effacé voire invisible. Dans une Naples fébrile et pluvieuse, deux hommes solitaires vont se livrer bataille. Le flic contre le tueur. Lequel s’imposera ? »
Le gros défaut que j’ai trouvé à ce livre, c’est que j’ai largement préféré le début à la fin.
Dans les premières pages on ne connaît pas encore les personnages, il y a une atmosphère vraiment étrange, on se demande comment ça va tourner… et finalement petit à petit on retombe dans une certaine réalité quotidienne et une résolution d’enquête tout ce qu’il y a de plus banal, ou pas loin. Encore une fois, je cherche le « Thriller » estampillé en gros sur la couverture ! Car des frissons, je n’en ai point eu, ou plutôt les quelques-uns que j’ai ressenti ont fait place à quelque chose de beaucoup plus banal : une certaine misanthropie.
En fait, je dirais que ce roman policier est beaucoup trop proche de ce qu’on voit tous les jours pour ma satisfaction. J’aime quand ça va chercher loin, quand les gens sont ravagés, que les secrets sont honteux et bien planqués – mais ce que j’ai trouvé dans ce polar est la copie conforme des séries policières des grandes chaînes, sans chercher les plus tordues.
De plus, mettre des adolescents en avant était un excellent moyen pour que je ressente moins d’empathie pour les victimes et leur entourage, et donc aussi moins d’intérêt pour l’intrigue. Je ne regrette pas mes années collège-lycée, et la façon dont ce bouquin met les jeunes gens en scène ne m’aide absolument pas à me les remémorer avec tendresse, tant il dépeint une jeunesse délinquante, stupide et égoïste.
Dans les points positifs, je mettrais le personnage du flic, qui bien qu’un peu cliché, est somme toute sympathique, avec ses soucis de famille, sa petite vie et ses amis ; et la fluidité de l’écriture.
En bref, même si je ne peux pas dire que ce roman est mauvais, il est beaucoup trop terre-à-terre pour moi, sans rien qui ne m’ait plu plus que ça. Même le meurtrier et sa méthode m’ont laissée en quelque sorte blasée.
Chroniques d’ailleurs :  La biblio de Gaby

La Divine comédie

De Dante Alighieri. 13** (début du siècle). Récit allégorique en vers. Lecture très instructive, mais difficile.
Titre original : La Divina Commedia
DC_titreJ’ai beaucoup à dire sur cette lecture, que je voulais faire depuis longtemps tout en me doutant qu’elle ne serait pas simple. Je vais parler un minimum de la structure du livre, mais dans ce cas précis il me semble que c’est primordial.
Un petit résumé à ma sauce : Dante, poète florentin, rencontre Virgile (poète romain, donc, auteur de l’Enéide), qui l’invite à aller dans l’au-delà, en passant par les Enfers et jusqu’au Paradis. Ça tombe « bien », Dante a justement perdu sa fiancée, la belle Béatrice, morte 11 ans plus tôt ; c’est l’occasion de la retrouver.
Ce sera tout pour le côté « actif ».
DC_pages (2)De là découlent trois livres, sans surprise : Enfer, Purgatoire, Paradis, composés chacun de 33 chants – comme les chants homériques. Pour les amoureux de la poésie : Dante utilise dans sa langue l’hendécasyllabe (vers de 11 pieds), ce qui est plutôt original. Oui, parce que ces 500 pages (grand format !) sont écrites intégralement en vers. Le terme « comédie » est utilisé car l’auteur l’a écrit en langue vulgaire, commune, car l’œuvre est adressée à un grand public. Le mot a aujourd’hui un autre sens qui n’est pas approprié ici. Bien qu’écrit avant le début de la période, la Divine Comédie est souvent retenu comme une préface au style et aux idées de la Renaissance.
Un souci technique s’est imposé à moi dès le départ : je n’aime pas (trop) lire de la poésie, or ce livre n’existe qu’en traduction en vers, du moins dans mon entourage immédiat. Je n’avais pas (je n’ai toujours pas) envie de l’acheter, ne sachant pas à quel point il allait me plaire ou m’être utile. En effet, ma principale raison de me lancer dans une lecture aussi ardue est essentiellement la frustration de voir des citations et références à cet auteur un peu partout, sans en connaître la source originale ; il fallait donc que je trouve une version la plus « lisible » possible, pour pouvoir avoir accès au texte, sans simplement aller chercher un résumé sur la Wiki*, ce qui donne forcément une version épurée, synthétisée. Or, l’essentiel du livre repose sur des références, des symboles, des métaphores : rien qui ne puisse réellement être transmis par un résumé ! Après avoir trouvé une version poche à la typographie dégueulasse (l’encre bavait de partout –‘) et traduit de façon vieillotte – voire pompeuse – à la médiathèque où je vais d’habitude, j’ai fini par trouver mon bonheur à la bibliothèque municipale, qui contient un fonds plus classique mais aussi plus ancien, et des beaux livres.
* Ledit résumé est ironiquement beaucoup moins détaillé quand il s’agit d’expliquer les histoires politiques et théologiques du Paradis que pour décrire les scènes de torture des Enfers.

Voilà la bête 😀

divinecomedie

DC

DC_pages
Un beau bébé de cinq kilos environ, 34 x 25,5 x 6 cm à la louche, relié en tissu, avec de belles pages cartonnées, une typographie très lisible, et une traduction moderne d’une spécialiste de l’œuvre :  Jacqueline Risset, sur deux colonnes très claires, s’il vous plaît ! Ajoutez à cela une préface, des annexes, des notes de bas de page ET de fin de livre – bref tout ce qu’il faut pour attaquer la lecture la plus ardue. Et encore, je ne vous ai pas mentionné les dessins de Sandro Botticelli :).
Pour ceux qui ne voudraient pas fatiguer leur petits bras (j’ai souffert… et je dois encore le ramener !), il existe en plein d’éditions moins lourdes, souvent en trois volumes.

Alors, ça a donné quoi ?

Tout d’abord j’ai été extrêmement contente d’avoir une préface, une vraie, qui nous met dans le bain et nous explique les grandes lignes du texte. Ensuite je suis arrivée au bout de l’Enfer sans trop de souci. Je n’ai presque rien retenu du Purgatoire, et j’ai fini le Paradis avec plus de peine, à cause des grandes lignes de la philosophie et théologie néo-platonicienne, que j’avais un peu de mal à suivre et qui ne m’intéressait guère.
Suite à la lecture de la préface j’avais fait quelques recherches vite fait sur certains termes que j’y avais trouvés : néo-platonisme, Boccace, Quattro Centto, et d’autres dont je ne me rappelle plus exactement, et ça m’a été assez utile, ça m’a aidée à me plonger dans le contexte. Botticelli n’est pas contemporain de Dante, il a vécu à peu près un siècle après, mais le contexte politique était d’après ce que j’ai compris un peu semblable. Cette histoire de contexte historique constitue une part énorme du livre et des références : en effet, sous couvert d’un récit théologique, l’auteur décrit et critique la société de son époque, particulièrement les nobles et la papauté, qui étaient tous plus ou moins (plutôt plus que moins !) impliqués dans des querelles intestines, des affaires de corruption, de trahison, de mauvaise vie, etc. Autrement dit, moi, en tant que non-italianiste (pour reprendre le terme universitaire), j’étais assez perdue dès qu’il s’agissait du duc machin ou du pape bidule, qui avait fait telle chose au détriment de… (aha.) Les notes m’ont tout de même fourni énormément d’explications en cours de lecture, même si, n’ayant pas les bases nécessaires pour greffer des détails dessus en ce qui concerne l’Italie du XIVe siècle, je n’en ai quasiment rien retenu ! Et je ne vous parle même pas des histoires d’affaires étrangères (guerre avec la France, principalement, mais toujours en détail).
Ensuite, le deuxième point intéressant mais ardu, ce sont les références religieuses. Je suis allée au catéchisme, ok, mais c’était il y a longtemps. On sent à la lecture que les gens lettrés de l’époque devaient connaître la Bible presque par cœur, ce qui n’est aujourd’hui plus le cas de grand monde, car l’éducation n’est plus la même, ni la société. Du coup encore une fois, merci les notes !!
Néanmoins, la trame du livre est assez facile à suivre. Dante et Virgile (puis Béatrice) ont quelques moments d' »action », font plein de rencontres liées à [politique, histoire, religion, mythologie grecque et romaine], et même si on ne se souvient plus qui est la personne, à défaut d’avoir toutes les références on arrive quand même à la partie suivante du chant, où peut-être on comprendra mieux ce qu’il se passe.
Autrement je n’ai pas lu le livre en italien, ne voulant pas me rajouter une difficulté supplémentaire (surtout que mon italien est très loin d’être aussi fluide que mon anglais !) – je suppose qu’il y a aussi des choses à dire sur le style de l’auteur, rendu de façon très riche (énormément de vocabulaire) Renaissanmais très lisible par la traductrice.
Critique générale :
La grosse difficulté de cette lecture est que l’ouvrage a été écrit à destination des lecteurs de l’époque, autant dire des gens qui n’avaient pas du tout la même culture que nous, avec un contexte historique bien précis qui nous est à présent lointain ; et tout ceci donne à l’ensemble un aspect très étranger de notre point de vue de lecteurs du XXIe siècle, car le livre est truffé de références à des choses, personnes et évènements très connus à l’époque, mais qui se sont plus ou moins perdus au fil des siècles. En transposant, on pourrait imaginer des références aux grandes affaires et personnages politiques, économiques et médiatiques français de ces 30 dernières années, avec en plus des références à la culture/pensée occidentale de la fin du XXe siècle : ce serait probablement déjà assez dur à lire pour quelqu’un vivant aujourd’hui de l’autre côté de la planète, mais encore plus dans un siècle ou deux, quand les personnages les plus « secondaires » seront certainement tombés un peu dans l’oubli.