Le Secret d’Orbæ

De François Place. Casterman, 2013. Récit de voyage merveilleux jeunesse. Superbe ! [424 p.]

orbaeRésumé : « Il y a cette île de l’autre côté du monde, entourée de fleuves de brume, dont le nom se prononce dans un souffle: Orbæ. Il y a aussi une mystérieuse toile à nuages, et certaines cartes qui ne se lisent qu’à la clarté de la lune… Il y a Cornélius, le jeune marchand de drap des froides villes du nord. Il y a Ziyara, la petite gardienne de chèvres des montagnes de Candaâ. Même les routes les plus contraires peuvent se rencontrer…« 

Une très belle fresque située dans un monde qu’on croirait connaître, lue dans le cadre d’un partenariat.

Le rythme et le phrasé de ce livre lui donnent une tournure tout particulière qui ravira certainement certains lecteurs. L’auteur soigne ses descriptions, nombreuses, et cisèle ses phrases comme autant de détails du récit. La voix du conteur, après tout, le choix de ses mots, comptent pour autant dans une veillée que l’histoire qui se dévoile. 

L’histoire, justement, amène deux protagonistes l’un auprès de l’autre, dans deux récits séparés mais convergents : le voyage de Cornélius, puis le voyage de Ziyara. Le deuxième évite l’écueil de la répétition inutile même alors que les deux héros sont en contact, se concentrant sur le point de vue de Ziyara qui nous échappe dans la première partie, et les moments où elle n’est pas en compagnie de Cornélius, dans un nombre de pages légèrement plus court.

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La Fin des dieux

De A.S. Byatt. Flammarion, 2014. Conte. Excellente lecture. [188 p.]
Titre original : Ragnarök, The End of the Gods, 2011
findesdieuxRésumé : « En pleine Seconde Guerre mondiale, tandis que les bombes pleuvent sur l’Angleterre, une jeune fille est évacuée à la campagne. Elle a bien du mal à comprendre le chaos qui l’entoure, mais un livre de mythes scandinaves va venir bouleverser sa vie. Elle découvre un univers où une meute de loups poursuit inlassablement le soleil et la lune, un serpent gigantesque hante les profondeurs et des dieux se livrent à une bataille sans merci, détruisant la planète par leur inconscience. A S Byatt crée avec La Fin des dieux un conte puissant et prophétique qui interroge notre propre mortalité.« 
On suit les pensées d’une « frêle jeune fille » sur la guerre mais aussi et surtout sur sa lecture des Dieux d’Asgard, un ouvrage de mythologie nordique. Pour nous, pour elle, on suit récit après récit, mythe après mythe, de chapitre en chapitre, entrecoupé de ses propres réflexions, comme une tapisserie qu’on tisserait sous nos yeux. Elle explique ce qui la gêne, ce qu’elle a du mal à comprendre, mais aussi ce qui lui plaît ou lui semble logique, créant petit à petit du sens à partir de ces mots anciens et quelque peu barbares, de ces concepts étrangers et de toute la démesure que l’on peut trouver d’entre les racines d’Yggdrasil aux combats d’Odin les plus épiques. C’est une fresque personnelle, une vision de ce monde révolu. On est à la limite entre le conte et le roman / récit, entre une certaine réalité historique et narrative (l’enfant est réaliste; ainsi que son environnement immédiat) et la mythologie et les croyances.
Une connaissance même limitée du Voyage du Pèlerin de Bunyan (The Pilgrim’s Progress) est je pense un plus pour cette lecture. L’ayant subi (plus qu’apprécié, même si je reconnais une certaine qualité à l’œuvre) en L2 d’Anglais, j’ai pu me rappeler les allusions, les situer. En même temps l’histoire de Bunyan n’est pas bien compliquée : il s’agit d’un jeune homme qui s’appelle Christian en VO – Chrétien en VF (…), qui va devoir passer une série d’épreuves pour montrer qu’il est digne du Paradis (allégoriquement et plus ou moins explicitement !). Date de parution : 1675, vous comprenez mieux ? Bref, c’est apparemment un classique pour les petits Anglais (les pauvres, parce que quand même Narnia à côté c’est hyper actif et moderne).
« Au commencement était l’arbre. Le boule de pierre menait sa course dans le vide. Sous la croûte était le feu. Les rochers bouillonnaient, les gaz sifflaient.  Quelques bulles crevaient la surface de la croûte. L’eau saturée de sel s’accrochait à la boule tournoyante. De la boue coulait à la surface et dans cette boue se dessinaient des formes mouvantes. Tout point d’une sphère en est le centre et l’arbre était au centre. Il faisait tenir le monde, dans l’air, sur la terre, dans la lumière, dans l’obscurité, dans l’esprit. » ~ Yggdrasil, le Frêne-Monde
« Toujours ils vont par trois, c’est une loi du récit, autant des mythes que des contes de fées. La Règle de Trois. Dans le récit chrétien, les trois sont le grand-père irascible, l’homme généreux que l’on torture et l’oiseau blanc aux ailes qui palpitent. » ~ Homo Homini Deus Est
« Cette chose obscure lovée dans son cerveau et ces eaux ténébreuses qui recouvraient la page appartenaient à la même réalité et constituaient toutes deux une forme de savoir. C’est ainsi que fonctionnent les mythes. Ce sont des objets, des créatures, des histoires qui peuplent notre esprit. Ils ne s’expliquent pas et n’expliquent rien en retour. Ce ne sont ni des croyances, ni des allégories. Ces ténèbres avaient fini par envahir l’esprit de la frêle enfant et se mêlaient à la façon dont elle appréhendait la moindre nouveauté. » ~ Une frêle enfant en temps de paix.
 J’ai apprécié cette incursion dans les mythes nordiques, je m’y suis plongée avec délices d’autant plus qu’il me semble que c’est la version la plus « lisible » que j’aie jamais trouvée (excusez-moi mais l’Edda c’est un peu indigeste de mon point de vue français du  XXIe siècle ! Je n’ai pas encore trouvé de Voluspa), et qu’elle m’a également semblée plutôt complète. Par exemple, le Fimbulvinter ne me disait rien du tout, ni Randrasill, ainsi que quelques personnages « secondaires », parmi les Ases ou non ; je ne savais pas non plus que Jörmungandr était, ou pouvait être considéré, comme l’enfant de Loki, le « penseur enflammé » – personnage extrêmement développé ici, quasiment central à la deuxième moitié du livre ! Peut-être que ces éléments étaient dans l’Edda que j’ai lue, mais comme je vous le disais j’ai trouvé le texte difficile d’accès, décrochant à certains moments. Bref j’ai sacrément amélioré ma connaissance des dieux nordiques et de leurs petites affaires, et grandement apprécié aussi la précision de l’auteur au début du texte : à savoir que les mythes évoluent et comportent souvent plusieurs versions, des histoires ou des noms – du moins ceux transmis longtemps à l’oral.
L’auteur partage également avec nous quelques réflexions plus générales sur les mythes, qui m’a, encore une fois, profondément rappelé certaines phrases et explications du professeur Tolkien (Du Conte de fées, les Monstres et les Critiques). On abordera dans cette partie la différence entre mythes et cotes de fées, entre personnages de roman et personnages de mythes.
Une petite phrase dans laquelle je me suis intégralement reconnue, à la seule exception que de toutes les mythologies la nordique est une de celles qui m’a fait le plus longtemps défaut : « Je ne « croyais » pas aux dieux nordiques et je me suis même servi de ce que je savais de leur univers pour en arriver à la conclusion que l’histoire chrétienne n’était qu’un autre de ces mythes, le même genre de récit sur la nature du monde.« 
Une lecture très enrichissante, poétique et accessible. Je conseille à tous.

Winterheim [Intégrale]

De Fabrice Colin. Pygmalion, 2011. Fantasy. (Très) Bonne lecture. [604 p.]
Winterheim existe  au départ en un cycle de trois tomes : Le Fils des Ténèbres, La Saison des conquêtes, La Fonte des rêves.
188 WinterheimRésumé : « Il y a bien longtemps, les Faeders et les Dragons ont décidé de ne plus s’immiscer dans les affaires des mortels. Retirés loin de Midgard, ils ont cependant confié à la Dame des Songes et à ses trois demi-sœurs les Ténèbres la tâche de veiller sur les humains. Aujourd’hui, dans le royaume de Walroek, le jeune forestier Janes Oelsen, dont les parents n’ont jamais pu comprendre le caractère rêveur et la juvénile impétuosité, entre en possession, à la suite d’un pari, d’une mystérieuse carte. Accompagné de sa fidèle chouette Flocon, il part pour le château maudit de Nartchreck où, à en croire les légendes, repose un fabuleux trésor… »
J’oscille entre le « bonne » et « très bonne » lecture. Dans l’ensemble c’est de la fantasy assez classique mais en même temps très originale et bien construite (je me comprends ! :p), mais j’ai aussi repéré quelques maladresses ou choses qui m’ont dérangée.
La reprise des mythes nordiques est je pense le point fort majeur de l’œuvre (avec la qualité de la plume de l’auteur). Les dieux très « humains », arrogants, méprisants, avides, violents et machos (en tous cas ceux qu’on voit !), ainsi que les déesses qui sont ici montrées plus douces, protectrices, sages, raisonnées, maternelles, se livrent une bataille rangée mêlant mythes et politique. L’insertion des Dragons est pour moi inattendue, mais je connais moins la mythologie d’origine que la gréco-romaine, ou même l’égyptienne. J’ai tout de même grandement apprécié le point de vue de l’auteur sur les dieux asgardiens et la nouvelle mythologie qu’il a mis en place autour : la place du Temps, des autres personnifications anthropomorphiques (:p), d’Yggdrasil, des sorcières, et des populations humaines aux prises avec tout ce petit monde magique. Je parle de « petit monde » mais en fait j’ai ressenti l’univers comme quelque chose de riche et de profond, on a souvent le droit d’ailleurs à des genres d’interludes descriptifs (ou même narratifs), parfois même hors-sujet avec l’action présente, qui ne semblent être là que pour aider le lecteur à plonger un peu plus dans le monde entre Midgard et Winterheim. Sur ce point je trouve que Fabrice Colin a fait très fort, l’immersion a très bien marché sur moi, et a été très convaincante.
Les quelques choses qui m’ont moins plu sont de manière générale plutôt des détails : quelques longueurs dans l’histoire, quelques passages un peu confus, et quelques tentatives de narration originales qui pour moi n’ont pas été très concluantes, notamment le texte sans ponctuation que je n’ai pas trouvé très utile et plutôt casse-pieds à lire, et la rencontre de Livia et Janes autour de la table du festival, où j’avais envie de lire d’abord toutes les pages de l’un puis toutes les pages de l’autre ! (Les deux points de vue étaient présentés en vis-à-vis, Janes page de gauche et Livia page de droite, sur quelques pages en tout). Par contre j’ai aimé d’autres prises de risque ou brisures de codes structurels de temps à autre, le choix de chapitres très courts, les nombreuses voix dont beaucoup données à des personnages secondaires voire d’arrière-plan qui ont un aspect de figurants sur lesquels la caméra se focaliserait furtivement. La scène avec les aulnes m’a bien entendu fait penser aux Ents, mais je crois me souvenir que Tolkien n’a ici strictement rien inventé et qu’on touche aux racines (pardon) du folklore nordique, tout court. D’ailleurs les deux auteurs ne gèrent pas du tout leurs arbres de la même façon.
Il y a aussi des choix de l’auteur que je n’ai pas trouvé très cohérents ou justifiables, certaines choses un peu tirées par les cheveux ou tues pendant longtemps sans qu’on sache très bien pourquoi. La rencontre de Janes avec Julea un an seulement après sa séparation d’avec Livia m’a semblé vaguement abusive – il était amoureux fou de Livia, vraiment ? Dans un monde aussi lyrique, je ne m’attendais pas à ça, surtout après toute la poésie déployée autour des deux personnages dans les chapitres précédents. Sommes-nous censés penser que Janes « n’est qu’un homme » ? Dans ce cas bonjour le machisme, et personnellement je trouve que ça casse un peu ce qui a été construit précédemment. D’ailleurs au niveau du ton et des thèmes utilisés je pense qu’il y aurait peut-être eu moyen de faire quelque chose de plus équilibré, entre les instants de poésie lyrique, de descriptions grandioses, de scènes bien violentes ou sanglantes, et les scènes de sexe quand même relativement nombreuses (je veux dire par là que j’ai parfois pensé qu’on aurait pu avoir une description plus courte voire une scène supprimée car cela n’amenait rien de spécial). Peut-être que c’était une manière de montrer la brutalité et la multiplicité du monde, je n’en sais rien !
J’ai été parfois gênée, perdue ou dégoûtée, souvent emportée par le torrent d’écriture. Sa force est néanmoins incontestable, que l’on aime tout ou seulement une partie du livre, il y a quelque chose de puissant qui s’en dégage. Un roman qui n’est pas parfait mais qui vaut le coup d’être lu si vous aimez la fantasy et/ou la mythologie scandinave.
NB : le nom du chapitre « Carnaval de neige » a été pour moi comme un écho à « Bal de givre…* ». Coïncidence ? Aucune idée.
* « … à New York », autre œuvre de l’auteur (en jeunesse).
Chroniques d’ailleurs :  Blog-O-Livre, Lectures Trollesques

Grimoire des loups-garous

« … Suivi d’autres traités fameux de lycanthropie ».
Par Édouard Brasey. 2010. Documentaire / Contes. Très bonne lecture. [431 p.]

 

Je note qu’il est dédicacé à Claude Seignolle ; il me semblait me souvenir que ce monsieur écrit de la littérature de terroir, mais apparemment c’est aussi (surtout ?) un folkloriste et écrivain fantastique. Je dois le confondre avec quelqu’un d’autre (Christian Signol peut-être ?), ce ne serait pas la première fois !
Grimoire-des-loups-garousRésumé : « Quelles sont les origines des loups-garous ? Comment les reconnaît-on ? Est-il possible de s’en débarrasser ?
C’est à ces questions que répond cet ouvrage de référence sur toutes les représentations des loups-garous à travers la littérature, le folklore et les légendes. Ce mythe fantastique très populaire qui remonte à l’Antiquité a traversé toutes les époques, marquant le Moyen Âge et la Renaissance avec les procès en garouage, où des hommes ont été condamnés pour sorcellerie et brûlés sur le bûcher.
D’anciens traités et contes abordent les diverses croyances et superstitions, comme Légendes rustiques de George Sand ou Littérature orale de l’Auvergne de Paul Sébillot.
Ce grimoire révélera tout ce qu’il est indispensable de savoir au sujet des loups-garous et les moyens de s’en préserver.« 
Ma première impression sur ce livre c’est que c’est un bel objet : relié, illustré, avec des pages de papier épais vaguement jauni et parfois mal coupé – tout ce qu’on pourrait attendre d’un grimoire ! (Même s’il faudrait sans doute, à des fins de peaufinage, le laisser quelques années dans un grenier plein de moisissures – mais il s’agit là d’un ouvrage emprunté à la médiathèque, je ne peux donc pas me permettre de le customiser).
L’ouvrage est divisé en grandes parties, elles-mêmes segmentées en chapitres. On peut donc choisir de lire les parties folkloriques, ou littéraires, ou médicinales comme on le souhaite, surtout que le sommaire est extrêmement pointu et donne même des titres d’extraits d’œuvres présents dans lesdits chapitres, ou les sujets précis qui vont être traités à chaque fois. Un très bon point donc, également, pour l’aspect usuel de ce livre, qui a été non seulement pensé comme tel mais réalisé en ce sens. 🙂
Je tombe aussi, malheureusement, sur des blancs entre parenthèses – décidément, je ne dirais jamais assez combien je trouve de coquilles ou erreurs chez le Pré aux Clercs, malgré le fait qu’ils éditent principalement des ouvrages sur des thèmes qui m’intéressent, et souvent de très beaux bouquins ! (voir ci-dessus) 😡 Je n’aurais pas d’explication supplémentaire sur le vrykolakas grec, qui « désigne tour à tour le loup-garou et le vampire ». Dommage. (Les recherches d’encre invisible n’ont rien donné non plus). Donc voilà, je fais comme d’habitude : je m’énerve sur la page incriminée, je soupire, et je poursuis quand même ma lecture avec intérêt !
Autrement le livre dans son ensemble est bien ce que je m’attendais à trouver : composé comme un essai, ou un documentaire sur le sujet, entrecoupé d’extraits de contes ou de contes entiers, avec sources citées (auteurs, dates parfois), et venant de différentes régions, « pays » ou villes de France aussi bien que de sources étrangères.
Je retrouve en passant une référence à Collin de Plancy. 🙂 George Sand est également citée, ainsi que d’autres auteurs qui ne me sont pas forcément familiers.
La partie historique est je trouve assez affreuse (en même temps qu’intéressante), il y a tout de même un bon nombre de gens qui soit se sont fait tuer de façon horrible*, prétendument par des loups-garous, mais également un certain nombre de personnes condamnées à mort car suspectées de lycanthropie (plutôt avant le XVIIe siècle, quand même).
On a aussi droit à un sympathique et détaillé lexique des différents garous recensés, où j’ai trouvé ça : « La barguest est un garou vivant dans le nord de l’Angleterre et de la Cornouailles [sic ?], qui prend l’apparence d’un grand chien noir pour hanter les campagnes du Lancashire où on la surnomme padfoot (pas feutré). » lol. Les lecteurs VO d’Harry Potter auront maintenant un début d’explication 😉 Et je ne trouve plus le surnom traduit de Sirius Black… Patmol ? Oui, peut-être. J’avais retenu que la bargeist (autre orthographe, mais je pense même créature) était un esprit, mais vu que le texte continue en disant qu’elle ne laisse pas d’empreintes, je suppose qu’elle appartient aux deux catégories selon les légendes et témoignages. Ah et puis tant qu’on y est vous (les mêmes) serez également aussi ravis d’apprendre que « les lubins et lupins sont des loups-garous charognards qui hantent les cimetières du centre de la France. »
Je remarque que beaucoup de légendes autour du garou évoquent un animal (humain transformé) qui ne dévore pas forcément sa victime, mais se perche sur son dos afin de la faire courir (d’où « courir la galipote / la birette / le varou »), de l’épuiser, de la torturer… et aussi souvent de l’étouffer sous son poids et ses maltraitances. Bon d’accord c’est pas mieux, mais c’est différent, non ? Encore une fois je vois là un lien avec certaines histoires d’esprits mauvais, qu’ils soient fantômes ou lutins (mais pas loups-garous).
La deuxième moitié du livre n’est pas de la plume de Brasey, mais regroupe d’autres documents, médicaux et littéraires.
En bref, une très bonne référence.
* J’ai passé un été de mon adolescence avec un journal local qu’une personne me passait après lecture pour que je puisse faire les jeux à la fin. Ben franchement, les faits divers locaux, ça ramène certains romans policiers à de la littérature terriblement réaliste ! (Oui, oui… Genre l’homme de 80 ans qui tue sa femme à coups de hache. Ou la femme qui empoisonne son mari. Ou le paysan qui chope son arme et déglingue quelqu’un. De quoi douter que les grands criminels soient vraiment un danger pour la population honnête et innocente – ahem. lol)

20 clés pour comprendre le chamanisme

De Michèle Bilimoff et consorts. 2013. Essai. Très bonne lecture.
chamanismeRésumé : « Religion primordiale, philosophie de l’harmonie avec la nature et des réalités extrasensorielles, le chamanisme fascine notre modernité à la recherche d’authenticité. Présent aussi bien en Amérique précolombienne qu’en Sibérie ou en Afrique, il donne lieu à un vaste éventail de manifestations culturelles et spirituelles dont le présent ouvrage offre un tour d’horizon complet.

Avec : Michèle Bilimoff, Éric de Rosny, Anne de Sales, Louis-Jacques Dorais, Roberte Hamayon, Jénane Kareh Tager, Serge Lafitte, Frédéric Laugrand, Michel Perrin, Joëlle Rostkowski, Jennifer Schwartz, Odon Vallet et Danièle Vazeilles.« 

Une synthèse courte (150 p. petit format, écrit assez gros et avec beaucoup de divisions à l’intérieur, ce qui « fait moins de texte » :D) mais sympathique, et relativement complète d’après ce que j’ai déjà lu sur le sujet ! J’ai retrouvé des références à Mircea Eliade, qui apparaît une fois de plus comme *la* référence en matière d’histoire des religions (au sens très large : cultes et rites sociaux en général), et aussi quelques noms que je crois avoir croisés auparavant, et qui me semblent tenir des discours cohérents, bien référencés, et plutôt objectifs (ce qui n’est pas toujours le cas pour ce genre de thèmes).
Le livre rassemble 20 articles qui se focalisent tous sur un aspect particulier du thème principal : « La première religion de l’humanité ? » – « Des esprits et des ancêtres » – « Le langage des plantes » – « L’art » – « Afrique » – « Le néochamanisme » – voilà un échantillon pour vous donner une idée ! Du coup on apprécie des explications qui arrivent au fur et à mesure, concentrées à chaque fois sur un aspect précis, ce qui m’a permis de me (re)construire une représentation du concept de chamanisme petit à petit, de manière très méthodique. J’ai trouvé l’agencement des articles pertinent, cela permet une certaine progression dans la lecture, plus ou moins du général au particulier (des origines et pratiques du chamanisme en général à ses particularités rituelles, régionales ou sociologiques).
J’aurais aimé un petit peu plus de références ; mais je suppose que le format du livre ne permettait pas d’en caser plus, d’autant qu’il est clairement destiné à un grand public, et non pas à des universitaires : le langage est relativement clair, les mots scientifiques sont explicités en grande partie.
Un bon ouvrage de synthèse que je recommande à ceux que le sujet intéresse.

100 animaux mythiques de l’Histoire

De Caroline Triaud. 2011. Synthèse mythologique et culturelle. Livre mal fichu.
100animauxRésumé : « Depuis la préhistoire, l’animal a toujours accompagné l’homme, et nourri les imaginaires. Cet ouvrage regroupe 100 animaux mythiques, symboles d’une période historique ou d’une région du monde. Le Minotaure, le Sphinx, mais aussi la bête du Gévaudan, le Chat Botté, Idéfix ou Sophie la Girafe… tous sont témoins des relations entre l’homme et l’animal et de l’histoire des hommes et de leur imaginaire.« 
Ce livre présente toutes sortes de bestioles (le terme « animal » me semble peu approprié lorsqu’il s’agit de créatures qui prennent des formes multiples, et hybrides). Chaque créature a une page recto-verso dédiée, ni plus ni moins.
Déjà, à ce niveau, j’ai constaté des déséquilibres : en effet certains sont mieux connues que d’autres, ont une histoire plus étoffée ou plus de légendes dans lesquelles elles apparaissent que d’autres, ce qui entraîne tantôt une impression d’étirage en longueur, tantôt une accumulation de détails compressés et non explicités. Je souhaite bon courage par exemple à ceux qui n’auraient pas lu son histoire, pour suivre l’histoire de Pégase, parce qu’elle est farcie de références à plein d’autres personnages de la Grèce mythologique, qui sont eux très peu explicités (voire pas du tout).
Une petite chose qui m’énerve un peu aussi, c’est que l’auteur aime bien préciser que certaines créatures apparaissent dans « des mangas, des films, des jeux vidéos » – qu’elle ne cite pas – mais elle arrive toujours à caser des exemples de Pokémon ! Ok, Simiabraz est peut-être inspiré de Sun Wukong, mais d’après ce que je lis un peu partout s’il fallait citer des dérivations de ce personnage et de son mythe les séries Saiyuki ou Dragonball auraient sans doute été tout aussi pertinentes, et auraient surtout permis au lecteur de se diriger vers d’autres sources d’information… (fiche d’un Pokémon = 10 lignes pour ceux qui ne verraient pas de quoi je parle !)
En fait autant lorsqu’elle parle de mythologie et de vieux textes elle a l’air de bien respecter les détails et les noms, autant les parties « culture populaire » ont l’air d’avoir été ajoutées « parce qu’il le fallait », ne sont pas toujours pertinentes, et comportent des à-peu-près : « [Fenrir] est un personnage de la saga Harry Potter, où il est figuré sous la forme d’un loup-garou des Mangemorts de Valdemort. » (sic) On ajoutera Walt Disney comme troisième référence majeure destinée au grand public qui n’aurait pas lu les textes anciens… Ou peut-être plutôt aux érudits qui ne mettraient pas le nez hors des ouvrages universitaires !
Parfois il y a également des petites problèmes dans la rédaction, par exemple plus d’une fois un nom est parachuté ; en relisant je comprends qu’il s’agit d’une personne introduite dans le paragraphe précédent – mais pas nommée. J’aurais appris, en passant, que les hiboux ont « une aigrette sur le front » (sic).
Je regrette enfin l’absence d’illu- pardon, il y a en fait de toutes petites vignettes à moitié mangées par le bord de la page, à côté de chaque titre. Autant vous dire qu’elles sont en noir et blanc, et si petites qu’on ne voit en gros rien.
Faut-il pour autant jeter ce livre aux orties ? Peut-être pas. Les mythes sont quelque chose à quoi je m’intéresse depuis très jeune, j’ai donc accumulé suffisamment de lectures pour me montrer plutôt critique sur ce point. Je ne conseille pas spécialement cet ouvrage aux gens dans la même situation, mais je pense qu’il pourrait être attrayant aux yeux d’un novice en contes et légendes, ou quelqu’un qui cherche des sources sur le sujet, car les textes sacrés ou mythiques d’où sont issus les « animaux » sont dans l’ensemble cités.

Ces endroits que les livres m’ont donné envie de découvrir

Je reprends cette idée d’article à la suite du Top Ten Tuesday publié parla tête dans les livres cette semaine : Endroits / Univers que j’ai envie de découvrir.
Tous endroits confondus, réels ou imaginaires :
1. La Terre du Milieu – Tombée très tôt dans le chaudron de Tolkien, n’en suis jamais véritablement ressortie. Trop de choses à voir dans cet univers, d’endroits différents mais tous avec un certain côté féérique ou grandiose, d’après les descriptions de l’auteur. Bon, après, savoir si je serais capable d’y survivre c’est une autre question ^^.

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2. L’Angleterre – découle en partie de Tolkien, qui s’est entre autres inspiré de la campagne du Warwickshire, d’où était originaire sa femme Edith, et du Worcestershire où il a passé son enfance (où est situé le fameux Moulin de Sarehole). J’aimerais aussi (dans l’absolu) aller faire un tour en Cornouailles, pays de contes et légendes, et pas qu’arthuriennes ; et également à Lyme Regis sur la côte sud (les livres sur la paléontologie, ça compte, hein ^^).
rose
3. Londres – j’y suis déjà passée mais en fait j’ai tellement de choses à y voir qu’il me faudrait un mois ! Des quartiers chics aux bas-quartiers, même s’ils n’ont plus la tête qu’ils avaient au XIXe, juste pour retrouver le monde de Sherlock Holmes, de Henry James, et de bien d’autres auteurs jeunesse et adultes qui ont tous quelque chose à décrire, une anecdote à raconter, des légendes à partager, des siècles d’Histoire à transmettre…

saintpaul

4. Oxford – un peu la même chose que Londres, j’ai eu l’occasion d’y passer mais la ville et grande et les références bien trop nombreuses : Tolkien, mais aussi C.S.Lewis, Lewis Carroll, et Philip Pullman… au moins.oxford
5. Isla Nublar – Je veux visiter le Parc Jurassique !!

JP

6. Venise – je pense tout particulièrement à Kai Meyer et sa trilogie jeunesse dont j’ai oublié le nom. Ville d’art et de mystère, assaisonné de complots politiques. Hmm 🙂

lionvenise

7. Le monde de Lyra – rien que pour aller visiter son college, et faire un tour dans cette drôle d’Angleterre à moitié magique ! Et avoir mon propre daemon :p

martre

8. Le Japon – je n’ai pas envie d’y vivre car j’ai toujours Stupeur et Tremblements en tête, mais je serais curieuse d’aller voir sur place en quoi les mangas sont une bonne vitrine ou une image trompeuse, et découvrir le mode de vie oriental parait-il si différent du nôtre, partiellement dévoilé par les livres.

sakura

9. TerremerUrsula Le Guin m’a donné l’impression que c’était un endroit magnifique et super tranquille, parfait pour passer ses vacances avec un bon livre.

terremer

10. Narnia – l’univers en lui-même me plaît bien : les créatures sont sympathiques, la magie est relativement neutre, les paysages diversifiés et pas trop cauchemardesques !

narniabaynes

J’en aurais encore quelques autres à ajouter, mais la liste deviendrait longue… Et vous ?

La Divine comédie

De Dante Alighieri. 13** (début du siècle). Récit allégorique en vers. Lecture très instructive, mais difficile.
Titre original : La Divina Commedia
DC_titreJ’ai beaucoup à dire sur cette lecture, que je voulais faire depuis longtemps tout en me doutant qu’elle ne serait pas simple. Je vais parler un minimum de la structure du livre, mais dans ce cas précis il me semble que c’est primordial.
Un petit résumé à ma sauce : Dante, poète florentin, rencontre Virgile (poète romain, donc, auteur de l’Enéide), qui l’invite à aller dans l’au-delà, en passant par les Enfers et jusqu’au Paradis. Ça tombe « bien », Dante a justement perdu sa fiancée, la belle Béatrice, morte 11 ans plus tôt ; c’est l’occasion de la retrouver.
Ce sera tout pour le côté « actif ».
DC_pages (2)De là découlent trois livres, sans surprise : Enfer, Purgatoire, Paradis, composés chacun de 33 chants – comme les chants homériques. Pour les amoureux de la poésie : Dante utilise dans sa langue l’hendécasyllabe (vers de 11 pieds), ce qui est plutôt original. Oui, parce que ces 500 pages (grand format !) sont écrites intégralement en vers. Le terme « comédie » est utilisé car l’auteur l’a écrit en langue vulgaire, commune, car l’œuvre est adressée à un grand public. Le mot a aujourd’hui un autre sens qui n’est pas approprié ici. Bien qu’écrit avant le début de la période, la Divine Comédie est souvent retenu comme une préface au style et aux idées de la Renaissance.
Un souci technique s’est imposé à moi dès le départ : je n’aime pas (trop) lire de la poésie, or ce livre n’existe qu’en traduction en vers, du moins dans mon entourage immédiat. Je n’avais pas (je n’ai toujours pas) envie de l’acheter, ne sachant pas à quel point il allait me plaire ou m’être utile. En effet, ma principale raison de me lancer dans une lecture aussi ardue est essentiellement la frustration de voir des citations et références à cet auteur un peu partout, sans en connaître la source originale ; il fallait donc que je trouve une version la plus « lisible » possible, pour pouvoir avoir accès au texte, sans simplement aller chercher un résumé sur la Wiki*, ce qui donne forcément une version épurée, synthétisée. Or, l’essentiel du livre repose sur des références, des symboles, des métaphores : rien qui ne puisse réellement être transmis par un résumé ! Après avoir trouvé une version poche à la typographie dégueulasse (l’encre bavait de partout –‘) et traduit de façon vieillotte – voire pompeuse – à la médiathèque où je vais d’habitude, j’ai fini par trouver mon bonheur à la bibliothèque municipale, qui contient un fonds plus classique mais aussi plus ancien, et des beaux livres.
* Ledit résumé est ironiquement beaucoup moins détaillé quand il s’agit d’expliquer les histoires politiques et théologiques du Paradis que pour décrire les scènes de torture des Enfers.

Voilà la bête 😀

divinecomedie

DC

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Un beau bébé de cinq kilos environ, 34 x 25,5 x 6 cm à la louche, relié en tissu, avec de belles pages cartonnées, une typographie très lisible, et une traduction moderne d’une spécialiste de l’œuvre :  Jacqueline Risset, sur deux colonnes très claires, s’il vous plaît ! Ajoutez à cela une préface, des annexes, des notes de bas de page ET de fin de livre – bref tout ce qu’il faut pour attaquer la lecture la plus ardue. Et encore, je ne vous ai pas mentionné les dessins de Sandro Botticelli :).
Pour ceux qui ne voudraient pas fatiguer leur petits bras (j’ai souffert… et je dois encore le ramener !), il existe en plein d’éditions moins lourdes, souvent en trois volumes.

Alors, ça a donné quoi ?

Tout d’abord j’ai été extrêmement contente d’avoir une préface, une vraie, qui nous met dans le bain et nous explique les grandes lignes du texte. Ensuite je suis arrivée au bout de l’Enfer sans trop de souci. Je n’ai presque rien retenu du Purgatoire, et j’ai fini le Paradis avec plus de peine, à cause des grandes lignes de la philosophie et théologie néo-platonicienne, que j’avais un peu de mal à suivre et qui ne m’intéressait guère.
Suite à la lecture de la préface j’avais fait quelques recherches vite fait sur certains termes que j’y avais trouvés : néo-platonisme, Boccace, Quattro Centto, et d’autres dont je ne me rappelle plus exactement, et ça m’a été assez utile, ça m’a aidée à me plonger dans le contexte. Botticelli n’est pas contemporain de Dante, il a vécu à peu près un siècle après, mais le contexte politique était d’après ce que j’ai compris un peu semblable. Cette histoire de contexte historique constitue une part énorme du livre et des références : en effet, sous couvert d’un récit théologique, l’auteur décrit et critique la société de son époque, particulièrement les nobles et la papauté, qui étaient tous plus ou moins (plutôt plus que moins !) impliqués dans des querelles intestines, des affaires de corruption, de trahison, de mauvaise vie, etc. Autrement dit, moi, en tant que non-italianiste (pour reprendre le terme universitaire), j’étais assez perdue dès qu’il s’agissait du duc machin ou du pape bidule, qui avait fait telle chose au détriment de… (aha.) Les notes m’ont tout de même fourni énormément d’explications en cours de lecture, même si, n’ayant pas les bases nécessaires pour greffer des détails dessus en ce qui concerne l’Italie du XIVe siècle, je n’en ai quasiment rien retenu ! Et je ne vous parle même pas des histoires d’affaires étrangères (guerre avec la France, principalement, mais toujours en détail).
Ensuite, le deuxième point intéressant mais ardu, ce sont les références religieuses. Je suis allée au catéchisme, ok, mais c’était il y a longtemps. On sent à la lecture que les gens lettrés de l’époque devaient connaître la Bible presque par cœur, ce qui n’est aujourd’hui plus le cas de grand monde, car l’éducation n’est plus la même, ni la société. Du coup encore une fois, merci les notes !!
Néanmoins, la trame du livre est assez facile à suivre. Dante et Virgile (puis Béatrice) ont quelques moments d' »action », font plein de rencontres liées à [politique, histoire, religion, mythologie grecque et romaine], et même si on ne se souvient plus qui est la personne, à défaut d’avoir toutes les références on arrive quand même à la partie suivante du chant, où peut-être on comprendra mieux ce qu’il se passe.
Autrement je n’ai pas lu le livre en italien, ne voulant pas me rajouter une difficulté supplémentaire (surtout que mon italien est très loin d’être aussi fluide que mon anglais !) – je suppose qu’il y a aussi des choses à dire sur le style de l’auteur, rendu de façon très riche (énormément de vocabulaire) Renaissanmais très lisible par la traductrice.
Critique générale :
La grosse difficulté de cette lecture est que l’ouvrage a été écrit à destination des lecteurs de l’époque, autant dire des gens qui n’avaient pas du tout la même culture que nous, avec un contexte historique bien précis qui nous est à présent lointain ; et tout ceci donne à l’ensemble un aspect très étranger de notre point de vue de lecteurs du XXIe siècle, car le livre est truffé de références à des choses, personnes et évènements très connus à l’époque, mais qui se sont plus ou moins perdus au fil des siècles. En transposant, on pourrait imaginer des références aux grandes affaires et personnages politiques, économiques et médiatiques français de ces 30 dernières années, avec en plus des références à la culture/pensée occidentale de la fin du XXe siècle : ce serait probablement déjà assez dur à lire pour quelqu’un vivant aujourd’hui de l’autre côté de la planète, mais encore plus dans un siècle ou deux, quand les personnages les plus « secondaires » seront certainement tombés un peu dans l’oubli.

World War Z

De Max Brooks. 2009. Science-fiction « historique »/ uchronique. Impression mitigée.
Titre original : le même, paru en 2006. En fait, « World War I » est la dénomination anglaise (américaine aussi) pour la Première Guerre Mondiale (pareil pour WWII). Le titre équivaut donc à « Zombie Guerre Mondiale », ou « Guerre Mondiale contre les Zombies »
worldwarzRésumé : « La guerre des Zombies a eu lieu, et elle a failli éradiquer l’ensemble de l’humanité. L’auteur, en mission pour l’ONU – ou ce qu’il en reste – et poussé par l’urgence de préserver les témoignages directs des survivants de ces années apocalyptiques, a voyagé dans le monde entier pour les rencontrer, des cités en ruine qui jadis abritaient des millions d’âmes jusqu’aux coins les plus inhospitaliers de la planète. Il a recueilli les paroles d’hommes, de femmes, parfois d’enfants, ayant dû faire face à l’horreur ultime. Jamais auparavant nous n’avions eu accès à un document de première main aussi saisissant sur la réalité de l’existence – de la survivance – humaine au cours de ces années maudites. Depuis le désormais tristement célèbre village de Nouveau-Dachang, en Chine, là où l’épidémie a débuté avec un patient zéro de douze ans, jusqu’aux forêts du Nord dans lesquelles – à quel prix ! – nombre d’entre nous ont trouvé refuge, en passant par les Etats-Unis d’Afrique du Sud où a été élaboré l’odieux plan Redecker qui finirait pourtant par sauver l’humanité, cette chronique des années de guerre reflète sans faux-semblants la réalité de l’épidémie. Prendre connaissance de ces comptes-rendus parfois à la limite du supportable demandera un certain courage au lecteur. Mais l’effort en vaut la peine, car rien ne dit que la Zème Guerre mondiale sera la dernière. »
Par quoi commencer ?
J’ai vu le film avec Brad Pitt il y a quelques semaines, encore un « blockbuster » (je vais faire comme tout le monde et l’employer sans être sûre du sens :p) – enfin un film avec de l’action, des zombies vraiment flippants parce que super rapides, un scénario à la « heureusement je suis là pour sauver le monde », et finalement 2h de divertissement agréable, à défaut de grand cinéma.
N’écoutez pas les gens qui vous disent que le livre est mieux.
Pas parce qu’ils ont tort, non, quelque part c’est très subjectif. Mais parce que comparer le livre et le film c’est à peu près comme comparer Harry Potter et le Seigneur des Anneaux : étranglez les gens qui le font, pendez-les, ou donnez-leur des coups sur le crâne en espérant que ça rentre un jour : on ne compare pas ce qui n’est pas comparable.
Le seul et unique vrai point commun entre les deux histoires c’est le fait que des personnes se transforment en zombies au niveau international, et déciment un gros tas de la population mondiale. Ensuite on peut en trouver un petit, car le « narrateur » du livre appartient à l’ONU. Mais son rôle n’est pas du tout, mais alors du tout du tout, celui du personnage principal du film.
Bref. Côté bons points on a un style très fluide et plutôt bon, des notes de bas de page pour expliquer les choses attenantes au côté dystopique / uchronique, un style d’écriture qui change avec les différents intervenants, ce qui donne un côté réaliste, et des témoins plutôt variés et hauts en couleurs.
Le reste peut être considéré comme bon ou mauvais, selon ce que vous aimez lire. Personnellement, j’ai trouvé ça longuet (à cause souvent des éléments sous-mentionnés), surtout dans les 100 dernières pages.
On sait dès le début comment ça s’est fini, ou plutôt que ce n’est pas encore tout à fait fini. Pas de grosse surprise dans le scénario global, pas de vrai retournement de situation, comme on peut s’y attendre ; en fait ceci n’est pas un roman mais bien une succession de « témoignages », repris de façons « réaliste » par le journaliste qui nous présente l’introduction, et qui se tient toujours là en filigrane, pour diriger les entretiens. On se retrouve donc à lire un genre de dossier, tout à fait dans la veine du journalisme littéraire, literary journalism, autrement dit des documents à valeur médiatique et informative, mis plus ou moins en forme pour former un tout et faire en sorte que le lecteur se retrouve immergé dans l' »ambiance ».
De ce que j’ai appris à la fac, il semblerait que le LJ marche très bien en particulier aux Etats-Unis, et en fait ça m’a très nettement rappelé certains textes qu’on avait étudiés à ce propos. Par contre le souci que j’ai eu c’est que mon cerveau était super conscient que tout ceci était de la fiction, parce que les zombies ça n’existe pas. Du coup j’ai été beaucoup moins touchée par ces témoignages que par ceux de la guerre du Viet-Nam, ou des survivants d’Hiroshima, qui eux sont bien réels. J’aurais aimé avoir plus d’éléments tenant de la science-fiction, de l’aventure, mais en fait, non.
Je pense que le côté réaliste de ces textes, et aussi les nombreuses références justement à ce qui a vraiment existé comme horreurs et guerres sont censées permettre au lecteur de s’immerger dans l’ouvrage tout comme s’il lisait effectivement des témoignages de guerre, je veux dire d’une vraie guerre. Moi je voulais lire un livre de S-F, je m’attendais à un truc genre Stephen King, mais ce n’est pas du tout ça. Je n’aime pas trop lire des livres d’histoire dans l’ensemble, pas si ce n’est pas romancé. De plus vu le nombre de personnages je n’ai eu le temps de m’attacher à aucun d’entre eux, d’autant plus qu’une fois de plus ils ne sont pas réels.
Quelques bémols et notes : j’aurais aimé quelques notes de plus de la part du traducteur ou éditeur, concernant les éléments qui ne font pas partie de la fiction mais du monde et de l’Histoire réelle. Mes cours sur l’histoire des Etats-Unis m’ont servi plusieurs fois, et encore il y a des détails que je n’ai pas compris / dont je ne me rappelais plus et que donc j’ai zappés. Ensuite j’ai fini par comprendre que « Zack » désignait la masse zombie, mais franchement le premier coup que j’ai lu ça je n’étais pas sûre.
Je pense que ce livre est censé se lire comme un livre d’histoire, et pas un livre de science-fiction. Il est très ancré dans les problèmes humains : sociaux, politiques, économiques, questions existentielles et psychologiques… En fait les zombies ne semblent qu’un prétexte pour remettre une fois de plus l’humanité en scène, dans un décor de S-F qui dessert un discours autour de la guerre, de toutes les guerres.
Chroniques d’ailleurs : L’Aléthiomètre

Le Philosophe ignorant

Par Voltaire. 1766, édition de 2008. Essai philosophique. Excellente lecture.
philosopheRésumé : « Voltaire est âgé de 72 ans en 1766 lorsque paraît Le Philosophe ignorant, malicieuse invitation à un voyage autour du monde de la philosophie. Raillant Descartes, Spinoza et Leibniz – la volonté n’est pas plus libre qu’elle n’est bleue ou carrée, oppose-t-il au premier -, louant les analyses de Pierre Bayle et de John Locke, Voltaire critique avant tout l’esprit de système des philosophes, que guettent les travers de son Pangloss. Contrairement à eux, le philosophe ignorant qu’est Voltaire ne dissimule pas ses contradictions : oui, on peut être à la fois déiste et profondément sceptique ; oui, on peut soutenir que les principes de la morale, comme toutes les idées, s’acquièrent par les sens, et néanmoins affirmer qu’il existe une morale universelle et naturelle fondée en Dieu. Car le philosophe ignorant ne cesse de rechercher la vérité. Tel est l’autoportrait que nous livre ici Voltaire. »
Qu’on aime ou pas Voltaire, il reste un philosophe plutôt accessible à tous : un vocabulaire assez simple, des phrases claires, et malgré quelques contradictions (plein en fait) un fil de pensée assez facile à suivre. Ce texte est à la fois court (100 pages), en forme de liste, et essaye de définir entre autres choses ce qu’est un philosophe et qui est Voltaire. C’est non seulement intéressant mais en plus, de mon point de vue, un ouvrage que je recommanderais à ceux qui ne sont pas (ou peu) habitués à lire de la philosophie, dont certains textes sont, il faut le dire, carrément abscons.
J’ai énormément apprécié la manière dont se place Voltaire dans la société de l’époque. Il écrit sur des choses et des gens (auteurs) qui lui sont contemporains, et aussi d’autres qu’il a lu car c’était des « best-sellers philosophiques » à l’époque (Locke, Hobbes, Descartes…), et il critique les uns et les autres en expliquant en quoi il est d’accord avec les uns mais pas du tout avec les autres, et aussi comment il a changé d’avis sur certains sujets et points philosophiques. C’est quelqu’un de très critique mais aussi de très direct, qui aime même ponctuer son discours de traits d’humour, ce qui rend la lecture dynamique et absolument pas ennuyeuse. Ce trait est accentué par la liste dont je parlais plus haut, qui concerne beaucoup de sujets qui se suivent, et donc changent au fil des pages, une raison de plus pour ne pas se lasser !
Le petit plus : la préface de Véronique Le Ru, qui m’a paru bonne et intéressante de mon point de vue curieux mais pas spécialiste, et le glossaire + dossier à la fin, qui amènent quelque 30 pages d’informations complémentaires permettant de resituer certaines choses, et de se faire une idée de certains textes dont Voltaire parle dans l’ouvrage.
Un excellent livre très abordable, dans le ton de beaucoup d’ouvrages poche de Gallimard (oui, je sais, les petites éditions, gnagnagna, mais bon, il faut reconnaître que les grands éditeurs ont parfois aussi du bon 😉 )