La Porteuse de mots

De Anne Pouget. Casterman, 2014. Roman historique jeunesse. Très bonne lecture [260 p.]
Mise en page 1Résumé : « « A l’eau ! A l’eau ! Qui veut de ma bonne eau ? » Du matin au soir, Pernelle arpente les rues de Paris. Sur ses épaules, deux lourds seaux remplis de l’eau qu’elle propose aux passants. Dans sa poche, un papier froissé couvert de mots qu’elle s’acharne à déchiffrer. Car la petite porteuse d’eau caresse un rêve secret : apprendre à lire. Ce n’est qu’un espoir inaccessible… jusqu’au jour où elle fait la connaissance d’Enzo, un jeune étudiant italien prêt à lui donner des leçons. C’est la première étape d’une succession d’évènements incroyables qui mèneront Pernelle bien au-delà de ses rêves.« 
Je remercie les éditions Flammarion de m’avoir envoyé ce livre.
J’ai trouvé dans cette lecture exactement ce que j’attendais au vu de la couverture et du résumé : un roman jeunesse sur fond historique, classique dans sa structure et ses éléments, mais de bonne qualité.
De manière générale je retiens la documentation très forte qui soutient tout l’ouvrage : l’évocation du basilic, né d’un œuf couvé d’un coq ; la description de la vie quotidienne et des différents quartiers de Paris ; les très nombreux métiers explicités, dont plusieurs que je ne connaissais pas (les oyers, les cossoniers) ; la foultitude de détails sur la vie quotidienne, l’invention des boutons et de l’aiguille à coudre en métal et les micro-bouleversements qu’ils ont amenés, les objets servant à contenir l’eau, des origines de certains proverbes, la vente à la corde… On se surprend à observer tout ce petit monde, et quelque part c’est une deuxième histoire que l’on nous raconte, l’Histoire du petit peuple de Paris au XVe siècle (1499), autour du récit de Pernelle elle-même, et aussi l’histoire des débuts de la période humaniste. Les procès des animaux sont retranscrits de manière humoristique ; je ne sais pas trop si à l’époque on prenait véritablement la chose si peu au sérieux, mais cela m’a bien fait rire, les plaidoyers de Me Chassanée sont délirants à souhait. J’ai été surprise d’apprendre grâce au dossier historique de fin d’ouvrage que ce monsieur avait existé et que ses discours sont avérés !
Le style est clair et dynamique, je ne lui ai pas trouvé de caractère très original mais pas de défaut non plus. Le ton est plutôt humoristique dans l’ensemble, assez léger, même lorsque l’auteur évoque des choses dramatiques ou peu heureuses, fictives ou historiques.
J’ai seulement regretté cette impression que la demoiselle illettrée s’exprime une ou deux fois de manière un peu trop châtiée, et je me suis demandé s’il était possible qu’elle connaisse le poète Rutebeuf dans ces conditions. Cependant ses œuvres étaient peut-être transmises à l’oral et de manière très populaire ? Je ne m’y connais pas assez en poésie médiévale pour avoir plus qu’un doute. Je passerai rapidement sur les points qui peuvent être ressentis comme négatifs par certains lecteurs mais qui sont l’apanage de tout un pan de la littérature jeunesse, et que je m’attendais à trouver sous une forme ou une autre dans ce livre : la rencontre impromptue avec de grands personnages, ici Érasme et Aldo Manuzio (que je ne connaissais pas) entre autres, la résolution rapide et sans douleur de certains problèmes, la gentillesse peut-être trop entière de certains personnages – encore que la solidarité n’a pas toujours, ni toujours eu, le même sens ni la même force dans les différents lieux au cours des différents siècles ! – là encore je reste réservée, l’arrivée peut-être un peu trop rapide de certains évènements ou évolutions. En tant que grande habituée de ce type de lecture cela ne me gêne plus, ou peu, et je n’ai pas trouvé non plus que ce livre exagérait ces traits au point de les faire paraître des défauts majeurs.
De cette lecture je retiendrais principalement la grande documentation qu’on peut y trouver sur le Paris du XVe siècle et le détail de l’environnement du récit. L’intrigue en elle-même est sympathique bien que son déroulement soit très conforme à ce que l’on peut attendre d’un roman jeunesse semblable. Je recommande donc sans réserve à tous les amateurs du genre.
Chroniques d’ailleurs : Des livres, des livres !, La biblio de Gaby
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L’Apothicaire

De Henri Lœvenbruck. 2011. Roman d’aventures historico-ésotérique. Excellente lecture. [600 p.]
apothicaireRésumé : « « Il vécut à Paris en l’an 1313 un homme qui allait du nom d’Andreas Saint-Loup, mais que d’aucuns appelaient l’Apothicaire, car il était le plus illustre et le plus mystérieux des préparateurs de potions, onguents, drogues et remèdes… »
Un matin de janvier, cet homme découvre dans sa boutique une pièce qu’il avait oubliée… Il comprend alors que jadis vivait ici une personne qui a soudainement disparu de toutes les mémoires. L’Apothicaire, poursuivi par d’obscurs ennemis, accusé d’hérésie par le roi Philippe le Bel et l’Inquisiteur de France, décide de partir jusqu’au mont Sinaï. Entre conte philosophique et suspense ésotérique, L’Apothicaire est une plongée vertigineuse dans les mystères du Moyen Age et les tréfonds de l’âme humaine.« 
Ce livre m’a très fortement fait penser à l’Alchimiste de Coelho, même si cette lecture remonte à plus de 10 ans, et que les deux ouvrages restent très différents par bien des aspects ! Pourtant j’y ai retrouvé un profond humanisme, des questionnements et réflexions sur le sacré de manière générale, le sens de la vie, le respect de soi-même et des autres. C’est d’ailleurs vaguement prématuré car le roman se situe en 1300 et des bananes, autrement dit bien avant le courant humaniste et la Renaissance ; mais j’imagine sans peine que, quelque soit l’époque, il y eut toujours des personnes en désaccord avec le mode de pensée du présent, alors pourquoi pas ?

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L’Héritière du Temps

De Ludovic Rosmorduc. Jeunesse historico-fantasy. Pas si mauvais finalement, mais a manqué le « Raté » de peu.
héritiereRésumé : « La fête du solstice d’été amène chaque année à Sétiladom son lot de marchands ambulants et de curiosités. Il semble que cette saison ne fera pas exception car d’inquiétants phénomènes commencent à se produire au sein de la ville : à une grossesse contre nature succède en effet l’arrivée tonitruante d’une émissaire du Diable. Ces événements suffiront à convaincre la Sainte Inquisition d’intervenir. Et si le Grand Inquisiteur est assuré du bien-fondé de sa cause, il se pourrait qu’il soit également mu par des motivations plus sombres. Héritiers de l’histoire de la Cité Ocre, mais surtout de la sagesse du vieil érudit Ambroise de Liemmos, l’alchimiste Yorel, le guerrier Dungal et leur protégée de toujours, Sixéla, vont tout mettre en oeuvre pour découvrir ce qui se cache derrière ces manifestations démoniaques.« 
Je ne suis pas à la page 100 que j’ai déjà un souci, de taille. Bon, techniquement c’est un détail, mais partant du principe qu’un livre se doit d’être cohérent, cohésif, et tout ce que vous voulez, je suis étonnée, surprise, ébahie voire carrément agacée quand je tombe sur des éléments ne collant pas du tout entre eux, jouant sur deux types de public différents, ou que sais-je encore.
D’après ce que je vois, l’auteur veut instaurer du suspense, une atmosphère sombre, oppressante, inquiétante. Malheureusement il s’est sabordé lui-même, dès les toutes premières pages, du moins en ce qui me concerne.
En effet – dommage pour ce monsieur – je suis grande amatrice de mots mêlés, et ma vitesse de lecture est suffisamment rapide pour que je lise parfois des choses sans avoir le temps de détourner les yeux. Je décerne donc le premier prix de « Manque d’inspiration additionné de manque de sens » concernant les noms propres suivants, qui me pourrissent ma lecture depuis le début, au point que j’en suis à les lire « correctement » depuis quelques pages : la ville de Sétiladom, la forêt d’Ertenef, le seigneur de Liemmos, l’héroïne Siléxa (qui serait « passée » sans aucun souci si elle était la seule dans ce cas, mais qui du coup me fait sans arrêt de l’œil), et Yorel, par conséquent, alors qu’en temps ordinaire ce nom ne m’aurait jamais choqué, dont j’espère très très fort qu’il n’ait pas un pote qui s’appelle Nilrem (vous voyez où j’en suis !…) Le personnage nommé Cudromsor aurait également pu être sujet à humour, aurait pu être exploité je ne sais comment – mais non, il se contente de faire une apparition qui ne sert à rien mis à part de me faire sortir une fois de plus de l’histoire et aller me cogner la tête contre le mur le plus proche.
Arrivée à la moitié du livre, les personnages ont quitté la région initiale, me soulageant quelque peu de bagages linguistiques handicapants ! Finalement j’entre dans l’histoire, qui ne casse pas des briques question originalité mais pose des intrigues politiques et religieuses pas si mal explicitées et décrites (avec un poil, mais juste un poil, de magie).
Dommage pour un auteur qui a un potentiel lexical et syntaxique tout à fait honorable, voire très bon. Je suis allée chercher deux ou trois termes dans le dictionnaire, et les descriptions sont particulièrement concrètes et complètes.
Je finis donc ce livre avec un peu moins de frustration qu’à la page 106, mais il ne restera pas dans ma mémoire.

The Terminal Man

De Michael Crichton. 1972. Thriller scientifique. Très bonne lecture.
Adaptation cinématographique de 1975.
Titre français : L’Homme terminal
terminalmanRésumé : Harry Benson, informaticien brillant, est sujet à de violentes et incontrôlables crises d’épilepsie, si violentes qu’il ne se souvient même pas de ce qui lui arrive dans ces moments. Après avoir attaqué et envoyé plusieurs hommes à l’hôpital, il est admis dans une très prestigieuse unité de recherche neurologique. L’idée : lui implanter des électrodes dans le cerveau, qui seront reliées à un micro-ordinateur « contrôlant » ses crises, un dispositif encore jamais testé sur l’homme. Bien sûr, cela ne va pas se passer aussi facilement que prévu.
Tout d’abord ce livre est très facile à lire, très fluide malgré les explications scientifiques assez nombreuses. (Si vous êtes totalement allergique à toute forme de science, évitez tout Crichton, pas juste ce livre)
Ensuite ce qui m’a frappé c’est l’âge du livre, et l’âge de l’auteur. J’ai lu Variété Andromède (Andromeda Strain), je crois le premier livre de l’auteur, il y a déjà une paire d’années, et je me souviens encore de cette impression d’épuration, de simplicité et de légèreté du livre dans sa trame et son style, même si Crichton est absolument spécialiste des sujets polémiques, et des thèmes qui sont tout sauf légers. Je dirais qu’entre les livres du début comme celui-ci, et les livres plus avancés dans sa carrière comme Jurassic Park, la Proie ou encore Next, il a tout simplement trouvé et peaufiné son style, et sûrement aussi amélioré ses connaissances – toujours aussi fluides, les derniers ouvrages sont souvent plus « touffus ».
      J’ai beaucoup aimé sa postface, dans laquelle il précise que plusieurs neurologues l’ont contacté, un peu fâchés, pour préciser que leurs patients épileptiques n’étaient heureusement pas aussi fous furieux, et que la maladie avait déjà assez mauvaise presse comme ça, merci monsieur l’écrivain en herbe. Crichton ajoute derrière que ces messieurs n’ont peut-être pas tort, et qu’il s’excuse si vraiment son livre a empiré les choses. ^^ Si je me rappelle bien, il est né en 1955, donc il n’avait même pas la trentaine à l’époque, et seulement deux autres livres à son actif, et j’ai trouvé ces excuses publiques très mignonnes ! 🙂
       Et donc en ce qui concerne mes histoires de temporalité, le deuxième point frappant à mon sens c’est le fait que ce live me paraît d’actualité, alors qu’il a plus de 40 ans. Le contrôle de la pensée et du comportement, l’homme bionique… Bien sûr, vu le nombre d’années écoulées depuis, il y a probablement des erreurs ou des choses qui ont été révoquées aujourd’hui, qui sont posées comme postulats dans le récit, mais la polémique et les interrogations durent toujours ! (ça me fait penser à Bernard Andrieu, philosophe à Nancy, qui a l’air d’avoir un discours bien rodé là-dessus, puisqu’il le ressert régulièrement à l’occasion ! 🙂 Sans blague son numéro m’a assez fait rire, tout en me dérangeant – ce qui est le but ; si ça vous intéresse je vous conseille cette référence : http://www.toutnancy.com/bernard-andrieu/ ou cet article du Huffington Post.)