Le Livre de l’Énigme, T.1 : Source des Tempêtes

De Nathalie Dau. Les Moutons Électriques, 2016. Fantasy. Très bonne lecture. [443 p.]

sourcetempetesRésumé : « Les ténèbres ont un cœur de lumière. Je l’ai su quand j’ai vu l’enfant dans la tempête. J’ai entraperçu l’azur de sa magie étrange et intense, mon univers s’est métamorphosé. Moi qui me sentais si seul, si désespéré, j’ai découvert soudain pourquoi j’étais venu au monde : pour protéger celui qu’on m’a donné pour frère. Un frère pas tout à fait humain, pas tout à fait possible. Le protéger des autres et de lui-même : des décisions qu’il voudrait prendre afin de résoudre sa maudite Énigme. Car ce petit est doué pour se mettre – nous mettre – en péril ! Mais j’ai la faiblesse de croire que je suis plus têtu que lui. // Une nouvelle grande saga de fantasy. Les mages bleus, servants de l’Équilibre, ont été décimés, mais l’un des leurs a survécu au prix de son honneur, guidé par le besoin impérieux de transmettre la vie. Ses fils : Cerdric et Ceredawn, nés pour devenir les héros de ce voyage riche en périls, depuis les Marches jusqu’au séminaire d’Atilda.« 

Livre lu dans le cadre d’un partenariat avec Les Moutons Électriques

(Hmm… tiens la dernière image que j’ai hébergée sur le site fait aussi référence à deux frères…)

La première fois que j’ai mis le nez dans cet ouvrage, je me suis sentie perdue, lâchée dans un univers étranger et complexe. J’adore les cartes dans les livres, et j’ai jeté un œil aux contours des régions et aux noms tantôt évocateurs, tantôt obscurément fantasy, mais comme le plus souvent le lecteur non-averti (i.e. qui n’a pas encore commencé l’aventure) ne peut en tirer grand-chose. Le prologue m’a laissé une impression de spirale d’informations en tous genres, certaines reliées d’autres non, et d’une foultitude d’inconnues.

Je l’ai repris, car certains livres ne se dévoilent pas facilement, et la plume de Nathalie Dau est enchanteresse même si – ou bien parce que ? – elle ne se laisse pas apprivoiser aussi rapidement que d’autres. Petit à petit j’ai démêlé des bouts d’intrigue qui ont fini par me passionner tout à fait, et arrivée au premier chapitre je me sentais d’appétit pour le plat principal.

L’univers reste finalement relativement classique en termes de Fantasy, concernant des tas de points, pour ce premier tome en tous cas. Si je me sentais un peu confuse au début j’ai fini par glisser sur certains termes ou détails obscurs, attendant l’explication qui ne manquerait pas de venir, et l’histoire et le monde se sont dévoilés petit à petit sans plus d’accroc. Je parle de canon, mais le lecteur averti se dira peut-être que la Fantasy originale à 100% ça n’existe pas, et en même temps n’est-ce pas aussi un des objectifs (inavouables paraît-il), en fait un des axiomes du genre, de pouvoir asseoir le lecteur confortablement au moins ici dans une notion de prophétie, ou là de lui parler d’exil ou de survivant d’un ordre ? Au-delà de ces quelques repères que j’ai donc trouvés tout à fait bienvenus se dégagent quelques axes plus originaux, qui forment le cœur de la narration là où les autres n’en sont que le contexte: l’identité des deux héros, pour commencer – deux frères, l’un adulte l’autre enfant encore, guidés par leur amour et protection mutuels tout autant que par des quêtes à plus grande échelle. J’ai aimé l’alternance entre ce que j’ai envie d’appeler les tranches de vie de l’aîné, Cerdric, pris à la fois dans les rets politiques et personnels de sa mère qui le hait – intéressant personnage antagoniste, au passage, qui met à mal bien des clichés de par sa seule présence – mais aussi dans ses propres tumultes d’adolescent puis de jeune adulte, puis sa relation avec son frère ; et les nombreuses évocations d’ordre magique (ce qu’on appelle le drac dans ce monde), de déesse tutélaire, de ce mystère occulte entourant Ceredawn, le cadet, ses origines et son potentiel futur… On pourrait presque parler de deux niveaux de Fantasy entremêlés.

L’homme est lui-même une montagne. Ses trésors gisent si profond qu’il se croit sans valeur. Il détient toutes les réponses et reste au niveau des questions. Mais l’autre vient, parfois. Armé de drac ou d’un sourire, avec ses mots en bandoulière. Alors, tout vibre, tout remue. Les veines glacées se défigent, l’exubérance est de retour. Le fer remonte à la surface, pour forger de nouveaux espoirs. Le cœur bat.

Les déboires et la vie de Cerdric Asulen, la façon dont Nathalie Dau le raconte du moins, m’a assez fait penser aux séries de Robin Hobb (Assassin royal / Aventuriers de la mer, de ce que j’en ai lu). A titre personnel je ne souhaite pas plus de similitudes : si la narration de la dame américaine me va tout à fait, j’ai abandonné sa série au tome 11 (sur 13) parce que je n’en pouvais plus de Fitz ! Néanmoins toute la partie résolument magique et mystique du Livre de l’Énigme est elle tout à fait personnelle et passionnante dans son mystère : l’auteure nous en dévoile juste assez pour nous donner envie d’aller plus loin. Peut-être cela en frustrera-t-il certains ; pour ma part j’ai trouvé le ton pertinent : puisque cette Énigme est capitalisée, sans doute faut-il mieux préserver une part d’inconnu pour donner plus d’ampleur et de valeur à son importance.

Je disais plus haut que l’écriture de l’auteure n’était pas toujours facile à appréhender, mais en fait cela dépend principalement du fil narratif qu’elle suit : lorsque l’on est focalisé sur Cerdric, et sa vie à la cour par exemple, si l’écriture est belle elle n’a rien de très compliqué. Cependant les passages concernant les rites, religions, ou bien ceux évoquant les fées ou la magie sont traités avec me semble-t-il un soin tout particulier et surtout spécifique, j’imagine pour apporter une pointe d’irréel supplémentaire à travers les mots et les phrases ? En tous cas c’est ainsi que je l’ai ressenti : on touche au surnaturel, l’incompréhensible, ce qui n’est pas humain, et l’écriture se fait plus alambiquée, poétique, absconse, pour tendre vers cette intensité de l’au-delà.

J’ai hâte de lire la suite car ce premier tome se finit sur autant de questions que de réponses ! Je suis aussi impatiente de retrouver les personnages secondaires car beaucoup m’ont intéressée et intriguée, et je trouve qu’ils sont traités de manière très juste, même quand le lecteur fait des « argh » derrière sa double page. De même l’auteur prend le temps d’insérer ici et là des discours sociaux (tantôt positifs tantôt négatifs selon les points de vue des différents personnages) qui donnent plus de volume et de détails à son univers. En fait j’ai trouvé l’ensemble narratif très limpide autant en termes d’intrigue et de déroulement qu’en termes de rôles des personnages.

Un gros volume en termes de format et de poids, dont les pages recèlent des trésors anciens et cachés. Tout comme Cerdric, le lecteur pourra y apprendre la vertu de la patience, au fil des révélations distillées par Nathalie Dau, au long du cheminement du garçon bréon.

Chroniques d’ailleurs : Les Lectures de Xapur, Blog-O-Livre, Bazar de la Littérature, Lectures Trollesques, Appuyez sur la touche « lecture », La Bibliothèque d’Aelinel, Les étagères de Pitiponks

Pour la petite histoire cette lecture a tout eu d’une épopée : d’abord le livre, sorti début mars, n’était pas arrivé dans ma boite aux lettres à la fin du mois, alors que les copinautes sortaient chronique après chronique. Je me suis alors résolue à le signaler à l’attaché de presse de l’éditeur, qui me l’a renvoyé (problème postal apparemment) – le livre est finalement arrivé début avril, et ce deuxième exemplaire, donc, est arrivé un peu esquinté en bas de la tranche. Bon tant pis, déjà je l’avais ! Je l’ai mis de côté le temps de finir Labyrinth qui était un beau pavé, me promettant de m’y mettre juste derrière… et c’est là, alors que je venais de finir Labyrinth, qu’on a enfin trouvé un appart. Du coup j’ai remis le livre de côté – je l’avais à peine commencé et je l’avais trouvé ardu, et comme je ne lisais que peu à ce moment-là (je prenais beaucoup de mon temps pour le déménagement) et que j’étais trop fatiguée pour avoir envie de m’accrocher pendant quelques pages seulement, je ne l’ai repris que lorsque l’emménagement a été fini, à raison de quelques pages ou chapitres certains soirs. Finalement à l’occasion d’une bonne crève j’ai dévoré la deuxième moitié du livre d’un coup ! Enfin, entre-temps j’aurais pu faire dédicacer mon exemplaire deux fois : une à Nancy, où l’auteure aurait dû passer si elle n’avait pas été terrassée par un méchant coup de froid la mauvaise semaine, et une aux Imaginales, où je n’ai pas amené ce gros tome pesant. J’ai pu cependant échanger quelques mots avec sa créatrice.

12 réflexions au sujet de « Le Livre de l’Énigme, T.1 : Source des Tempêtes »

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  2. J’avais lu la première version du roman et certains éléments m’avaient dérangé. Mais je me souviens que la plume était très belle. Je lirais peut-être la suite à l’occasion.

    • Des éléments dans le style, ou bien plutôt dans l’univers ou les évènements ? C’est vrai que ce monde est loin d’être tout rose, il s’y passe des choses injustes, violentes et parfois carrément trash auxquelles le lecteur est forcé à assister. D’autre part le rythme est assez lent, cela peut freiner certains, j’imagine.

  3. Hum, ce que ta chronique laisse transparaître de l’histoire et la mention de ce style qu’on n’apprivoise pas en deux pages me donne extrêmement envie de lire ce roman !

    • J’ai préféré ne pas trop entrer dans les détails de l’histoire car il y a beaucoup à découvrir et pas vraiment d’intrigue principale au début – j’aurais risqué d’en dévoiler pas mal.

  4. Je pensais avoir commenté cette belle chronique que j’ai déjà lue hier il me semble… Mais peu importe. Une chronique très intéressante qui me donne encore plus envie de plonger dans le dernier arrivé dans ma PAL ❤ ❤

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