La Fille de l’alchimiste

De Kai Meyer. Le Livre de Poche, 2011. Fantasy. Coup de coeur. [626 p.]

kaimeyerRésumé : « Fin du XIXe siècle. Aura Institoris a grandi dans le labyrinthe de couloirs obscurs du château de ses ancêtres, bâti sur un récif de la Baltique. Lorsque son père, l’alchimiste Nestor Nepomuk Institoris, est assassiné sur l’ordre de son plus vieux rival, la jeune fille se trouve entraînée malgré elle au cœur d’un conflit dont les racines remontent au Moyen Âge. Aux côtés de son frère adoptif, elle décide d’affronter le meurtrier de son père. S’initiant à son tour aux terribles secrets de l’alchimie, elle va braver les intrigues et les dangers, et partir sur la piste du plus grand mystère de l’humanité : l’immortalité…« 

Évitez de lire le résumé chez les Éditions du Rocher, ils vous dévoilent la moitié du livre ! (contre 10% ici)

A mi-chemin entre la Fantasy et le roman d’aventures ésotérique, Kai Meyer nous propose un voyage à travers l’Europe mais aussi à travers le temps. Si le lecteur est d’abord plongé dans l’Allemagne du XIXe siècle, gothique et austère, il va très vite se faire entraîner beaucoup plus loin, dans les souterrains de Paris ou sur les hauteurs des Carpathes, alors que les héros du début n’en étaient même pas encore au stade d’idée dans la toile du Temps.

En effet l’auteur entremêle deux thèmes principaux qui ont tous les deux un marqueur temporel incontournable  : la quête de l’immortalité par l’alchimie, et une saga familiale. J’ai trouvé que les deux thèmes se soutenaient bien l’un l’autre tout au long de l’histoire, gardant un équilibre très agréable pour le lecteur qui se retrouve toujours sur un fil, guettant les tensions de part et d’autre. De mon point de vue la saga familiale était mieux réussie, plus originale que l’intrigue autour de l’alchimie qui reste somme toute assez classique – en même temps en écrivant cela je dis que le thème a juste trop été utilisé ces dernières années, c’est un peu l’histoire de la Fantasy à dragons : même quand c’est très bien il y a souvent un aspect de remâché. Cependant je ne me suis pas ennuyée du tout en lisant ce roman, il y a toujours un mystère ou une révélation à se mettre sous la dent, l’auteur ne nous lâche pas ! En fait j’ai tellement adoré ce livre que j’ai même immédiatement pardonné à l’auteur un tour qui d’habitude me fait grincer des dents (mais là j’ai sauté de joie en mode fan).

Je parlais plus haut du résumé qui en dévoilait beaucoup trop – déjà celui-ci se base sur les 200 premières pages, ce qui est un peu trop lorsqu’on découvre le livre. Il y a beaucoup à découvrir petit à petit, tant au niveau des apparitions, évolutions et disparition de pas mal de personnages, qu’au niveau de l’intrigue, ou des différentes intrigues. Arrivée vers la fin du livre, je commençais à penser à ma chronique, et je me suis dit : woah mais en fait il n’y a quasiment aucun personnage qui ne change pas profondément, soit qu’il évolue, soit que ses relations avec les autres personnages, ou la façon dont eux le voient évoluent grandement. J’ai aussi aimé que les changements se fassent autant en bien qu’en mal, et soient tous justifiés – l’histoire, les bouleversements de leur vie les amènent à changer ; ce n’est pas quelque chose qui m’est apparu comme spontané ou forcé. De même il n’y a quasiment aucun personnage qui apparaisse comme tout blanc ou tout noir : Aura, bien que je l’ai beaucoup appréciée en tant qu’héroïne, m’a un agacée au début avec son comportement puéril et capricieux. J’ai aimé tour à tour apprécier et détester Christopher. Le reste de la famille, Charlotte, Nestor, Daniel, et d’autres comme Lysander amènent du corps à l’intrigue, et des motivations aux héros. Gillian reste mon préféré, hermaphrodisme ou pas (je veux dire par là que ce genre de détail ne m’a jamais convaincue tout seul ^^) c’est je trouve le personnage le plus sympathique.

Par ailleurs je parlais de récit d’aventures, et de l’enthousiasme que j’ai retiré de ma lecture, mais n’allez pas croire que l’histoire est sympathique : au contraire l’auteur explore les tréfonds de l’âme humaine, certes moins que dans certains ouvrages de Dark Fantasy à la mode, mais sans prendre spécialement de gants non plus. L’atmosphère générale du livre est assez glauque malgré des moments de joie.

Un mot sur la plume de Kai Meyer que je ne saurais que conseiller : il aime les descriptions – oh, pas forcément de trois pages à la fois non plus, mais il sait distiller des informations, des détails au fur et à mesure du texte, qui permettent au lecteur de s’immerger dans son univers : des sensations en plus des images, des détails sur les personnages qui ne servent à rien d’autre que de leur donner du corps, des couleurs, des impressions… Il a beau écrire une histoire fictive située dans une Europe quelque peu fictive sur un tas de points, on sent qu’il s’est beaucoup documenté sur la réalité, ou ce qui pourrait en tout cas donner une impression de « vrai » XIXe siècle. L’écriture est très soignée tout ne restant fluide, un vrai bonheur à lire !

Malgré ses centaines de pages, ce pavé m’a paru bien trop court.

J’avais lu sa série vénitienne jeunesse, c’était aussi très très bien. Lisez du Kai Meyer, cet auteur est plein de qualités et il est trop peu connu en France. Et en plus il est super gentil. (comment ça, « pas un argument commercial » ?)

6 réflexions au sujet de « La Fille de l’alchimiste »

  1. Dans ma WL depuis un bon bout de temps. C’est un auteur dont j’entends beaucoup de bien et en plus là c’est un oneshot. Le côté saga familiale devrait bien me plaire !

    • Je pense qu’il y a peu de probabilités que tu aies de grosses déceptions sur ce livre, même si je lisais ici ou là que certains lui avaient trouvé des défauts que je n’ai pas vus. Oui, c’est un oneshot vrai de vrai, pas de suite ou de tome introductif en vue, en fait le livre est découpé en plusieurs grosses parties qui le segmentent suffisamment.

Déposer un petit caillou blanc