Pensées pour moi-même

De Marc-Aurèle. Flammarion, 1999. Philosophie. Excellente lecture. [222 p.]
marc1Résumé : « « On sent en soi-même un plaisir secret lorsqu’on parle de cet empereur ; on ne peut pas lire sa vie sans une espèce d’attendrissement ; tel est l’effet qu’elle produit qu’on a meilleure opinion de soi-même parce qu’on a meilleure opinion des hommes. » – Montesquieu.« 
Je découvre ici un petit bijou philosophique, dont on je n’avais jamais entendu parler, et pourtant ! Je suis tout à fait d’accord avec Montesquieu. 🙂
La première chose qui m’a frappée c’est la facilité avec laquelle ce recueil de pensées se lit. La traduction y est peut-être pour quelque chose, mais on sent tout de même une pensée très nette, claire, posée et concise. Il s’agit principalement de petites maximes, de conseils, de réflexions souvent toutes bêtes sur la vie. Il parle d’Épicure, et en effet j’ai retrouvé ici un peu de la philosophie des Anciens, que ce soit Aristote, Platon, Socrate ou Épicure (de ce que je connais, de mon impression, de ce que j’en ai retenu – j’espère ne pas faire bondir de philosophe aguerri par cette comparaison ^^). Je pense spécifiquement à ces auteurs à cause de leur pragmatisme, de leur idéalisme dans certains cas, et de leur modération et positivisme toujours.

Bien sûr, vu le contexte, on trouve des conseils du type « soit un homme, soit un bon Romain, sert ta cité » – bref, un mélange de valeurs grecques et romaines qui ne collent parfois pas tout à fait à notre époque – mais cela n’a en rien gêné ma lecture ! Au contraire, comme lorsque je lisais la République, de Platon, il y a quantité de choses qui semblent étrangement contemporaines, quotidiennes. D’ailleurs – ne riez pas ! – j’y ai retrouvé quantité de choses qui sont régulièrement postées sur mon mur Facebook. (Vous savez, toutes les pensées positives accompagnées d’images type zen, et tout le reste de la psycho-philosophie à deux francs six sous dont certains de vos contacts vous abreuvent 12 fois par jour ? Deux mille ans d’existence, au moins ! 😉 Sauf que notre petit Marco, là, il développe quand c’est nécessaire !). Bien sûr j’y ai aussi trouvé des choses avec lesquelles je n’ai pas du tout été d’accord (le stoïcisme, dont s’inspire beaucoup l’auteur, prônant entre autres l’auto-apprentissage pur (pas de livres), ou l’absence de sentiments, sans compter des idées de Providence et de Dieux qui sont inhérentes au contexte socio-historique), mais dans l’ensemble j’ai beaucoup aimé et le style et les idées.
Au début du livre il y a une biographie de l’auteur, sur plusieurs pages. J’ai trouvé ça étonnant de lire qu’il a été empereur, et de tomber ensuite sur ces petites pensées parfois très simples, très tolérantes, très « zen ». Le préfacier écrivait que Marc-Aurèle ne faisait la guerre que par absolue nécessité, vantait sa générosité et sa douceur envers ses concitoyens, et franchement en lisant la suite j’ai très envie de le croire, et de penser que c’est un homme que j’aurais aimé rencontrer tant il m’est sympathique ! (Je crains par contre de ne pas suivre tous ses conseils à la lettre :p)

 

Petit échantillonnage :

 

Livre II, XIV – Quand tu devrais vivre trois fois mille ans, et même autant de fois dix mille ans, souviens-toi pourtant que nul ne perd une vie autre que celle qu’il vit, et qu’il ne vit pas une vie autre que celle qu’il perd. Par là, la vie la plus longue revient à la vie la plus courte. Le temps présent, en effet, étant le même pour tous, le temps passé est donc aussi le même, et ce temps disparu apparaît ainsi infiniment réduit. On ne saurait perdre, en effet, ni le passé, ni l’avenir, car comment ôter à quelqu’un ce qu’il n’a pas?
Livre IV, XI – Ne conçois point les choses telles que les juge celui qui t’offense ou comme il veut que tu les juges. Mais vois-les telles qu’elles sont en réalité.
Livre V, VII – Poursuivre l’impossible est d’un fou. Or, il est impossible que les méchants ne commettent point quelques méchancetés.
Livre VI, LVIII – Personne ne t’empêchera de vivre selon la raison de ta propre nature ; rien ne t’arrivera qui soit en opposition avec la raison de la nature universelle.
Livre IX , III – Ne méprise pas la mort, mais fais-lui bon accueil, comme étant une des choses voulues par la nature. Ce que sont en effet la jeunesse, la vieillesse, la croissance, la maturité, l’apparition des dents, de la barbe et des cheveux blancs, la fécondation, la grossesse, l’enfantement et toutes les autres activités naturelles qu’amènent les saisons de ta vie, telle est aussi ta propre dissolution. Il est donc d’un homme réfléchi de ne pas, en face de la mort, se comporter avec hostilité, véhémence et dédain, mais de l’attendre comme une action naturelle. Et, de la même façon que tu attends aujourd’hui l’instant où l’enfant qu’elle porte sortira du ventre de ta femme, tu dois semblablement attendre l’heure où ton âme se détachera de son enveloppe.
Livre IX, XLII –  Lorsque tu es offensé par l’impudence d’un homme, demande-toi aussitôt : « Se peut-il donc qu’il n’y ait pas d’impudents dans le monde ? » Cela ne se peut pas. Ne réclame donc pas l’impossible, puisque cet homme est l’un de ces impudents qui nécessairement se trouvent dans le monde. Sois prêt à te poser la même question devant un scélérat, un fourbe ou tout autre coupable. En te rappelant, en effet, qu’il est impossible qu’il n’existe pas des gens de cette sorte, tu deviendras plus indulgent pour chacun d’eux.
Livre XI, XV – Il y a comme une grossièreté et quelque dépravation à dire : “J’ai préféré me comporter franchement avec toi. – Homme, que fais-tu ? Il ne faut pas commencer par affirmer cela. La chose d’elle-même le déclarera. Elle doit être écrite sur ton front ; ta voix doit aussitôt l’exprimer ; tes yeux doivent aussitôt la montrer, à l’instar de l’aimé qui connaît aussitôt, dans le regard de ses amants, tout ce qu’ils éprouvent. En un mot, il faut que l’homme droit et honnête ressemble à l’homme qui sent le bouc, en sorte que quiconque s’approche de lui sente dès l’abord, qu’il le veuille ou non, ce qu’il en est. La recherche de la simplicité est un coutelas. Rien n’est plus odieux qu’une amitié de loup. Évite ce vice avant tous. L’homme de bien, l’homme droit, bienveillant, portent ces qualités dans leurs yeux, et elles n’échappent point.
Je suis tombée sur un petit blog de fan bien fichu en faisant mes recherches : http://marc-aurele-fr.blogspot.fr/, si vous voulez en lire plus ! 🙂
De la philosophie pour tous, pas seulement les nuls, pour réfléchir ou simplement se détendre et sourire.
Le Manuel d’Épictète fera l’objet d’un billet distinct. 🙂

2 réflexions au sujet de « Pensées pour moi-même »

    • Je ne sais pas du tout à quel point ce livre, ou même Marc-Aurèle tout court, est étudié en Histoire. Vu la relative facilité du texte et sa forme (aphorismes / vie quotidienne plus que politique), j’imagine que ce n’est peut-être pas le livre que les profs conseillent en premier, mais ça n’empêche pas de le lire en plus par plaisir. 🙂

Déposer un petit caillou blanc