De Philippe Mignaval. 2009. Thriller ésotérique. Mauvais.
Note : D’habitude, je mets ce qui me gêne en rouge, mais comme je trouve que c’est une couleur agressive j’ai préféré gardé le vert dans cette critique, pour pas vous faire mal aux yeux. ^^
Résumé : « Parmi les reliques que lui confie une parente centenaire, Alban Vertigo découvre une mystérieuse lettre datant de la Révolution et révélant que la fameuse Vierge noire du Puy aurait échappé au bûcher républicain. À peine Alban a-t-il commencé à suivre la piste de la statue que d’atroces crimes rituels se succèdent. Les cadavres sont retrouvés nus, ligotés en position fœtale, les yeux arrachés. Mais que représente cette Vierge noire? Au nom de quoi fait-elle couler tout ce sang? De quel pays, de quel culte, de quel temps est-elle issue? Autour d’Alban et de Gargovitch, le flic de service, gravitent d’étranges personnages: une ex d’Alban devenue médium, une énigmatique dame orange, une séduisante journaliste, la papesse française de l’art roman, un druide illuminé et une secte très spéciale… Certains sont prêts à tout, et même plus, pour s’emparer de la Vierge noire.«
En lisant le résumé j’ai pensé que ce livre n’était peut-être pas exceptionnel, peut-être bien truffé de stéréotypes et autres défauts mineurs, mais que le thème me plaisait et qu’il allait probablement me faire passer un bon moment de lecture.
Arrivée à la page 60, je suis déjà en mesure de dresser une liste de ce qui ne va PAS. Je veux dire, ce qui a réussi à me sortir de ma torpeur agréable de « je lis un bouquin de fiction et c’est sympa ».
D’abord le personnage principal est un genre de fantoche. Il n’a aucune personnalité, on ne sait pas ce qu’il fait dans sa vie actuellement, ce qu’il aime, ce qu’il fait là, etc. J’ai même encore du mal à comprendre s’il a toujours vécu dans ce village toute sa vie, ou pas ? On ne dirait pas par rapport à ses liens avec l’environnement (ne sait pas à qui s’adresser, a l’air de tout découvrir, ne s’attend à rien), et en même temps j’ai cru lire que si – bref je suis déjà paumée au sens spatial, et c’est bien la première fois que ça m’arrive dans un bouquin autre que de la fantasy pure ! Pour le moment, il n’enquête pas, ou très mal, a l’air en même temps de se prendre au jeu, et, la page suivante, de s’en ficher complètement, et la plupart des choses lui tombent dessus par hasard – sans provoquer en lui aucune réaction. Oui, je manque de paragraphes et dialogues du style : « Bon Dieu mais qu’est-ce que c’est que ça ??? » « Oh, génial !! J’ai trouvé un truc trop violent/étrange, je suis tout content ! » Ou encore « Argh un cadavre mais dans quoi je suis tombé moi ? c’est la poisse ! » Eh non. Tout glisse admirablement sur lui comme si tout était parfaitement conforme à son quotidien. En fait, je ne suis même pas convaincue qu’il éprouve des sentiments pour le moment.
Ensuite, toujours au bout d’une soixantaine de pages, ce héros, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi, n’a pas moins que 4 – oui, quatre, Q.U.A.T.R.E personnes de son entourage immédiat* qui ont tous des raisons personnelles de s’intéresser à cette *biiiip* de vierge noire (ce qui défie toutes les lois du hasard de tous les polars du monde). Détails (spoil) : son fils et sa copine sont habillés gothiques et écoutent de la musique électro et du Marilyn Manson, donc ils sont aussi forcément copains avec un astrologue gourou pas net qui s’intéresse à la vierge noire ; l’ex du héros est médium et s’est maquée avec un gars qui appartient à un microcosme de « fans de la vierge noire » ; la grand-tante du héros lui a donné les documents se rapportant à la statue en lui disant « Fais gaffe c’est top secret c’est du lourd » ; le commissaire chargé de l’enquête d’un meurtre est gitan – et donc encore une fois est merveilleusement bien placé pour être très intéressé, aussi, par cette putain de statue.Moi, à sa place, à ce moment précis je paniquerais et irais m’exiler loin de ce maudit village, non sans avoir brûlé tout ce qui se rapporte au machin qui me serait tombé dans les mains, jetterai mon téléphone, ou me mettrais sous protection policière. Mais notre héros décidément très héroïque résiste à la paranoïa, et s’en retourne vaquer à ses petites affaires, même après avoir été harcelé toute une journée au téléphone par des gens plus bizarres les uns que les autres. C’est la vie, ma pauvre Lucette.
A ce moment, j’ai éprouvé le besoin de faire une pause dans ma lecture, de m’ouvrir à mon copain concernant ma souffrance de lectrice, car ce n’est pas tout.
Philippe Mignaval a utilisé jusqu’ici plusieurs mots de vocabulaire que je ne connais pas, ou qui sont suffisamment rares pour que ça se voie comme une marguerite au milieu de la figure de son scénario et environnement bancal (pour le moment…) : « méphistophélique », « callipyge », et quelques autres. Ma prof de grec nous avait expliqué que « callipyge » était un adjectif pour les statues de Vénus / Aphrodite, dites « aux belles fesses ». C’est joli, c’est mignon, c’est sans doute ironique attaché à un quelconque personnage secondaire – mais utilisé deux fois en même pas deux pages c’est LOURD – et, bien que je ne puisse jamais en être certaine, j’appelle ce genre de pratique, en mon for intérieur, du décorum. Vous savez, comme les revendeurs de voitures pourries qui les maquillent. Autrement dit quand on ne sait pas être cohérent deux pages d’affilée on s’abstient de se la péter avec trois pauvres mots de vocabulaire haut de gamme dans un océan de médiocrité, ou alors on se met à la poésie ! Franchement c’est une des pratiques qui m’énervent le plus chez les écrivains ou écrivaillons ou journaleux de tous bords. Pour moi l’écriture c’est un tout, et parsemer un truc pourri de trois grammes de vocabulaire classieux c’est aussi ridicule que de râper du chocolat noir de dégustation au-dessus d’une génoise industrielle pour la faire passer pour un excellent dessert. //mode rageuse off.
Notons aussi, au passage, que l’inspecteur soupçonne le héros (qui a trouvé un cadavre) d’avoir commis le meurtre uniquement parce que… heu… en fait on n’en est pas sûr (de toutes façons notre héros impassible n’en a cure et ne cherche pas à savoir), mais probablement parce qu’il n’a aucun autre suspect, qu’il n’a pas l’air d’en chercher non plus, et que le fiston du héros est gothique, donc forcément un tueur en série détraqué, et pourquoi pas aussi son père qui cherche étrangement une étrange statue mêlée à des choses étranges (on n’en sait pas plus pour le moment). D’accord, il a cassé quelques trucs dans une église abandonnée, et ça ça aurait peut-être été un critère pour l’arrêter (dégradation de biens publics, non ?). Toujours est-il que, pour « lui faire baisser sa garde », l’inspecteur raconte au gars qu’il semble considérer comme son suspect principal plein de détails sur le meurtre, ce que la police scientifique a découvert, etc. C’est gentil, merci, dit le lecteur. Et, content d’avoir ses informations, il s’en alla lire une autre page.
(Non, je rigole, j’ai juste pas compris la logique ici.)
En continuant ma lecture passé la page 67, j’ai fini par totalement perdre le fil conducteur – il se passe plein de choses avec, semble-t-il, des liens logiques rarement existants, quand il ne s’agit pas de scènes « gratuites » sans vraiment de lien même avec l’histoire, souvent ridicules ou à la limite de l’hallucinatoire. J’ai eu droit à tant de théories par rapport aux origines de la statue que je me dit qu’elle ne doit en fait pas avoir tellement plus de détails que sur l’image, ou que tous les prétendus « experts » du bouquin sont des arnaqueurs en puissance. D’ailleurs de manière générale j’ai « appris » quelques fragments ésotériques par-ci par-là, certains relevant peut-être de la fiction pour ce que j’en sais ! et de manière générale uniquement des fragments, puisque le récit se déroule à 100 à l’heure, en passant d’une théorie à l’autre, donc d’un « culte » à l’autre, et ne permet donc pas de se plonger dans quoi que ce soit de solide et complexe ! Zéro pointé donc également pour la partie ésotérique.
Je me suis stoppée à 50 pages de la fin, perdue dans un kaléidoscope de théories fumeuses et sans cesse changeantes, de décisions à deux balles sorties d’on ne sait où, de voyages impromptus, de cadavres en série, et de passages secrets et secrets tout court qui semblent sortir de nulle part ! J’ai recroisé des mots rigolos et inutiles, parfois sans la bouche de personnages secondaires qui n’avaient pas de raison de les employer, dont « chtonien » qui m’a ramené à Lovecraft, mais ça n’a rien à voir, encore que ce récit fait pratiquement, de mon point de vue, appel à des quatrième voire cinquième dimension tant on se sent vaseux à certains moments, à essayer de suivre ce qui se passe sans y parvenir.
Ceci dit j’ai tout de même repéré quelques passages, narratifs ou descriptifs, bien écrits !… Bon d’accord, pas de quoi rattraper ce que j’ai écrit ci-dessus, mais il me fallait tout de même le noter, comme seul point positif du bouquin.
Bref, je ne saurais conseiller honnêtement ce livre.
Hihi ! Au moins tu m’as fait rire avec ton article, c’est toujours ça de pris 😉 J’ai failli lire ce livre à un moment donné mais j’étais tombé sur un avis du genre du tien et j’ai préféré laisser tomber… Les clichés du genre « t’es gothique t’es forcément louche », ça m’énerve aussi, si en plus le héros ne s’étonne de rien… ^^’
Tu avais un bon pressentiment en fait. Bon je passe vite mon chemin :D. Merci pour cette article vivant et drôle malgré ta déception ^^. C’est un plaisir de te lire.
Merci les filles ! Eh oui vraie déception sur ce coup-ci, pourtant j’espérais vraiment que c’en soit un « pas terrible, mais distrayant » – comme il en existe tant.
nymeria : si seulement il n’avait manqué que d’étonnement… 😉 Par contre j’ai vu sur Livraddict que ce monsieur avait écrit un recueil de perles de collégiens, ce sera peut-être (vraiment) plus drôle à lire, vu que la forme n’est pas la même ?