Le Mystère du trésor englouti

De Stéphane Tamaillon. Imaginemos, 2013. Aventure jeunesse. Bancal. [149 p.]

Lu dans le cadre d’une Masse Critique organisée par Babelio

mysteretamaillon

Résumé : « Et dire que Jules, qui déteste la plage, avait peur de s’ennuyer, sans ordi, sans télé, sans copains ! Ses vacances vont vite se transformer en une incroyable chasse au trésor quand il découvrira ce que cachent le musée, le phare, la forêt, la dune, les blockhaus engloutis. Mais saura-t-il déchiffrer le code secret ? Vite, on plonge dans l’aventure…« 

Je pense que je vais définitivement arrêter de me faire du mal en lisant cet auteur, ça ne colle pas entre nous.

J’ai lu ce livre il y a une semaine et j’en ressors encore de la frustration. Au vu du résumé, de la couverture, du genre, j’étais pourtant très bien partie : les romans d’aventure jeunesse c’est quelque chose qui passe toujours bien, même encore maintenant que je n’ai plus l’âge de m’asseoir par terre dans le rayon pour bouquiner et pousser des exclamations d’excitation quand le groupe de jeunes aventuriers trouve le trésor ou un indice d’importance (mais j’apprécie quand même lire ou fouiner à l’étage jeunesse pour ne pas trop me contraindre me comporter comme une adulte rigide, silencieuse et posée ! ça y dérange moins).

Quelque part ce livre est très comparable au Club des Cinq ou autres séries ou livres du même type dont beaucoup d’entre nous étions friands dans les années 60-90 : une petite bande d’amis de 12 ans environ, dégourdis, qui trouvent et déchiffrent des mystères le temps d’un été. L’intrigue classique est respectée, les personnages secondaires bien placés, l’introduction et la conclusion ne dérogent pas à la règle évolutive de ce genre de premier roman de série ou roman seul : le héros ou l’héroïne change d’avis – même si on se retrouve dans un coin paumé finalement les vacances ça peut être cool.

Si vous aimez déjà Tamaillon, ou Gibbins auquel j’ai trouvé les mêmes défauts, ou si l’écriture est pour vous un point très mineur dans une oeuvre, qui ne vous dérange que très rarement, arrêtez-vous là dans mon avis, et ne vous laissez pas arrêter par la suite. Ces deux auteurs ont publié plusieurs romans chacun, ils doivent bien avoir un lectorat convaincu !

Malgré toutes les bonnes choses énoncées ci-dessus, et qui étaient très attendues rien qu’au vu du livre extérieur, j’ai été horripilée par cette lecture, un peu moins que le tome 3 de Krine que je n’avais même pas fini, mais beaucoup trop pour l’apprécier même un peu. Les défauts sont toujours les mêmes, et se résument en un seul mot : incohérence. Je sais, vu que les deux auteurs cités ci-dessus ont publiés chacun plusieurs livres, qu’il y a visiblement plein de lecteurs que ça ne gêne pas, mais à titre personnel c’est typiquement un point qui, s’il dépasse une certaine limite, va me faire refermer le bouquin de frustration sans chercher à le finir.

Incohérence régulière, omniprésente, tant dans le fond que dans la forme, tout au long du bouquin. Autant dire que si ça vous chatouille au bout de quelques pages il est inutile d’espérer que ça va s’arranger. Je les classerais en deux catégories, la forme et le fond :

la forme : non, « échauffourée » n’est pas un terme qu’une personne lambda utilise dans son langage, ni que des gamins de 12 ans (à qui on s’adresse) sont susceptibles d’accepter sans se poser de question. Il aurait mieux fallu le placer dans la narration, pas dans le dialogue. Bien sûr si tout le texte avait été truffé de mots rares ou vieux cela aurait pu passer (je pense à Tintin et à son vocabulaire riche et plutôt recherché dans l’ensemble et pas juste une case sur 14, bien que ce soit une BD pour les enfants également), mais non, ce n’est pas du tout le cas, au contraire on passe régulièrement d’un langage châtié à un langage très relâché au cours du même fil narratif, paragraphe, ou utilisé par le même personnage, donnant l’impression qu’ils sont tous un peu barrés ou souffrent de troubles neurologiques. Dans la même veine on a droit à des termes spécifiques parachutés et non explicités (émanant du kite surf et de la plongée sous-marine*, notamment – deux domaines que tout un chacun aura bien entendu en tête !), quand l’auteur s’inquiète que le lecteur ne sache pas ce que signifie « deal ? deal ! » et nous explique patiemment ce que veut dire cet horrible terme barbare anglo-saxon dans une gentille note de bas de page. J’ai retenu ces exemples, mais il y a eu d’autres passages où j’ai simplement secoué la tête, tenté d’oublier ce que je venais de lire, et continué ma lecture dans le vain espoir de passer à quelque chose de mieux.

* un gros bout de ce paragraphe m’a totalement échappé. Heureusement le gosse dont c’était la première plongée avait l’air de savoir parfaitement, lui, de quoi il parlait.

le fond : l’auteur commence déjà très mal en nous expliquant en long, large, travers, profondeur et diagonale (oui d’ailleurs ce n’est pas très subtil) que son héros est une tête à claques, capricieux (« mais pourquoi mes parents ont pris la plus grande chambre ? ouiiiin » – heu, peut-être parce qu’il sont deux et que tu es seul ?) et accro à la technologie (« y’a pas de télé c’est nul »), sauf que dès le premier soir il trouve un pavé grand format sur la Seconde Guerre mondiale, le lit pour une grande partie dans la nuit car « il s’ennuie », et est capable d’expliciter clairement les détails de la campagne de Rommel en Libye après une seconde lecture tout aussi complexe, qu’il va adorer tout autant ?

Non, rien.

Encore une fois, comme dans Krine, on a des personnages qui alternent entre un certain état d’incapacité, justifiée ou non (ce sont des gosses, donc non je n’attends pas d’eux qu’ils sachent tout faire !), et des éclairs de génie / grand sportif / Sherlock Holmes / érudit / maturité (incroyablement) impressionnants, avant de retomber dans leur état « naturel ». Il faut plonger pour accéder au trésor ? Bah, hop, une petite leçon et le gamin qui n’a jamais pongé de sa vie est à l’aise, tout à fait indépendant, et connaît les techniques de combat sous-marin. Entrer par effraction quelque part ? Aucun souci ni moral ni technique qui ne dépende des enfants. On est un peu dans la mouise, on appelle des adultes à la rescousse ? Ben non, eh, on vaut quand même mieux que ces tataves de Club des Cinq. D’ailleurs je note que Jules (relisez la 4e) déborde de nombreux talents cachés… Autant les autres gamins semblent souvent plus normaux, plus humains, autant lui fait souvent office de petit génie, ce qui aurait pu (presque, parce que quand même pour certaines choses il ne faudrait pas pousser mémé dans les orties) marcher si l’auteur n’avait pas déconstruit cette image dès le début !!

Je passerais vite fait sur les stéréotypes gros comme ça : les gosses ne connaissent pas le mot « Eden » sauf le gamin issue d’une famille catho qui va à la messe tous les dimanches (c’est évident), devinez comment s’appelle le monsieur allemand ?? (réponse : Hans Müller. Non c’est pas une blague, désolée), comment s’appelle le vilain pas très malin ? (réponse : Kevin. Tenez, un mouchoir.)

Autant vous dire que genre de prédilection ou pas au départ, Tamaillon a réussi très vite à suspendre chez moi cet accord de crédulité, d’acceptation de la fiction pourtant nécessaire chez tout lecteur, en en faisant des tartines à n’en plus finir et sans respecter la zone de confort implicite donnée par le postulat de départ. Peut-être que cet auteur se sentirait plus à l’aise avec de la littérature pour adultes.

Un livre qui m’a suffisamment déçue et agacée par ses nombreux déséquilibres pour que je ne puisse pas le recommander de manière sincère.

Pour la petite histoire c’était ma première MC, j’ai coché des titres avant d’aller bosser, peut-être un peu vite, j’avais retenu cet auteur de nom et ne me suis rendue compte que c’était un de mes ratages principaux qu’une fois qu’on m’a prévenu que j’avais été sélectionnée pour ce titre ! J’ai échangé des mails avec une personne de Babelio qui m’a dit qu’on pouvait tout à fait ne pas me l’envoyer, mais finalement je l’ai quand même reçu, donc je joue le jeu jusqu’au bout et je ferai plus attention la prochaine fois. 🙂

8 réflexions au sujet de « Le Mystère du trésor englouti »

  1. Ça fait du bien de te lire ! Ton avis est vraiment détaillé et intéressant, ça a réveillé en moi ces fameux romans d’aventure bon enfant dont j’étais si friand plus jeune mais qu’on voit rarement à présent. Je note en tout cas de m’intéresser à d’autres auteurs si besoin est ^^

    • Oui, c’est vrai, l’aventure « sans autre effet » n’a plus la cote ! :/
      En aventure axé historique Evelyne Brisou-Pellen écrit toujours. Morpurgo et Ibbotson sont plus dans les romans jeunesse à dimension historico-sociale également, mais ils intègrent aussi un peu d’aventure.
      Et si tu es passé à côté de la polémique de l’adaptation « moderne » du Club des Cinq je te déconseille vivement les nouvelles éditions si jamais l’envie te prenait de te replonger dedans… (daté 2014 je crois)

  2. J’ai lu ton billet avec plaisir même s’il ne me donne pas envie de découvrir ces auteurs. Pellen écrit aussi sans axe historique je trouve. J’ai l’impression de trouver de l’aventure dans les jeunesse que je lis, dont certaines perles dans les deux dernières sélections de infos CM2-6me.
    JE t’avoue que les arguments que tu poses clairement me refroidissent bien et que ça me reviendra certainement si je tombe devant un tomaillon ou un gibbins!!!
    Merci pour cette analyse, tu as eu du courage d’aller au bout!

    • Ok c’est cool alors, c’est vrai que ça fait quelques années que je ne suis plus toutes les parutions, surtout en jeunesse, alors c’est possible que je rate des chouettes livres !

    • Eh, c’est le minimum. Si je ne m’amuse pas en lisant et pas plus en écrivant, autant que je m’arrête dans ma lecture dès que ça ne va plus tout à fait ! ^^’
      Oui, j’avoue, je m’éclate souvent beaucoup, non pas à descendre ces pauvres œuvres qui, je ne l’oublie jamais, ont quand même leur lectorat donc sans doute des points positifs, mais à exprimer mon ressenti désolé ou frustré.

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