La Controverse de Valladolid

De Jean-Claude Carrière. Pocket, 1993. Roman historique. Très bonne lecture. [189 p.]

9782266054010Résumé : « En 1550, une question agite la chrétienté : qui sont les Indiens ? Des êtres inférieurs qu’il faut soumettre et convertir ? Ou des hommes, libres et égaux ? Un légat envoyé par le pape doit en décider. Pour l’aider, deux religieux espagnols. Ginès de Sepulveda, fin lettré, rompu à l’art de la polémique, et Bartolomé de Las Casas, prêtre ayant vécu de nombreuses années dans le Nouveau Monde. Le premier défend la guerre au nom de Dieu. Le second lutte contre l’esclavage des Indiens. Un face-à-face dramatique dont l’écho retentit encore.« 

J’ai entamé cette lecture par pure curiosité : l’amie qui me l’a recommandée l’a étudiée en 1ère, et m’a simplement dit que c’était sur un des tournants de l’Histoire, et que ça se lisait bien. J’aime bien l’Histoire mais ce n’est pas une passion non plus pour moi ; il y a tant à apprendre et à retenir que j’ai tendance à oublier des bouts par-ci et des bouts par-là qu’il faut mieux me rappeler de temps en temps ! Cependant ce livre paraissait court, le résumé pouvait tout autant vendre du barbant que de l’intéressant, alors je me suis dit pourquoi pas.

Toujours est-il que de Vallamachin je n’en avais jamais entendu parler, ou bien si c’est le cas, c’était sans doute tellement succinctement au détour d’un cours de Collège ou Lycée que je n’ai absolument pas retenu ni le nom ni ce qui s’y était passé.

Finalement je peux vous dire que cette oeuvre m’a happée dès le début, que je ne m’y suis pas ennuyée, et que j’en suis ressortie bouillonnante – le livre a réussi à me passionner par endroits, et les quelques dernières pages m’ont tuée ! (C’était pourtant assez prévisible au vu de l’Histoire du XVIIe – mais non je n’étais pas au courant de ce « détail »)

L’auteur met en scène un débat qui a touché à la fois à la théologie, à la sociologie, et à la morale – mais aussi à la politique et à l’économie. C’est quelque part un beau sac de nœuds, mais il délimite clairement les points de vue et arguments de chacun, ce qui en fait un ouvrage relativement abordable, et très intéressant. Bien sûr les arguments théologiques (et autres !!) du XVIe siècle feront j’imagine grincer des dents plus d’un lecteur, mais en même temps c’est tout simplement incontournable – et l’une des choses qu’explique très bien Carrière. La remise dans le contexte, toujours : élément souvent perturbant lorsqu’il est lointain, mais également primordial pour suivre ce qu’il se passe à tous niveaux dès que l’on change de repères spatio-temporels.

« Il est faux de déclarer que la guerre que nous leur avons faite était juste. Tracer par l’épée le chemin de Dieu est une entreprise déshonorante. Nous l’avons affirmé pendant des siècles, en parlant des musulmans. ce qu’ils appellent la guerre sainte, répétions-nous, est une infamie. Elle ne sert qu’à écrire sur la terre le nom de Dieu en lettres de sang. Nous avons traité Mahomet et ses successeurs de tous les noms de criminels. Après quoi, nous avons fait de même. »

(…) Ainsi le critère esthétique, unilatéralement défini, appuie la thèse de la hiérarchie naturelle. Le sauvage n’a pas le sens du beau. Esclave de naissance, l’accès à la beauté lui est par nature interdit. 

J’ai adoré la manière qu’a l’auteur de jouer avec ce contexte pour introduire des éléments que j’oserais qualifier d »‘entracte » tant son récit est orchestré à la manière d’une pièce de théâtre : un seul lieu, un seul temps, l’entrée en scène des personnages, le débat entrecoupé de pauses, scindé en autant d’actes. Certains détails ou scénettes m’auront d’ailleurs fait sourire (mais pas la scène voulue comique, je dois avoir un humour trop moderne). Pour autant l’auteur n’utilise pas la mise en forme du théâtre, ni didascalies, ni présentation des personnages sous forme de liste, ni découpage en actes, ni rien de semblable. Le style est soigné mais reste clair et concis.

Un très bon livre sur une polémique historique. 

Chroniques d’ailleurs : Lynnae

6 réflexions au sujet de « La Controverse de Valladolid »

    • Les lectures scolaires, c’est pas toujours le plus agréable ! On a tendance soit à mieux apprécier le livre grâce à l’étude, soit au contraire à se sentir forcé.

  1. Je suis intimement convaincue qu’il me plairait, et ta chronique enfonce le clou pour me donner envie de le glisser dans ma liste d’envies ! Merci 🙂

  2. Je suis sûre que ça me plairait car, bien qu’ayant abordé sur ce sujet au cours de mes études, je n’ai pas étudié ce livre. Je tenterai peut-être à l’occasion 🙂

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