L’Homme bicentenaire

De Isaac Asimov. Denoël, 1978. Nouvelles de SF. Très bonne lecture. [284 p.]

Collection : Présence du futur

Titre original : The Bicentennial Man and other stories, 1976 ; trad. de l’américain par Marie Renault

lhomme-bicentenaireRésumé : « Qu’Isaac Asimov soit lui-même bicentenaire, comme Andrew le robot, héros de la nouvelle qui donne son titre à ce recueil, c’est ce que l’énormité de sa production pourrait laisser à penser. Il s’en défend dans un poème, La Fleur de la jeunesse, où l’on découvrira aussi que M. Asimov est un individu et non un trust. Qu’il ait l’âge de ses artères, et que dans celles-ci le sang circule avec autant de fluidité que les impulsions électriques dans les circuits de son ordinateur Multivac, c’est ce que prouvent ces onze nouvelles, datant toutes des dix dernières années. Une invention inépuisable servie par un métier de vieux routier dont l’humour et les pirouettes ne cesseront jamais d’étonner.« 

J’ai lu ce livre en fin d’été dernier, j’avoue que je ne me souviens plus bien de toutes les nouvelles et que je suis bien contente d’avoir pris des notes à un moment où j’avais plus envie – besoin – de lire que d’écrire ! Cependant en relisant mes griffonnages je me rappelle de mon appréciation générale agréable du livre et de mon envie de lire plus d’Asimov à l’occasion, que ce soit pour ses idées originales, son talent de conteur (car s’il n’a pas un style littéraire incroyable je lui trouve une efficacité narrative assez terrible), et son indéfectible humour qui borde parfois un aussi profond sérieux ou des réflexions qui n’ont rien d’anodin.

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Le Post-apocalyptique

[Collectif]. ActuSF, 2013. Essai. Très bonne lecture. [90 p.]

Collection(s) : La Maison d’Ailleurs

43777Résumé : « Le post-apocalyptique est un genre relativement connu, principalement grâce aux innombrables productions cinématographiques hollywoodiennes qui sont apparues sur nos écrans cette dernière décennie. Or, il serait terriblement réducteur d’imaginer que seuls Le Jour d’après, La Route, 2012 et autre After Earth sont représentatifs d’une tradition aussi ancienne que diversifiée. Afin de mieux saisir la spécificité et la richesse de cette esthétique, la Maison d’Ailleurs a confié à quatre spécialistes le soin de proposer des points de vue inédits sur ces récits faisant la part belle aux zones et, surtout, à la manière dont les humains tentent de reconstruire une société digne de ce nom après la catastrophe. Quatre essais, une sélection iconographique exceptionnelle : le post-apocalyptique dévoile ses secrets.« 

Récemment j’ai réalisé que ça n’allait pas faire très loin d’un an que j’avais reçu ce livre de la Faquinade à l’issue de la session 2014 de Août, Nouvelles coûte que coûte. Étant en plus plutôt dans des lectures SF en ce moment, je me suis dit que c’était un bon moment pour le sortir de ma PàL.

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La Controverse de Valladolid

De Jean-Claude Carrière. Pocket, 1993. Roman historique. Très bonne lecture. [189 p.]

9782266054010Résumé : « En 1550, une question agite la chrétienté : qui sont les Indiens ? Des êtres inférieurs qu’il faut soumettre et convertir ? Ou des hommes, libres et égaux ? Un légat envoyé par le pape doit en décider. Pour l’aider, deux religieux espagnols. Ginès de Sepulveda, fin lettré, rompu à l’art de la polémique, et Bartolomé de Las Casas, prêtre ayant vécu de nombreuses années dans le Nouveau Monde. Le premier défend la guerre au nom de Dieu. Le second lutte contre l’esclavage des Indiens. Un face-à-face dramatique dont l’écho retentit encore.« 

J’ai entamé cette lecture par pure curiosité : l’amie qui me l’a recommandée l’a étudiée en 1ère, et m’a simplement dit que c’était sur un des tournants de l’Histoire, et que ça se lisait bien. J’aime bien l’Histoire mais ce n’est pas une passion non plus pour moi ; il y a tant à apprendre et à retenir que j’ai tendance à oublier des bouts par-ci et des bouts par-là qu’il faut mieux me rappeler de temps en temps ! Cependant ce livre paraissait court, le résumé pouvait tout autant vendre du barbant que de l’intéressant, alors je me suis dit pourquoi pas.

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L’Apothicaire

De Henri Lœvenbruck. 2011. Roman d’aventures historico-ésotérique. Excellente lecture. [600 p.]
apothicaireRésumé : « « Il vécut à Paris en l’an 1313 un homme qui allait du nom d’Andreas Saint-Loup, mais que d’aucuns appelaient l’Apothicaire, car il était le plus illustre et le plus mystérieux des préparateurs de potions, onguents, drogues et remèdes… »
Un matin de janvier, cet homme découvre dans sa boutique une pièce qu’il avait oubliée… Il comprend alors que jadis vivait ici une personne qui a soudainement disparu de toutes les mémoires. L’Apothicaire, poursuivi par d’obscurs ennemis, accusé d’hérésie par le roi Philippe le Bel et l’Inquisiteur de France, décide de partir jusqu’au mont Sinaï. Entre conte philosophique et suspense ésotérique, L’Apothicaire est une plongée vertigineuse dans les mystères du Moyen Age et les tréfonds de l’âme humaine.« 
Ce livre m’a très fortement fait penser à l’Alchimiste de Coelho, même si cette lecture remonte à plus de 10 ans, et que les deux ouvrages restent très différents par bien des aspects ! Pourtant j’y ai retrouvé un profond humanisme, des questionnements et réflexions sur le sacré de manière générale, le sens de la vie, le respect de soi-même et des autres. C’est d’ailleurs vaguement prématuré car le roman se situe en 1300 et des bananes, autrement dit bien avant le courant humaniste et la Renaissance ; mais j’imagine sans peine que, quelque soit l’époque, il y eut toujours des personnes en désaccord avec le mode de pensée du présent, alors pourquoi pas ?

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Pluto [Série]

De Naoki Urasawa et Osamu Tezuka. 2010. Science-fiction/enquête. Excellente lecture.
La série comporte 8 volumes de format classique manga.
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Résumé : « Les robots les plus sophistiqués du monde sont détruits les uns après les autres. Sur leur tête, à chaque fois, des cornes. Deux crimes perpétrés au même moment, et le même rituel étrange… Des cornes ! mais que signifient-elles dans cette affaire de crimes en série ?! Le meurtrier est-il un homme ou un robot ?« 
Dès les premières pages je reconnais très fortement la griffe de Naoki Urasawa, non sans un frisson car je connais cet auteur par le manga Monster, qui est… plutôt flippant.
J’apprécie aussi son sens du détail, ce rythme lent et posé qui s’installe très vite, qui va bien avec le thème du livre, la manière dont on nous amène les choses (après tout science-fiction ou pas c’est une enquête).
C’est une histoire de robots. C’est une histoire d’humanité. C’est l’histoire d’un inspecteur qui enquête sur des meurtres en série. Autant de fils conducteurs qui s’entremêlent déjà dans les tous premiers tomes, happant le lecteur dans une mécanique implacable.
On est ici dans de la pure science-fiction, celle qui ne fait pas que décrire un futur plus ou moins improbable mais qui questionne, qui dérange, qui prend aux tripes, qui trouve son sens. Qu’est-ce qu’être humain ? Où commence l’humanité ? Dans ce futur, les gouvernements ont donné des droits aux robots, mais quels droits exactement, et en quoi les robots sont-ils autant, plus ou moins libres que les êtres humains qu’ils côtoient ?

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Je me pose beaucoup de questions sur la possible tournure des évènements, qui semble n’avoir rien de prévisible pour l’instant. De nouveaux personnages et situations n’ont pas encore fini de nous être présentés, je le sens – mais dans quel but ?
J’aime beaucoup les personnages pour l’instant, même si on n’a pas forcément beaucoup de détails sur eux tous. Ils ont un côté réel, quotidien qui je trouve donne du corps au récit et à l’univers. J’attends de lire les prochains tomes avec impatience.
Dans les tomes suivants l’histoire avance, l’enquête se résout partiellement, pour le lecteur, qui voit également apparaître de nouvelles sources de questionnement. J’aime toujours autant Uran et son « don », ça me fait sourire à chaque fois, je trouve ça trop mignon ! 🙂
J’aime l’idée du nom de « Pluto » – Pluto le dieu des morts et du monde souterrain peu vivant, peu dynamique, dans la mythologie grecque où on le connait mieux sous le nom d’Hadès. Pluto le taciturne, l’asocial, celui qui s’est retiré du monde parce qu’en fait il aime assez sa solitude. Pluto qui est aussi régulièrement montré comme un dieu terrible, vengeur, voire machiavélique…
Je prends également toujours autant plaisir à repérer les allusions aux œuvres de Tezuka, même si je dois en rater plein car je n’ai pas tout lu non plus, autant qu’à Monster.
La fin est je trouve assez typique de Tezuka, je n’ai pas eu de grosse surprise, mais ça m’a tout de même plu.
Ce manga est assez court mais terriblement efficace en termes de contenu et de narration !

 

Chroniques d’ailleurs :  P’tite TrolleLynnae, Livresse des Mots

Loin de la ville en flammes

De Michael Morpurgo. 2010. Historique jeunesse. Très bonne lecture.
Titre original : An Elephant in the Garden, 2010.
loindelavilleRésumé : « Elizabeth et Karli habitent à Dresde, en Allemagne, avec leur mère. Leur père, mobilisé, se bat toujours sur le front. La plupart des villes ont été bombardées et, bientôt, la famille doit fuir à son tour. La petite troupe a recueilli Marlène, l’éléphante du zoo, et s’enfonce courageusement dans l’hiver glacé, avec l’animal qui changera leur vie…

La Seconde Guerre mondiale, du côté des vaincus. Le destin d’une famille prise dans la tourmente. Une histoire de courage et d’humanité par l’inimitable conteur Michael Morpurgo.« 

A chaque fois que je lis du Morpurgo j’aimerais avoir un enfant pas loin à qui conseiller ma lecture. Non pas que je pense qu’il ne s’adresse pas également aux adultes, mais simplement parce que j’ai aimé lire des auteurs de cette trempe quand j’étais (bien) plus jeune, et que je crois sincèrement que ce genre de lecture est particulièrement enrichissante et pleine d’enseignements, en plus d’être un bon livre à dévorer sous sa couette un après-midi d’hiver.
L’auteur a une manière bien à lui de rendre aventureux tout côté de l’existence pourtant presque banale, et souvent tragique, de ses personnages. Quand on le lit, on a envie d’être à leurs côtés, de se battre comme eux, de les accompagner, de les encourager, d’être aussi simplement là, plus près, dans le livre, pour écouter leur histoire et leurs ressentis.
Comme souvent, même si rien n’est dévoilé au début de la narration, je sens venir la « grosse » histoire, le thème important ; parfois c’est le même que dans d’autres histoires de l’auteur, parfois c’en est un nouveau. En fait, c’est moyennement important. La focalisation, à chaque fois, s’effectue sur un ou quelques personnages et leur propre façon de vivre les évènements qui leur tombent dessus, ou qu’ils prennent sur eux de déclencher ou d’affronter.

The Island of Doctor Moreau

De H. G. Wells. 1896. Science-fiction / anticipation. Bonne lecture.
Titre français : L’Île du docteur Moreau
islandRésumé : “Prendick, a naturalist, is shipwrecked on the island retreat of notorious vivisector, Dr. Moreau. In a laboratory called the House of Pain, Moreau manufactures ‘humanised’ animals known as the Beast People, whom he controls through fear–until the terrifying day when one of his degraded victims destroys him. Prendick is then alone with the blood-thirsty survivors…
A sombre fantasy in which Wells, on the eve of the twentieth century, issues a resonant warning against scientific obsessiveness, and the Faustian pursuit of evolutionary control.”
Je suis contente d’avoir lu ce classique que je connais de nom et de thème depuis des années, mais je n’ai pas été tout à fait autant emballée que je m’y attendais.
Difficile de critiquer l’histoire sans en révéler des tournants, même attendus ! Le livre est court (120 pages), autant dire que ce n’est rien comparé aux deux pavés que sont Robinson Crusoé ou Frankenstein, deux ouvrages avec lesquels je ne peux m’empêcher de comparer L’Ile du docteur Moreau, tant les thèmes abordés et la manière de les traiter se rejoignent. De fait, je n’ai également ni particulièrement adoré ni détesté ces deux derniers non plus.
The Island… est bien ancré dans les romans à la limite du fantastique et de la S-F de la fin du XIXe (ici c’est clairement de la S-F). Les évènements qui s’y déroulent, bien qu’attendus pour la plupart, répondent à une tendance au couple [fascination – horreur] expérimenté par l’humain face à quelque chose d’inconnu mais aussi d’impossible à accepter. Le style et la structure du texte ne surprendront pas les habitués, non plus que l’épilogue. Pourtant, cela reste quelque chose de fort, de choquant, même vu de notre XXIe siècle et sa science plus avancée – car il s’agit encore une fois d’amener le lecteur à se demander Et ensuite ? et pas seulement Quoi ? ou Comment ?
Bien que n’ayant pas été passionnée ni par le thème des dérives de la science – déjà trop vu et revu – ni par l’ouvrage en lui-même, je reconnais que c’est un livre de qualité, qui n’est pas non plus ennuyeux, et que je ne saurais donc déconseiller 🙂

Les Voies de l’ombre, T.3 : Instinct

De Nathalie Hug et Jérôme Camut. 2008. Thriller / policier. Excellente lecture.
(Suite de 3 romans : T.1 Prédation et T.2 Stigmate)
instinctRésumé : « Et s’il suffisait de 25 tueurs pour plonger la France dans le chaos ? Une meute sans visage dressée par un pervers de génie pour frapper leurs cibles avec une perfection terrifiante…
Et s’il suffisait d’un seul homme ?
Pour que nous nous mettions tous à douter… »
Un troisième opus à la hauteur des deux autres, tant concernant l’intrigue que l’atmosphère. Bien sûr, comme je m’y attendais un peu, le ton n’est pas aussi glauque que dans le deuxième livre, au vu des évènements qui ont d’ores et déjà pris place à la fin de ce dernier, et aussi au vu de ceux qui ouvrent celui-ci. Néanmoins on reste dans du thriller plutôt sombre, qui malmène pas mal les notions d’humanité et de normalité, et ne bascule pas dans les stéréotypes d’arrangements heureux de situation.
Le déroulement de l’intrigue a été de mon point de vue relativement attendu ; cependant on est ici sur un tome final, et certains retournements de situations n’étaient tout simplement pas possibles étant donné les choix des auteurs dans les tomes précédents. D’où une baisse de la tension, mais aussi une grande cohérence dans l’histoire et les personnages. J’ai aussi apprécié la fin, non pas parce qu’elle me convenait personnellement mais encore une fois parce qu’elle s’inscrit dans la logique de la série.
Une très bonne série de thrillers français, que je conseille à tous les amateurs de polars aux tripes bien accrochées.

Les Voies de l’ombre, T.2 : Stigmate

De Jérôme Camut et Nathalie Hug. 2007. Thriller. Excellente lecture mais très dérangeante.
(Suite de 3 romans : T.1 Prédation, et T.3 Instinct, tous déjà parus)
stigmateRésumé : « Quand un monstre fascinant et obscène prend la parole et surgit à nouveau face à ses anciennes victimes, elles n’ont pour seules issues que la fuite, la mort… ou les « voies de l’ombre », le système implacable d’un criminel qui leur dévoile en chuchotant les secrets de sa folie.
« J’ai de l’amour pour mes chiens d’attaque. Certains il a fallu les tabasser, d’autres pas.
Il n’y a pas de règles. C’est ça l’extraordinaire chimie de la nature humaine. C’est passionnant.
Approche-toi, ami voyeur. Et n’aie pas honte de ton vice. Viens pénétrer le monde d’un artiste du crime. Il est temps que je me présente et que j’offre ma réflexion à la multitude. » »
Tout d’abord c’est la suite directe de Prédation, donc si vous ne l’avez pas lu ne lisez pas celui-ci en premier. On retrouve les mêmes personnages, la même idée de fond (plus poussée vu qu’ils sont dans le tome 2), etc. – sans compter qu’en fait la fin de Prédation n’est qu’une demi-fin, ce qui permet aux auteurs de reprendre directement dans un certain vif du sujet.
Ensuite si vous avez trouvé que le tome 1 était déjà trop dur, trop violent, trop poussé pour vous, il est peut-être temps de s’arrêter. Autant Prédation ne m’avait pas dérangé plus que ça, autant ce livre-ci frôle mes limites en termes de perversité et d’atmosphère malsaine. Oui, il y a toujours des meurtres et crimes plus ou moins sanglants, mais en fait c’est quelque part beaucoup plus facile à lire et à accepter – dans l’histoire – que le pourquoi du comment, les motivations du « méchant », les répercussions psychologiques et renversements moraux qu’il provoque. C’est difficile d’en dire plus sans dévoiler l’intrigue ou certains tournants du récit, mais la manière dont c’est amené, le déroulement des évènements… On voit, on sent les personnages basculer, glisser dans l’abîme, c’est vraiment horrible. Du coup je dirais que paradoxalement c’est très bien écrit, car c’est rare que je ressente de telles choses en lisant. J’avais pris le tome 1 pour une histoire relativement affreuse, mais je ne m’attendais pas du tout à ce que ça prenne un tour aussi sombre dans la suite. J’attends toujours, quelque part, un genre de « happy end », une fin qui ramène un genre de justice dans le tome 3, mais je n’en suis plus aussi sûre que ça.
Un des buts de cette série semble être une réflexion sur l’esprit humain, sa « normalité » et ses limites, ainsi que des réflexions assez semblables sur la société. Je pense que c’est justement ça qui est le plus dérangeant : ce n’est pas de la SF, ça n’appartient pas forcément au passé ; et même si c’est de la fiction c’est tout de même quelque chose d’un peu trop réel, décrit par des esprits un peu trop lucides pour le confort du lecteur.
Le livre dans le livre
Cette série se base en grande partie sur un livre dont j’ai pas mal entendu parler, sans l’avoir lu : Heart of Darkness, de Joseph ConradAu cœur des ténèbres, en français. Il paraît que le film Apocalypse Now en reprend pas mal d’idées, mais encore une fois je ne l’ai pas vu non plus. Heart of Darkness est apparemment un classique anglais (écrit en 1899), et traite de la dichotomie conceptuelle civilisation / sauvagerie, des méthodes et effets néfastes (à défaut d’un mot plus fort) de la colonisation, et de la folie. Un professeur à la fac, quand j’étais en L3 (3e année de Licence) d’Anglais, nous a à demi-mot recommandé de ne pas le lire, ou en tous cas d’être prêts à lire des choses horribles, si vraiment on voulait se lancer dedans. C’était fou ! Il avait vraiment l’air secoué, alors qu’il nous a fait lire des textes plutôt documentaires, et sur d’autres sujets pas drôles non plus (j’ai un souvenir très vif, par exemple, d’un témoignage d’un journaliste quelques jours après Hiroshima). Bref, maintenant que Hug et Camut m’ont mis dans le bain, je me demande si ce n’est pas le moment d’aller découvrir cet horrible roman (court, heureusement) pour satisfaire ma curiosité intellectuelle.
Je repense aussi à cette phrase de Nietzsche (je crois) : « Si tu regardes l’abysse, l’abysse regardera également en toi » (ma reformulation de « If you look into the abyss, the abyss looks into you » – je n’ai pas la phrase allemande ni les capacités de la traduire, je pense, si c’est bien de Nietzsche)

World War Z

De Max Brooks. 2009. Science-fiction « historique »/ uchronique. Impression mitigée.
Titre original : le même, paru en 2006. En fait, « World War I » est la dénomination anglaise (américaine aussi) pour la Première Guerre Mondiale (pareil pour WWII). Le titre équivaut donc à « Zombie Guerre Mondiale », ou « Guerre Mondiale contre les Zombies »
worldwarzRésumé : « La guerre des Zombies a eu lieu, et elle a failli éradiquer l’ensemble de l’humanité. L’auteur, en mission pour l’ONU – ou ce qu’il en reste – et poussé par l’urgence de préserver les témoignages directs des survivants de ces années apocalyptiques, a voyagé dans le monde entier pour les rencontrer, des cités en ruine qui jadis abritaient des millions d’âmes jusqu’aux coins les plus inhospitaliers de la planète. Il a recueilli les paroles d’hommes, de femmes, parfois d’enfants, ayant dû faire face à l’horreur ultime. Jamais auparavant nous n’avions eu accès à un document de première main aussi saisissant sur la réalité de l’existence – de la survivance – humaine au cours de ces années maudites. Depuis le désormais tristement célèbre village de Nouveau-Dachang, en Chine, là où l’épidémie a débuté avec un patient zéro de douze ans, jusqu’aux forêts du Nord dans lesquelles – à quel prix ! – nombre d’entre nous ont trouvé refuge, en passant par les Etats-Unis d’Afrique du Sud où a été élaboré l’odieux plan Redecker qui finirait pourtant par sauver l’humanité, cette chronique des années de guerre reflète sans faux-semblants la réalité de l’épidémie. Prendre connaissance de ces comptes-rendus parfois à la limite du supportable demandera un certain courage au lecteur. Mais l’effort en vaut la peine, car rien ne dit que la Zème Guerre mondiale sera la dernière. »
Par quoi commencer ?
J’ai vu le film avec Brad Pitt il y a quelques semaines, encore un « blockbuster » (je vais faire comme tout le monde et l’employer sans être sûre du sens :p) – enfin un film avec de l’action, des zombies vraiment flippants parce que super rapides, un scénario à la « heureusement je suis là pour sauver le monde », et finalement 2h de divertissement agréable, à défaut de grand cinéma.
N’écoutez pas les gens qui vous disent que le livre est mieux.
Pas parce qu’ils ont tort, non, quelque part c’est très subjectif. Mais parce que comparer le livre et le film c’est à peu près comme comparer Harry Potter et le Seigneur des Anneaux : étranglez les gens qui le font, pendez-les, ou donnez-leur des coups sur le crâne en espérant que ça rentre un jour : on ne compare pas ce qui n’est pas comparable.
Le seul et unique vrai point commun entre les deux histoires c’est le fait que des personnes se transforment en zombies au niveau international, et déciment un gros tas de la population mondiale. Ensuite on peut en trouver un petit, car le « narrateur » du livre appartient à l’ONU. Mais son rôle n’est pas du tout, mais alors du tout du tout, celui du personnage principal du film.
Bref. Côté bons points on a un style très fluide et plutôt bon, des notes de bas de page pour expliquer les choses attenantes au côté dystopique / uchronique, un style d’écriture qui change avec les différents intervenants, ce qui donne un côté réaliste, et des témoins plutôt variés et hauts en couleurs.
Le reste peut être considéré comme bon ou mauvais, selon ce que vous aimez lire. Personnellement, j’ai trouvé ça longuet (à cause souvent des éléments sous-mentionnés), surtout dans les 100 dernières pages.
On sait dès le début comment ça s’est fini, ou plutôt que ce n’est pas encore tout à fait fini. Pas de grosse surprise dans le scénario global, pas de vrai retournement de situation, comme on peut s’y attendre ; en fait ceci n’est pas un roman mais bien une succession de « témoignages », repris de façons « réaliste » par le journaliste qui nous présente l’introduction, et qui se tient toujours là en filigrane, pour diriger les entretiens. On se retrouve donc à lire un genre de dossier, tout à fait dans la veine du journalisme littéraire, literary journalism, autrement dit des documents à valeur médiatique et informative, mis plus ou moins en forme pour former un tout et faire en sorte que le lecteur se retrouve immergé dans l' »ambiance ».
De ce que j’ai appris à la fac, il semblerait que le LJ marche très bien en particulier aux Etats-Unis, et en fait ça m’a très nettement rappelé certains textes qu’on avait étudiés à ce propos. Par contre le souci que j’ai eu c’est que mon cerveau était super conscient que tout ceci était de la fiction, parce que les zombies ça n’existe pas. Du coup j’ai été beaucoup moins touchée par ces témoignages que par ceux de la guerre du Viet-Nam, ou des survivants d’Hiroshima, qui eux sont bien réels. J’aurais aimé avoir plus d’éléments tenant de la science-fiction, de l’aventure, mais en fait, non.
Je pense que le côté réaliste de ces textes, et aussi les nombreuses références justement à ce qui a vraiment existé comme horreurs et guerres sont censées permettre au lecteur de s’immerger dans l’ouvrage tout comme s’il lisait effectivement des témoignages de guerre, je veux dire d’une vraie guerre. Moi je voulais lire un livre de S-F, je m’attendais à un truc genre Stephen King, mais ce n’est pas du tout ça. Je n’aime pas trop lire des livres d’histoire dans l’ensemble, pas si ce n’est pas romancé. De plus vu le nombre de personnages je n’ai eu le temps de m’attacher à aucun d’entre eux, d’autant plus qu’une fois de plus ils ne sont pas réels.
Quelques bémols et notes : j’aurais aimé quelques notes de plus de la part du traducteur ou éditeur, concernant les éléments qui ne font pas partie de la fiction mais du monde et de l’Histoire réelle. Mes cours sur l’histoire des Etats-Unis m’ont servi plusieurs fois, et encore il y a des détails que je n’ai pas compris / dont je ne me rappelais plus et que donc j’ai zappés. Ensuite j’ai fini par comprendre que « Zack » désignait la masse zombie, mais franchement le premier coup que j’ai lu ça je n’étais pas sûre.
Je pense que ce livre est censé se lire comme un livre d’histoire, et pas un livre de science-fiction. Il est très ancré dans les problèmes humains : sociaux, politiques, économiques, questions existentielles et psychologiques… En fait les zombies ne semblent qu’un prétexte pour remettre une fois de plus l’humanité en scène, dans un décor de S-F qui dessert un discours autour de la guerre, de toutes les guerres.
Chroniques d’ailleurs : L’Aléthiomètre