Cthulhu !

De Patrick Marcel. Les moutons électriques, 2017. Docu-fiction. Très bonne lecture. [220 p.]

Première édition sous le titre Les Nombreuses vies de Cthulhu, 2009.

Illustré par Melchior Ascaride ; collection La bibliothèque des miroirs.

les moutons électriques cthulhu! marcelRésumé : « Cthulhu, nom chuchoté dans des chroniques obscures et réprimées, révéré par des sectes sanglantes et occultes, répété par des initiés rares et apeurés, hurlé par des témoins condamnés et terrifiés. Dieu démon effroyable, grand prêtre de la restauration d’un ordre ancien du monde, monstrueux titan venu d’ailleurs, envahisseur absolu qui s’insinue jusque dans les rêves… Par sa brève et terrible émersion de 1925, Cthulhu marque une date dans la prise de conscience par l’homme de sa fragilité dans l’univers, de sa vulnérabilité sur une planète dont il s’imaginait le maître. Hasard ou nécessité, Cthulhu, en laissant éclater au grand jour un danger qui n’appartenait qu’à la légende, devient le héraut d’un bouleversement général et radical des mentalités, du passage des mythes à la réalité, de la superstition à la pensée scientifique, du monde newtonien à l’univers einsteinien, d’une pensée assurée et globalisatrice au doute de la relativité.« 

Si je ne suis pas certaine d’être tout à fait comblée par cette couverture verdâtre et simpliste aux tentacules crénelés disparates, je note des bubons en relief sous mes doigts et je trouve ça cool !

Toujours niveau design j’ai par contre été enchantée lorsque j’ai ouvert l’ouvrage : les pages ont quelque chose d’un journal d’expédition et sont émaillées d’illustrations de sources diverses et toujours délicieusement désuètes (normal vu le sujet me direz-vous). Vous pouvez en avoir quelques aperçus sur le site de l’éditeur. En parlant des Moutons j’en profite pour vous préciser que j’ai acquis ce titre ainsi que deux de ses copains chthoniens grâce à une offre « mois Lovecraft » (mort le 15 mars 1937), encore en cours si certains se sentent intéressés ! :)… Je n’ai pas encore lu les deux autres mais je peux déjà vous dire qu’ils sont beaux.

Si vous vous plongez dans cet ouvrage vous aurez un bon guide en eaux troubles. En effet P. Marcel a compulsé un grand nombre d’œuvres en lien avec les événements et bouleversements qui ont précédé puis suivi l’apparition du Grand Cthulhu dans notre plan de réalité courant mars 1925. Le romancier Lovecraft, qui s’est naturellement inspiré d’un grand nombre de faits locaux de la région de Providence – la bien nommée ! puisqu’il semblerait que beaucoup de signes avant-coureurs s’y soient manifestés – y occupe bien évidemment une belle place, ainsi que plusieurs de ses contemporains  tels que Arthur Conan Doyle, Edgar Rice Burroughs ou Jules Verne. Les travaux, analyses ou témoignages en lien avec l’affaire Cthulhu et ses répercussions rapportés par Fritz Leiber, Robert Bloch ou Karl Edward Wagner se retrouveront plutôt dans la deuxième moitié de l’opus : l’Après.

Vous l’aurez compris c’est un sympathique point de vue que nous propose l’auteur, dans lequel l’émersion de R’lyeh relatée dans la nouvelle L’Appel de Cthulhu (1925) est traitée, ainsi que le reste de la mythologie lovecraftienne et post-lovecraftienne, comme un événement digne d’un reportage sérieux, d’une étude « scientifique ». Il y intègre l’analyse d’autres œuvres du même ordre fantastique comme le Monde Perdu de Conan Doyle ou les écrits de Verne, et trace des ponts entre les lieux, mystères et dates, reliant les différents textes en une immense fresque grouillante de bêtes étranges, de rituels certes anciens mais très efficaces, de peuples disparus et retrouvés, et nous présente ses conclusions concernant certaines énigmes.

Si l’approche se veut faussement sérieuse l’auteur ne peut s’empêcher de glisser quelques traits d’humour ici et là, de fausses questions, des « doutes raisonnables », et je me suis beaucoup amusée lors de ma lecture entre les conclusions trop belles et trop grosses pour être crédibles – mais qui marchent tellement bien !, les allusions mine de rien à des créatures du Mythe qui n’ont rien de trivial dans les œuvres originales, et le second degré présent à chaque page. C’était vraiment une très bonne idée, d’autant plus que les textes fantastiques évoqués font souvent état de journaux d’expédition, de lettres, d’articles de journaux, bref de tout un tas de textes certes fictifs mais qui ont un goût de vrai, de réel – et Patrick Marcel les reprend bien entendu les uns après les autres pour tisser son Encyclopédie du Mythe tel que l’ont vécu les Terriens. En même temps les sources sont bien entendu de vraies sources littéraires et j’ai trouvé qu’il y en avait beaucoup, ce qui me donne envie d’abord de relire Cthulhu ! mais aussi de partir à la découverte d’autres auteurs ou titres. Pari réussi !

A lire l’abondante littérature qui traite exhaustivement des révélations du Necronomicon, il devient évident que certains auteurs laissent galoper une imagination pas toujours inspirée, et qu’ils tendent à considérer le Necronomicon comme un Manuel des Castors juniors de l’horreur blasphématoire. En ce domaine comme dans d’autres, méfions-nous des contrefaçons. ~ p. 57

Les révélations sur des dieux inhumains liés à notre globe, les êtres étranges qui ont colonisé diverses régions perdues de notre monde, la façon d’entrer en contact avec des entités étrangères à notre planète ou à notre cosmos, passent en second plan pour des lecteurs plus préoccupés par le secret de la longue vie que par la cosmologie et la théorie des sphères extérieures, dès lors que celles-ci n’offrent pas d’immédiates applications pratiques. Les sorciers en général ne sont ni des philosophes ni des altruistes. ~ p.59

Génial, distrayant et fourmillant d’informations ! Peut-être un peu touffu pour quelqu’un qui n’aurait de connaissances ni sur Lovecraft ni sur le Mythe de Cthulhu ? Ou peut-être pourrait-ce être une manière de découvrir ces textes puisqu’ils sont décrits et repris en détail ? Autrement je conseille sans réserve.

7 réflexions au sujet de « Cthulhu ! »

  1. Je n’ai jamais lu Cthulhu mais c’est quelque chose qui me tente de plus en plus. Seulement, je crois que je n’ai jamais vraiment compris: par quoi je dois commencer exactement??

    • Lovecraft est un écrivain qui a écrit de nombreuses nouvelles dont la plupart relèvent du fantastique horrifique ou onirique, je te conseillerais donc de commencer par un recueil contenant plusieurs nouvelles de différents styles. J’avais chroniqué Night Ocean qui possède un joli panel de choses diverses, mais j’avais aussi retenu Dagon comme une anthologie qui m’avais plu… le souci étant que suivant les éditeurs les recueils ne comportent pas le mêmes nouvelles ! Si je devais citer quelques titres non pas d’antho mais de nouvelles je te donnerai Le Terrible vieillard, Les Chats d’Ulthar, L’Appel de Cthulhu, l’Horreur sur le seuil, la Nuit dans la maison de la sorcière, La Couleur tombée du ciel. Si tu as envie de te lancer dans un texte plus long, l’Affaire Charles Dexter Ward. Je pense que certaines doivent être disponibles en ligne, et c’est facilement trouvable en bibliothèque.

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