Lune Mauve, T.1

De Marilou Aznar. Casterman poche, 2014. Roman(ce) ado teinté de fantastique. Une déception attendue*. [421 p.]
Lune-mauveRésumé : « Un seul coup d’oeil m’avait suffi pour constater que j’étais la fille la plus mal fagotée du bahut. Moi, Séléné Savel, à Darcourt, le lycée le plus snob de Paris ? Je m’y donnais autant de chances de survie qu’une souris lâchée dans un enclos de chats affamés ! J’étais plongée dans mes pensées moroses lorsqu’une élève me bouscula. Là où elle m’avait touchée, la peau me démangeait d’une vibration électrique. Un visage s’insinua dans mon esprit, celui d’un inconnu aux iris aussi verts et froids que ceux d’un serpent, puis il s’effaça aussitôt. Je retins ma respiration. Ma nouvelle vie était sur le point de commencer.« 
Je remercie les éditions Casterman de m’avoir envoyé ce livre de manière spontanée.

 

Cette lecture a été pour moi moins désagréable que je ne l’avais crains, en un sens, mais en un sens seulement. Malgré une avancée relativement rapide dans le livre grâce à un style plutôt fluide, je n’y ai pas trouvé grand’chose pour me distraire ni pour me plaire.
Étant donné le très net déséquilibre entre les différentes parties du livre, je vais vous scinder ma critique :
Le début m’a fait croire que j’allais lâcher le bouquin avant la page 50 (cas de force majeure, ça m’est déjà arrivé !) : gros soucis de cohésion dans les paragraphes, héroïne inerte, Fantasy instillée mine de rien entre deux considérations sur la petite vie de lycéenne et les fringues de la demoiselle (qui ne semble même pas réagir à ce drôle de tour), et mauve-ais** clichés : le père excentrique voire inhumain et absent, la demoiselle bretonne (bretonne ! « L’utilisation de la Bretagne dans les œuvres de fiction comme modèle de région française provinciale, opposée à la capitale » : vous avez 4 heures) envoyée à Paris, l’héroïne orpheline de mère, la lande déserte vs la grande ville bondée, tout ce cadre pour finalement ne s’en servir que de manière très succincte.

Vint ensuite un « déblocage » au moins au niveau technique, les phrases et parties s’enchaînant de manière enfin plus fluide, ouf ! Je note tout de même une utilisation fréquente voire abusive à certains moments de mots assez châtiés, de métaphores en averse et d’un tas de comparaisons, ce qui fait paraître le texte assez lourd par moments notamment au niveau des descriptions : vous allez tout savoir sur tel ou tel personnage en dix lignes bien tassées, avec toujours des yeux comme, ou des cheveux de feu, ou un air je ne sais quoi. De manière générale cette accumulation de petites choses m’agace un peu : on a l’impression que la narratrice est toujours vaguement hallucinante ! Tous les élèves, sans exception, ont droit à leur archétype ou métaphore personnelle, c’est pas super crédible. J’ai réussi à avancer sur ma lecture, sans être enchantée, et en attente du développement des quelques éléments d’intrigue qui, enfin, commencent à se mettre en place ! Malheureusement il faut savoir patienter au long des explications démesurées sur la vie, les mœurs et les états d’âme de tout ce petit monde, pour avoir des bribes d’éléments de Fantasy ou même de mystère. Je m’y attendais, mais cela ne me rend pas la lecture plus agréable. Je n’ai pas spécialement adoré mes années collège-lycée, et n’ai jamais eu envie de m’y replonger beaucoup. Je pense cependant être en présence d’un roman YA qui devrait plaire à un certain public.
L’ultime tournant du livre, qui tourne surtout au n’importe quoi. Je veux dire, ok on est dans le divertissement, d’accord le public visé est jeune, mais quand même. Le style est toujours fluide, sauf que l’auteur ne maîtrise visiblement pas autant les séquences d’action fantastique que les séquences d’actions – heu… « ado ». J’ai donc relevé pêle-mêle +l’héroïne qui ne bronche pas quand sa mère lui annonce qu’elle a eu un fils (Il y avait franchement moyen de caler une réaction de la demoiselle dans le texte, après tout on est dans sa tête)… non ? On t’annonce que tu as eu un demi-frère et heu… ? on verra après, c’est ça ? (oui c’est ça) +puis qui fait une dépression parce que sa mère qu’elle croyait disparue / morte et n’avait pas vue depuis 6 ans la retrouve 5 minutes, puis meurt (pour de bon cette fois) – genre en 5 minutes toute gêne, toute hésitation, tout questionnement (parce que quand même y’a eu des révélations assez balèzes mises sur le tapis !!) – tout ça s’envole miraculeusement pour ne plus laisser qu’une ado échevelée qui pleure sa maman assassinée. Et heu, donc, le reste ? Ah, chapitre suivant j’imagine !, +l’héroïne qui se rappelle avoir vu un truc on ne sait pas trop comment car j’ai bien relevé : « [Un] éclair de lumière aveuglante balaya la pièce. Tout disparut dans une explosion d’énergie incandescente. » D’ailleurs suite à cette description il se passe aussi une action bizarre, ou décrite bizarrement. Bref, c’est point clair ma bonne dame ! +Pour une personne qui est aussi cultivée, qui a lu plein de choses classiques blabla, elle a dû rater l’option « contes de fées » car désobéir à une injonction trois secondes trop tôt c’est un grand, très très grand classique. +Ajoutez ici une ou deux (ou trois) pincées de clichés gros comme une maison : tout le monde va la voir à l’hôpital (même ceux qui ne l’aiment pas), +elle retrouve une cassette vidéo qui va la refaire pleurer (et qu’elle n’avait bien sûr pas trouvé un mois avant),  +c’est tout de même la première héroïne qui fait cette connerie qui bat sa coulpe pendant trois chapitres entiers (c’est ballot) – ça ne m’a jamais manqué dans les contes, je dois dire. Je devrais plutôt dire qu’elle chouine dans son coin, parce qu’en fait elle n’essaie même pas de se racheter en quoi que ce soit, ce qui ne m’aide encore et toujours pas à m’attacher à elle. +Encore un peu de clichés : les « gothiques » commencent à s’intéresser à elle parce qu’elle a « touché la mort du bout des doigts ». Ouais, ouais. C’est bien connu, les gothiques sont tous sataniques-rôlistes-métalleux et morbides, et les gens qui ne se disent pas gothiques d’aucune manière ne le sont pas. *va se pendre* Et… bon je vais arrêter là ! Mais il y en a encore, des choses qui peuvent vous faire, comme moi, écarquiller les yeux d’ébahissement ou d’incompréhension. Encore des incohérences, internes ou externes à l’histoire, ou peut-être bien basées sur une mauvaise maîtrise du texte.
Quant à la toute fin…. pfffrt. Cliché, cliché, cliché. On dirait un mauvais téléfilm. Les informations / évènements s’enchaînent fabuleusement, au sens strict du terme.
Une petite phrase gentille cependant : certaines descriptions m’ont fait penser aux mondes oniriques de Lovecraft ou Dunsany. Une certaine inspiration, de beaux mots, des images vraiment chouettes et évocatrices. Dommage que ça fasse un peu tâche au milieu du reste qui n’est pas du tout sur la même longueur d’onde, ni parfois au même niveau !
400 pages dont 70% d’histoires d’ados, vécues tellement intensément, avec une passion intense et incandescente et… que j’ai levé les yeux au ciel et soupiré un certain nombre de fois, séquences pendant lesquelles on oublie totalement ou presque l’intrigue principale, qui revient au galop comme un cheveu sur la soupe entre deux séquences « mamours, famille et lycée », et qui elle se tiendrait sur en fait 100 pages et encore. L’idée d’incorporer des images du deuxième monde (ne me dites pas que je vous dévoile quoi que ce soit ici !) n’était pas bête, mais mal maîtrisée. D’ailleurs j’ai trouvé que beaucoup d’éléments de l’intrigue se voyaient à dix kilomètres, ou tombaient du ciel (mais pourquoi son demi-frère ? ça apporte quoi à l’histoire, franchement ??), du coup je n’ai pas plus véritablement adhéré au fil principal qu’aux histoires secondaires (lycée, en gros), j’ai survolé le tout sans jamais, ou très rarement, m’y immerger. J’ai véritablement eu l’impression de lire trois bouquins segmentés réunis en un seul, et ce n’était pas agréable parce que ce n’était pas du tout homogène. Néanmoins mis à part le côté lyrico-dramatique qui m’a franchement énervée tout le long je n’ai pas autant détesté les scènes « ados » que ça, il y avait quelques bonnes idées, des passages convaincants, j’aurais même presque pu m’attacher à l’héroïne de temps en temps… Je pense que les adeptes de ce genre de lecture qui aiment se plonger dans les ambiances de lycée pourraient s’y retrouver quelque part beaucoup mieux que ceux qui chercheraient avant tout à lire de la Fantasy.
 Au-delà d’un genre qui ne me plaît pas je n’ai vraiment pas trouvé que ce livre était bon, à l’exception de quelques détails seulement. Inutile de vous dire que je ne vais pas courir après le tome 2, que je ne pense tout simplement pas lire.

 

*Je vous jure, je n’y ai vu qu’un certain parallélisme qu’après l’avoir écrit. ^^ (Explication : Le premier chapitre du Hobbit est « Une réception inattendue » / Le premier chapitre du Seigneur des Anneaux : « Une réception depuis longtemps attendue ».) J’ai trop lu ces deux-là, j’ai une bonne partie des textes dans ma tête, il ressurgissent parfois.
** (c) J.N. Squire, 20/06/14  21:23. Je ne dis pas que je n’aurais pas osé.

 

Chroniques d’ailleurs :   La tête dans les livres, Lectures trollesques, Bazar de la littérature, Avides lectures

10 réflexions au sujet de « Lune Mauve, T.1 »

  1. Mauve-aise ! Elle n’est pas mal celle-là. En tout cas, contente de voir que tu aies survécu.
    Malgré tout, je dois t’avouer que tu ne me donnes pas du tout envie de le lire. Je sais, c’est dommage.

      • On a tous des livres avec lesquels on est particulièrement vache. Mais souvent, ça tient au fait qu’on est pas du tout le public visé … Ça reste dommage que ça ne t’ait pas fait rire, parfois quand ça ne plaît pas il y a au moins ça.

  2. Hahaha ta chronique m’a bien fait rire et tout est tellement vrai!! J’ai été plus indulgente que toi parce que je n’en attendais pas grand chose non plus, mais toutes ces choses, je les ai pensées! 🙂

  3. Tu sais, au début, j’ai rigolé, puis je me suis souvenu qu’on m’a offert ça. >_>;

    (Et je précise à quiconque me lira que j’ai fait ce jeu de mot sur le titre parce que je le pouvais et que je ne pensais pas vraiment à l’histoire)

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