115° vers l’épouvante

De Lazare Guillemot. Les Saisons de l’étrange, 2018. Aventure horrifique. Bonne lecture. [202 p.]

Co-édité avec les Moutons Électriques ; Saison 1

115-epouvanteRésumé : « Que s’est-il produit dans un lointain passé sur l’île de Skellig, au large de l’Irlande ? La manifestation d’une créature épouvantable, événement dont on trouve des traces sur une bonne partie du globe terrestre, selon une étrange diagonale de 115° qui, traversant l’Europe et l’Afrique, va se perdre quelque part dans l’Océan Indien. La chose terrifiante avait jadis été mise en échec. Or, en ce mois de mai 1925, elle s’est réveillée… et compte bien revendiquer le monde comme terrain de jeu ! Les seuls à savoir, les seuls qui, peut-être, parviendront à la contrer, sont au nombre de cinq : le Père Brown, un prêtre catholique britannique dont le hobby est la résolution de meurtres et mystères ; un jeune orphelin cornouaillais, Billy Babbridge ; ainsi que trois aventuriers américains, Hareton Ironcastle, sa fille Muriel et son neveu Sidney Guthrie. Ils se lanceront sur les traces des sectateurs de la chose et, au terme d’un périple qui les mènera au-dessus d’une faille océanique, à l’autre bout de la Terre, tenteront d’empêcher le monde de basculer dans l’horreur.« 

Les Saisons de l’étrange sont un label lancé très récemment par trois compères des Moutons, dont le déjà fameux Melchior Ascaride, qui a un très important pourcentage de leurs couvertures à son actif (celle-ci en fait partie) ! Ses complices ont pour noms Arthur Plissechamps et Vivian Amalric.

J’ai été conquise par leur présentation lors du crowfunding lancé il y a quelques mois, cela m’a donné très envie de découvrir, à travers ce renouveau moderne, une littérature à laquelle je ne m’étais que peu intéressée jusque là :

« Passionnés de séries B, de films Z, de pulps et de comics, avec les Saisons de l’étrange nous vous proposons une aventure littéraire pensée comme une série télé ou les issues d’un comics. Les Saisons de l’étrange : un Netflix littéraire, en quelque sorte. »

Je n’utilise pas Netflix ni aucun de ses concurrents, cette partie de la réclame est donc perdue sur moi ; cependant sans chercher à en lire j’ai déjà touché du doigt la littérature pulp ainsi que les récits d’aventures surnaturelles qui leur sont associés, même si j’ai plus lu de textes qui se tenaient sur le versant fantastique, comme Hodgson et son inspecteur Carnacki, ou certains textes de Bram Stocker, ou certains de Lovecraft – mais à moins que je ne raconte une grosse bêtise il me semble que ce sont des genres voisins, voire concomitants. Je suis en train de me demander dans quelle mesure on peut leur adjoindre des œuvres comme Indiana Jones ou la Momie ?

Donc, ce premier opus !

Le résumé nous annonce qu’il prend pour références majeures Chesterton, Lovecraft et Rosny Aîné – des trois je ne connais que Lovecraft ; le roman m’a donné sacrément envie de fourrer mon nez dans du Rosny Aîné (qui a écrit la Guerre du Feu + un nombre dingue d’autres trucs que je ne connais pas du tout), et en regardant sur Internet je lis que G. K. Chesterton a créé le personnage du Père Brown (présent dans 115°), qu’il a utilisé dans une série de romans policiers. Cependant il semblerait que son oeuvre soit très proche du catholicisme, dont il a longuement fait l’apologie, du coup je suis moins sûre de le lire un jour parce que je n’aime pas beaucoup ça.

Le texte démarre sur les chapeaux de roues avec le Père Brown et Billy, un jeune orphelin de Cornouailles qui lui sert de guide dans les contrées sauvages locales, qui se font attaquer par une espèce de crapaud géant de fumée. Les lecteurs attentifs noteront que toutes les références à Tsathoggua présentes dans le récit sont au départ à relier à Clark Ashton Smith, père de la créature, et non pas à Lovecraft qui a simplement repris le nom. N’ayant pas lu les textes originaux sur Tsathoggua, je suis plus ou moins incapable de vous dire ce qui relèverait de Lovecraft ou de Smith, à moins que l’on ait peut-être affaire à une reprise du Mythe de Cthulhu (création syncrétique principalement posthume au Maître de Providence et à ses amis écrivains).

Ils sont vite rejoints par le trio d’aventuriers de Rosny – Hareton Ironcastle, sa fille Muriel, et son neveu Sidney Guthrie, et vont ensuite se lancer tous ensemble dans une campagne de jdr à la chasse aux monstres. Énigmes, prophéties, artefacts, péripéties, ennemis collés aux basques, magie : j’ai trouvé à peu près tous les éléments auxquels je m’attendais, et peut-être un certain nombre que je n’attendais pas. L’ensemble est efficace à défaut d’être subtil, mais cela n’entrait pas dans mes attentes considérant la présentation de la collection. Cela n’empêche pas quelques réflexions pleines de cohérence ou de réalisme de temps en temps – tout n’est pas toujours évident, il y a un quota de difficultés ou de questionnements qui m’a paru acceptable, malgré les raccourcis je crois inhérents au genre qui restent présents, et quelques facilités scénaristiques malgré tout. J’ai aussi noté quelques maladresses ou hésitations de style qui m’ont fait me demander s’il s’agissait d’un premier roman – et il semble que oui, mais c’est loin d’être catastrophique ! On s’amusera des nombreuses références aux cultures anglaises, françaises et américaines (on les trouvera un peu lourdes parfois aussi), à d’autres œuvres littéraires, ou de la présence d’un personnage curieusement nommé Melchior Meredith entre autres swahili, grec ancien ou vocabulaire technique et nautique quand il ne part pas en échappées lyriques.

Aux glouglous sourds de l’eau canalisée dans le creux des brèches, des craquelures, puis ruisselant tout autour en grêles cascatelles, se mêlait le crépitement de l’ondée sur l’herbe et les buissons.  ~ p. 35

Ils commandèrent trois ales, durent expliquer au loufiat suspicieux ce dont il s’agissait, gouttèrent (sic) ce qu’on leur servit, décrétèrent que ces étranges créatures, les Français,  étaient sans doute des cuisiniers incomparables, mais de fichus ostrogoths dès lors qu’il s’agissait de brasser de la bière.  ~ p. 140

Si l’originalité manque certainement un peu, c’est souvent le souci avec les reprises ou les pastiches me direz-vous, je ne me suis pas ennuyée du tout et j’ai tout à fait tiré distraction de ma lecture, m’arrêtant ici et là sur des descriptions que je trouvais particulièrement réussies, souriant parfois lorsque certaines scènes me paraissaient un peu tirées par les cheveux, ou happée dans ma lecture lorsque des nouveaux éléments se dévoilaient. Seule manquait peut-être un peu l’émotion, mais là encore compte tenu du genre, de mes attentes et de la longueur du livre, peut-être était-il difficile que je m’attache tout court aux personnages et à leurs déboires, donc je ne me considère pas comme déçue.

Une bonne pioche pour un premier roman qui reprend beaucoup de clichés de genre dans une aventure épique tout à fait sympathique.

Pour acheter ce titre, ou plus d’informations sur le site de l’éditeur, c’est par ici.

4 réflexions au sujet de « 115° vers l’épouvante »

  1. Ping : 115° vers l’épouvante-Lazare Guillemot – Au pays des Cave Trolls

  2. Je ne connaissais pas du tout mais ça a l’air plutôt sympathique et ça pourrait me plaire 🙂 (même si je regarde Netflix, j’avoue que la partie « Netflix littéraire » me laisse un peu perplexe et j’ai du mal à imaginer…)

    • C’est pas prise de tête, ça se lit bien et y’a de la chasse aux monstres ^^ Je crois que ce qu’ils voulaient dire par là c’est qu’ils vont sortir des livres comme des « épisodes » sur le thème des pulps. Je viens d’ailleurs de recevoir la suite : non pas un mais trois livres d’un coup ! (des petits) :O

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