La Gladiatrice

De Marion Zimmer Bradley. Pocket SF, 1998. Fantasy. Bizarre. [159 p.]

Titre original : Warrior Woman, 1985 ; trad. par Simone Hilling.

Couverture : Wojtek Siudmak.

gladiatriceRésumé : « Des éclairs dans la tête. Des rêves…ou des visions. Une torpeur éternelle. Elle est prisonnière et entravée. On la transporte à travers le désert. Au terme du voyage, elle est vendue comme esclave, et, arrivée sur son lieu de travail, elle comprend qu’on s’apprête à faire d’elle une prostituée. Dans un réflexe, elle saisit une épée… Mais son lieu de travail est un camp de gladiateurs, et le commandant voit bien qu’elle est entraînée au maniement des armes. C’est une professionnelle, une femme de guerre. Pourquoi pas une gladiatrice? Elle n’en sait rien. Elle n’a aucun souvenir de son passé.« 

J’ai acheté ce livre en occasion, ou on me l’a donné, je ne sais plus, un peu par hasard. Au final, même si je ne peux pas dire ni que ce soit une mauvaise lecture ni que je me sois particulièrement ennuyée, je ressors un peu perplexe.

Au départ j’ai un peu craqué dessus parce que Pocket SF. Pocket SF c’est la première version du Seigneur des Anneaux que j’ai lue, mon premier roman Fantasy de « grande », avec ces illustrations étranges et fascinantes (je suis à deux doigts de me retrouver cette édition et traduction juste pour l’aspect des livres), ce début de texte en gros sur la couverture qui t’invite à ouvrir le livre pour lire la suite, ce gris métallique « vaisseau spatial » (ceci est une analogie personnelle qui n’inclut en rien le lecteur). Bon, Pocket SF c’est aussi une reliure toute relative qui laisse choir ses pages à la deuxième relecture, ce qui t’oblige 1. à faire du puzzle, ce que j’aime mais pas trop avec les livres, 2. à soit scotcher les pages, mais quand t’en as 40 qui se sont fait la malle (vécu) c’est pas bien pratique, ou bien les serrer très fort contre les autres quand tu lis, ou carrément les retirer du livre pour les y ranger après. Bref, toute une organisation éventuelle, et ça fait des souvenirs. Je ne sais pas si les nouvelles éditions souffrent toujours de ce défaut. On pourrait dire que le prix ne peut permettre une qualité parfaite, et qu’au moins le fond est souvent bon.

Malgré cela, je continue à me ruer sur les Pocket SF quand j’en croise.

Ensuite, Zimmer Bradley. Une Grande Dame de Fantasy, un grand nom qui en impose, que j’ai lu il y a trèèès longtemps quand je cherchais à lire un peu de romance (si, si, j’ai eu ma période, fût-elle brève !) et que je suis tombée sur son cycle arthurien. Je me souviens d’une sensualité, d’un certain féminisme, d’une bonne plume, même si ça n’a pas été un coup de cœur non plus. J’avais, et ai toujours, envie de découvrir d’autres livres de cette auteur prolifique. Malheureusement, tout récemment, et à titre posthume, elle a aussi été accusée de maltraitance et de complicité de viol par ses enfants (son mari a été condamné), et ça c’est moche. Avec Lovecraft et Simmons, au moins, je devrais avoir de quoi, un jour, si j’en ai envie, écrire un article sur la face sombre de ces auteurs que nous aimons pourtant tellement (enfin en fait Bradley pas trop, à titre personnel)(mais vous avez compris le principe).

Bref qu’en est-il de ce livre ? Eh bien j’ai retrouvé une bonne plume dans l’ensemble, car « MZB » reste un écrivain agréable à lire quoi qu’il en soit, c’est plutôt poétique et délicat, et effectivement assez sensuel sans tomber ni dans le cru ni dans le vulgaire malgré de nombreuses scènes qui pourraient le présager. Cependant, et pendant que j’y suis je vais embrayer sur un premier point qui m’a dérangée : j’ai trouvé qu’il y en avait un peu beaucoup, de ces scènes. Je veux dire, et d’une on a l’impression que nous relater les coucheries des uns avec les autres constitue en soi un but au récit (alors que le résumé et l’amorce de l’intrigue nous annoncent tout autre chose) ; et de deux quasiment toutes les femmes que l’on croise vont avoir à une page ou une autre envie de se sauter dessus – je suis désolée mais défendre le bouquin en parlant de féminisme, à ce niveau je trouve ça un peu tiré par les cheveux – et en plus l’héroïne fait preuve de la même libido (exclusivement, ou presque) homosexuelle que les autres, à se demande d’ailleurs comment font les humains pour se reproduire dans ce monde, sauf qu’elle s’est fait violer au début de l’histoire, et l’auteure nous explique longuement que la pauvre est désormais traumatisée par tout ce qui porte la culotte (jusque là je veux bien admettre), et va donc se réfugier dans les bras des douces femelles… –‘ mais genre toutes celles qui vont croiser son chemin et avoir envie de la toucher, hein. Là encore on part avec des prises de position que j’aurais pu tout à fait accepter et apprécier, mais on tombe tellement dans l’excès et le manque de rationalité qu’au bout d’un moment se pose la question : pourquoi ? et malheureusement rien n’apporte vraiment de réponse, car cela ne sert même pas vraiment l’intrigue. Heureusement que c’est bien écrit et que l’auteure alterne avec quelques péripéties et autres fils narratifs.

De plus le fait que les rares hommes présents soient présentés uniquement comme des reproducteurs et/ou des guerriers m’a plus mise mal à l’aise qu’autre chose. Je pense que le concept aurait pu être exploité, mais différemment. D’ailleurs les hommes sont rares, tout court, dans ce monde où on nous montre principalement des personnages féminins forts, sauf qu’on apprend tout de même qu’ils ont des positions fortes dans la société, et qu’un certain patriarcat existe tout de même, même si pas partout, mais il se voit plus ou moins selon les chapitres. Pas toujours très cohérent alors que le monde et le nombre de pages sont assez limités, ce qui est franchement dommage. J’ai bien senti que l’auteure souhaitait nous montrer des femmes badass, des qui en ont et qui savent ce qu’elles veulent, mais on tombe très vite dans des stéréotypes et des extrêmes (par exemple des hommes qui eux sont quasiment réifiés, ou des héroïnes à qui tout réussit, sans parler des caractères et descriptions des demoiselles), et du coup le soufflé retombe.

Dans le même esprit l’héroïne, Zadiyek, entame son récit en expliquant au lecteur qu’elle ne se souvient plus de sa vie d’avant et qu’elle souhaite récupérer ses souvenirs et sa cohérence du monde… mais là encore selon les pages cela est plus ou moins prégnant ; parfois on a l’impression qu’elle a oublié qu’elle recherchait son identité, de manière plus ou moins soudaine. La seule chose que j’ai trouvée vraiment sympa dans l’intrigue c’est de comprendre petit à petit où l’auteur nous amène, au fil de ses aventures, découvertes, et rencontres… mais là encore j’ai trouvé la fin trop excessive dans sa position, un poil trop brutale, et trop « nette » : bon, bah voilà, et puis c’est tout. Pas de remise en question de rien, pas de réelle conclusion qui pourrait justifier la bonne centaine de pages écoulées, elle va juste pouvoir reprendre sa vie et tout oublier.

Un récit de Fantasy de plutôt bonne qualité littéraire, mais qui souffre d’idées certes originales mais traitées de manière maladroite et pas toujours cohérente. Peut-être suis-je passée à côté de quelque chose… A vous de voir, au moins c’est rapide à lire.

Une réflexion au sujet de « La Gladiatrice »

  1. En tout cas c’est une auteure que j’aimerais bien découvrir malgré ce que tu dis sur sa vie perso (je ne savais pas du tout!). Et je suis complètement preneuse d’un article sur la face sombre des auteurs que nous aimons, ça serait super intéressant 🙂

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