I Am Legend

De Richard Matheson. Orion Books, 1999. SF. Bonne lecture. [160 p.]

1ère édition : 1954

Titre VF : Je suis une légende, 1955 (Denoël)

iamlegendRésumé : « Robert Neville is the last living man on Earth… but he is not alone. Every other man, woman and child on the planet has become a vampire, and they are hungry for Neville’s blood. By day he is the hunter, stalking the undead through the ruins of civilisation. By night, he barricades himself in his home and prays for the dawn. How long can one man survive like this?« 

 Neville a pas mal de soucis dans sa vie : il a perdu sa femme et sa fille, il est seul dans une fichue bourgade désertée comme le reste des États-Unis, et en plus il doit repousser jour après jour les saletés qui ont entraîné tout le reste : des vampires.

Ce combat quotidien consiste à récolter de l’ail, beaucoup d’ail, jusqu’à ne plus sentir autre chose ; rafistoler ses barricades de fortune qui cloisonnent sa maison (en y ajoutant de l’ail bien entendu) ; réparer ce qui a pu être cassé ou abimé par ces rustres de buveurs de sang, et en dégommer un ou deux en passant si l’occasion se présente. Une fois toutes ces tâches finies Neville peut s’adonner à la rapine, toujours plus loin en quête de nourriture et de choses utiles à sa survie, ou rentrer chez lui et se saouler en repensant à ce qu’il a perdu et ne regagnera probablement pas, et surtout être à l’abri pour la nuit.

C’est un monde post-apo classique mais un héros assez particulier que nous présente Matheson : en effet loin des héros en quête de vérité ou en quête tout court, ou même des héros tout court, Robert Neville est un type lambda, avec ses psychoses et ses obsessions (qui soit dit en passant m’ont parfois un peu agacée… sexisme primaire ? en tous cas le choix de l’auteur ne m’a pas plu et le côté obsessionnel et malsain m’a franchement mise mal à l’aise), et surtout il est dans une position de siège. Le lecteur ne suit pas les péripéties d’un chasseur de vampires aguerri et déterminé mais bien le lent, morne et répétitif quotidien d’un citoyen ordinaire avec des moyens ordinaires, qui jour après jour refait sans cesse les mêmes choses, ou peu s’en faut, tout en se ressassant son passé puisqu’il vit toujours au même endroit, et est donc partagé entre les souvenirs de son foyer et ceux de l’extérieur, tout en essayant de ne pas trop perdre la boule. Le protagoniste est donc immobile, si l’on exclut ses quelques escapades, pendant une grande partie du texte, et l’action assez limitée. J’ai tout de même bien apprécié suivre ces petits gestes « de tous les jours », qui ont souvent des aspects absurdes voire carrément drôles. Neville n’est pas un personnage à qui j’ai réussi à m’attacher, malheureusement, mais cela ne m’a pas empêché d’apprécier ma lecture.

He stayed drunk for two days and planned on staying drunk till the end of time or the world’s whisky supply, whichever came first.

Le traitement de la figure du vampire est j’ai trouvé plutôt originale : humains mutants, ils sont partagés entre une figure et quelques souvenirs humains et une bestialité sans mesure, et surtout on ne sait pas d’où ils viennent, et on s’interroge – enfin Neville, bien qu’il ne soit pas un intellectuel a priori, s’interroge sur le phénomène, plus pour meubler son temps que par réelle conviction de trouver quelque chose d’utile. Petit à petit une seconde motivation vient s’ajouter à la première, et cette recherche de la vérité apparaît comme quelque chose de quasiment spirituel : il faut qu’il sache pourquoi, comment, sa femme, ses amis, ses voisins se sont transformés en monstres sanguinaires qu’il a du, parfois, tuer lui-même.

That was what the situation had been. Something black and of the night had come crawling out of the Middle Ages. Something with no framework and no credulity, something that had been consigned, fact and figure, to the pages of imaginative literature.

On arrive donc assez rapidement à une double focalisation entre les pensées du personnage et ses actions physiques / ses objectifs du moment, et j’ai trouvé cela intéressant. Ses recherches dans la littérature classique, ses références à la culture populaire, ses tentatives désespérées de chercher la trace d’un virus vampirique, ses expériences maison avec de l’ail, de la lumière, des crucifix, sont autant d’essais qui je trouve tiraillent le lecteur entre pitié et encouragement : comme je le soulignais plus haut Neville est plus un homme d’action qu’un analyste ou scientifique, et il doit faire ses classes à la dure, il tâtonne, il cherche parfois n’importe où n’importe comment ; mais on ressent aussi qu’au-delà d’une certaine incompétence ou du moins une méconnaissance de beaucoup de domaines c’est un homme qui cherche frénétiquement une raison de vivre à travers une explication rationnelle de son univers qui a soudainement foutu le camp dans les grandes largeurs. C’est j’ai trouvé un des points les plus forts du livre, et les plus significatifs car la conclusion de la novella arrivera directement dans le prolongement de ce concept, ainsi que l’explication du titre : qui sont ces êtres nouveaux et indésirables ? J’ai d’ailleurs été un peu partagée quant à la conclusion : si elle ne m’a pas vraiment plu je comprends l’objectif de l’auteur, et si cela arrive un peu précipitamment à la fin ça reste cohérent.

Un petit mot sur la forme : Neville use d’un langage peu châtié mais Matheson a plutôt un bon vocabulaire ; par conséquent j’ai plutôt trouvé mon compte de qualité littéraire et de style personnel dans ce texte.

Je n’ai toujours pas vu le film avec Will Smith, même si j’ai été prévenue qu’il était très différent du livre (déjà Will Smith ne correspond en rien à la description de Neville mis à part que c’est un homme ! :D) – et on m’a aussi dit chut je ne te dirai pas ce que sont les créatures donc j’imagine que dans le film le secret est gardé sauf que dans le livre le mot est lâché au bout de deux pages, donc je ne m’excuserai pour aucun spoiler !

Un classique qui m’a convaincue du bien-fondé de son écriture à défaut de me passionner totalement, et auquel je reconnais pas mal de qualités. Également un passage d’intérêt sur le chemin de la littérature vampirique.

Chroniques d’ailleurs : La Bibliothèque d’Aelinel

3 réflexions au sujet de « I Am Legend »

  1. J’ai « écouté » cette histoire. J’ai bien aimé découvrir ce roman et le traitement du vampire. Mais j’avoue que j’ai trouvé l’intrigue assez légère en contenu (et puis j’ai beaucoup aimé voire préféré l’adaptation cinématographique) (mais il parait que c’est mal vu de dire ça)

  2. C’est classique de la littérature de SF. La fin est totalement passionnante et fait beaucoup réfléchir. Du coup, le film ne garde pas du tout l’esprit du livre. On pourrait d’ailleurs plutôt dire que le film est « inspiré de ». Si on arrête de le comparer sans cesse au bouquin, c’est un divertissement honorable (avec de superbes images de New York abandonnée où la nature a repris ses droits).

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