Les Enquêtes d’Hector Krine, T.3

De Stéphane Tamaillon. 2012. S-F / historique jeunesse. Mauvais, et ne m’a même pas divertie.
krine3Résumé : « Hector Krine après la mort de son fils peine à reprendre le fil de sa vie. Une nouvelle enquête va pourtant le mener à la poursuite de celui qui pourrait bien être Jack l’éventreur. Aidé de son ami Jekyll et en compagnie de Rudyard Kipling lui-même il suit la piste d’un savant fou, le docteur Moreau, dont les travaux monstrueux ont repris clandestinement à Londres. Un peuple entier de mutants est en train d’envahir les bas-fonds de la cité. Il faudra beaucoup d’expérience et de chance à Krine pour se sortir de cette affaire dont le dénouement lui réservera une grosse surprise*. »
Je viens aujourd’hui d’atteindre mes limites de patience et de tolérance en ce qui concerne cette série. Je m’arrête donc page 197, victime d’un agacement sans bornes – de toutes façons plus j’ai plus ou moins perdu le fil, et franchement je me contrefiche de savoir ce qui se passera plus tard dans l’histoire tant le début n’a que peu d’intérêt.
Cela fait déjà deux critiques au cours desquelles j’ai le plaisir (mauvais) de vous expliquer en quoi je trouve cet auteur mauvais. J’ai malheureusement quelques anecdotes et détails supplémentaires à y ajouter :

– Au tout début du livre, entre deux chapitres qui n’ont rien à voir d’ailleurs, je retrouve une page complète de L’Ile du docteur Moreau, que je viens de lire. Pas de bol pour l’auteur, c’est suffisamment frais pour que je voie clairement la paraphrase du texte original, et en aucun cas une reprise du thème par Sieur Tamaillon – dont le style personnel se fait clairement sentir par exemple dans les passages centrés sur Krine ; donc la différence est claire, et, à mon sens, proche de l’inexcusable.
– Je continue sur la reprise du roman de H.G. Wells (oui car comme ile st court et que Tamaillon pompe exagérément, à la moitié du livre y’a déjà presque tout qui y est passé : M’ling, Montgomery, Moreau, les hybrides, et je passe sur les détails narratifs) : en même temps qu’il fait ce que je suis contrainte d’appeler du calque, ce qui pourrait dans le cas d’une étude plus sérieuse servir un but narratif de parallélisme ou je ne sais quoi, l’auteur amène des choses totalement incohérentes non seulement avec le roman de Wells, mais avec sa propre reprise : Prendick est vétérinaire, mais choqué de son voyage/aventure, sauf qu’il veut garder son job au zoo, et faire des expériences, lui qui est totalement contre chez Wells et qui même ici n’avait pas l’air d’accord. Mais oui, mais oui. Même chose avec Montgomery, j’ai renoncé à essayer de comprendre. Je ne suis pas arrivée au bout mais je pense savoir qui est ce ***mystérieux*** « Maître des hybrides ».
– Krine trouve une dent, une canine. Jusque là, pourquoi pas. Mais attention : c’est une canine « tranchante comme un rasoir ». Je ne suis pas dentiste mais il me semblait que c’était les incisives qui servaient à couper, chez toutes les espèces connues vivantes ou disparues. Les canines servent à perforer**. Mais bon, ce détail est presque secondaire parce que la seconde (ligne) d’après intervient Kipling, en costume colonial (bah oui il est au zoo de Londres, mais en tant que colonialiste il faut bien qu’il ai son costume, nan ?? Sinon on peut pas savoir qu’il est colonialiste… Bref notre « écrivain » (Tamaillon semble totalement occulter le fait que Kipling ait fait bien d’autres choses dans sa vie lors des reprises anaphoriques, puisqu’il reste « l’écrivain » au moins jusqu’à la page 197) arrive par derrière, et déclare de but en blanc que c’est une dent de panthère, oui M’sieur, j’en ai étudié toute ma vie et je peux vous dire en deux sec. sans manipuler l’objet qu’il est évident que c’est une canine droite de panthère d’Inde. Fortiche, l’écrivain. Pas d’hésitation, pas de « félin », non, non, il est tout à fait sûr de lui. C’est qu’il en a édenté, des panthères !
Et ça continue… Krine est tantôt un soûlard dépressif qui ne pense qu’à Matthew son cher fils mort alors qu’il venait à peine de le retrouver, qu’il n’a pas vécu avec lui pendant son enfance, qu’il ne s’est jamais préoccupé de son existence et qui ne s’entendait même pas si bien avec lui ; puis la seconde d’après il est en forme, il enquête, il trouve des trucs super détaillés, tout en passant à côté de choses évidentes… Pareil pour ses potes ; en fait je dirais que les méchants, tout stéréotypés qu’ils soient (les vrais méchants, les grands) sont quelques part les personnages les plus cohérents de toute la série.
Le côté références, même si le concept me plaît, est je trouve horriblement mal amené : l’auteur nous bassine d’un ton docte avec des tas d’informations réelles dans la trame narrative, pour ensuite prendre des libertés énormes avec les personnes ou personnages qui ne sont pas de lui. Je préfèrerais qu’il allège le côté « réel » si jamais il veut en faire tout autre chose, ou au moins qu’il manipule vraiment ces personnages – car une fois sur deux il ne les développe pas ! Mais quel est donc son but ? Informer, désinformer ? En tout cas il m’agace prodigieusement à ne pas savoir sur quel pied danser. C’est dans ces moments que je m’interroge sur la différence entre hommage et plagiat. Part de l’auteur autrement que comme un artiste de patchwork ? 10% ? 20% ? Roman jeunesse ou pas, je sors de ma lecture en ayant la très nette impression que l’auteur nous fait passer des vessies pour des lanternes, et je déteste ça.
Les bons points (objectivement trouvables) :
Le côté « aventure et péripéties » en a pris un coup sur ce troisième tome, déjà parce qu’une énorme partie du livre n’appartient pas à Tamaillon mais à d’autres écrivains, ce qui n’apporte rien étant donné que l’auteur est l’un des pires que j’ai lu tentant cet exercice. Du coup j’ai repéré quelques pages mettant réellement Krine en scène, mais c’est beaucoup trop peu. Pour la première fois de la série, je me suis ennuyée. Peut-être que ça gênera moins d’autres lecteurs qui n’auraient pas, à mon contraire, lu à la fois le Livre de la jungle ET L’Ile du docteur Moreau (et d’autres livres dont je n’ai pas parlés car ils étaient secondaires dans l’ouvrage par rapport à ces deux-là).
Le côté documentaire : régulièrement, en plein milieu du récit (mauvais point pour la subtilité d’insertion, d’ailleurs), l’auteur s’amuse à nous délivrer des informations sur l’environnement, les personnages, l’histoire de Londres. Cela reste pour moi une force de cette série. Dommage que tout le reste se soit progressivement effondré, ou n’ai pas progressé.
Une série qui avait des bons points de départ, mais qui gagnerait énormément à être retravaillé sur sa cohérence et son rythme dans de très nombreux passages.
NB : L’auteur est apparemment proche de l’écrivain Christophe Lambert, autre maître incontesté du grand n’importe quoi contemporain jeunesse (à mon humble avis, et d’après mon panel de lectures). Cela explique des choses!… Ceci dit, si vous êtes fans de Lambert, vous apprécierez peut-être Tamaillon à sa « juste valeur ».
* Je suis pas allée au bout mais je suis prête à parier que son fils n’est pas mort, selon la logique évidente des intrigues…
** Si quelqu’un peut m’apporter la preuve que c’est moi qui ai tort, sur ce point ou d’autres, je suis preneuse.

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