Führer prime time

De Johan Heliot*. Éditions du Rocher, 2005. Novella SF. Bonne lecture. [119 p.]

*de son vrai nom Stéphane Boillot-Cousin. (Oui je suis comme ça, je dénonce)

 

fuhrerprimetimeRésumé : « Élixir ADN, l’émission phare de la chaîne NEVERSTOP, est régulièrement suivie par des milliards de téléspectateurs, partout sur la planète. Sa présentatrice, Shakira Miuy, a trouvé la recette du talk-show idéal, qui oppose sur les questions les plus diverses des Avatars historiques, en langage moins politiquement correct : des zombots. A savoir, les clones reconstitués des personnages les plus connus du XX° siècle, propriétés des États où reposent leurs corps et qui les louent aux riches médias pour renflouer leurs caisses vides. Ainsi le King, Elvis en personne, débat-il ce soir-là avec un certain Adolf Hitler… Tout aurait pu se passer normalement si un mystérieux commando terroriste, le Front de libération des avatars historiques, n’avait donné l’assaut des studios et enlevé le zombot d’Hitler. Cusco, l’assistant particulier de Shakira, va voir son existence basculer suite à ce rapt inédit, et plonger au cœur d’une machination où s’affrontent l’intérêt des vieilles nations et celui, bien entendu,du Citizen Kane de l’époque, Georges Bauer. Autant dire qu’éthique et déontologie sont des termes oubliés depuis belle lurette…« 

Bienvenue dans un futur un peu barré, qui ressemble fortement au monde d’aujourd’hui en juste un petit peu plus développé : l’Europe forme à présent un conglomérat géo-politique avec l’Asie, les émissions de télé-poubelle marchent toujours aussi fort, et pour faire tourner ces dernières mon premier (et le reste du monde) louent aux grandes chaînes de médias des clones reconstitués de personnalités (historiques, politiques, culturelles ou autres) afin d’organiser des interviews ou rencontres diffusées en direct.

Un truc bête m’a dérangée, ce sont les noms : Shakira m’a fait penser tout du long à la chanteuse, je voyais Cusco comme le lama/empereur de Disney (malgré une orthographe différente), et Georges Bauer me rappelle trop Jack Bauer. Peut-être était-ce une volonté de la part de l’auteur, peut-être n’étais-je pas dans les meilleures dispositions pour lire ce livre actuellement (mon cerveau surchaufferait-il dans les transports en commun ?), et sûrement le peu de développement de chaque personnage ainsi que la forme brève du texte ne m’ont pas aidé à dépasser ce cap.

Je dois dire aussi que si ma lecture a été intéressante, entre l’idée des zombots et le discours à la fois sur l’éthique, la folie de l’audience des médias et quelques aspects politiques, je ne ressors pas enchantée non plus : l’univers des médias, en particulier de la télévision, n’est pas quelque chose qui me fait trop rêver, et suivre une présentatrice et son assistant ne m’intéressait pas plus que ça. De plus je n’ai pas eu non plus l’impression d’apprendre tant de choses que ça, Heliot semblant plus se focaliser sur la superficialité de Shakira, le culte de l’apparence de tout le monde, la tension et le stress que ressent Cusco.

Je dois dire que l’auteur m’a fait ressentir un certain malaise à plusieurs reprises, et je pense que c’était voulu. Si la narration générale n’a pas eu d’effet très positif sur moi elle a toutefois eu un minimum d’effet tout court, donc je ne peux pas non plus simplement dire que ce livre m’a laissée de marbre.

Je connais ce type. Un visage familier depuis l’enfance et les premières heures passées devant la télé, un voisin cathodique aperçu à l’occasion mais avec qui on ne noue aucune relation intime, juste « bonjour, bonsoir »… ~ p.71

Je n’ai pas eu non plus de coup de cœur ou de sympathie pour beaucoup de personnages – à l’exception du pauvre clone d’Hitler qui n’avait rien demandé à personne et se retrouve pris en otage à plein de niveaux (réel / dans l’émission / au niveau politico-légal). Là aussi je ne sais pas s’il s’agit uniquement de mon ressenti personnel ou si l’auteur a dosé ses personnages et situations pour que le lecteur puisse se dire qu’en fait de toute l’intrigue (le clone d’)Hitler apparaît comme le personnage le plus humain. Peut-être. Il rappelle de plus à plusieurs reprises qu’il n’est qu’une pâle copie et que son caractère ni ses convictions ne reflètent ceux de son original, et dans ses paroles et actions m’a paru nettement plus sympathique, plus sain à vrai dire que la cohorte d’individus corrompus et assoiffés de notoriété, ou asservis et abrutis, qui défilent autour de son enlèvement.

Si le monde des médias vs les politiciens est traité avec pas mal de détails qui je trouve le rendent plutôt crédible j’ai en revanche un peu regretté les séquences assaut/enlèvement qui regorgeaient de clichés et d’enchaînement de scènes auxquelles je n’ai pas trouvé beaucoup d’intérêt. Là encore je ne sais pas trop s’il s’agissait pour Johan Heliot de créer une sorte de pastiche de scènes d’action. En tous cas j’ai trouvé que c’était un peu trop ridicule à certains moments.

Cependant si je n’ai pas été sensible à toutes les ficelles que semblaient manœuvrer l’auteur il m’a quand même bien fait rire à plusieurs moments, comme le choix de l’otage zombot basé sur le poids (le Führer = crevette à côté du King)

Juste assez déjanté pour que ça marche, mais un poil trop pour que j’accroche totalement.

6 réflexions au sujet de « Führer prime time »

    • Moi ça dépend complètement du livre et de l’auteur, j’ai déjà eu des coups de cœur sur du déjanté, et aussi des déceptions. J’avais lu d’autres Johan Heliot (une série jeunesse, mais je ne suis plus sûre de laquelle), c’était pas mal, et beaucoup plus classique dans la forme 🙂

    • Silverberg est un auteur que je voudrais lire, je me demande même si une amie ne m’avait pas donné un de ses livres !… (je n’ai pas de fichier de ma bibliothèque). Ce titre me dit également quelque chose, j’ai déjà croisé cette référence.

    • Je comprends. 🙂 On m’a plus ou moins mis le bouquin dans les mains pour « voir ce que j’en pensais » mais de moi-même je n’aurai pas été vers ce titre non plus (et cette épouvantable couverture jaune pétant !!). Ceci dit je ne regrette pas ma lecture non plus.

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