La Volonté du Dragon

De Lionel Davoust. Critic, 2010. Fantasy. Excellente lecture. [165 p.]

Illustrations : couverture Cyrielle Alaphilippe, intérieures Frédéric Navez

lavolontedudragonRésumé : « Une reine dont les yeux émeraude lisent l’avenir… Un enfant-roi, passablement fou, gardien d’un savoir oublié… Du déroulement de leur partie d’échecs pourrait bien se décider l’issue de la guerre… Entre les derniers royaumes libres et les forces d’invasion de l’Empire d’Asreth se dresse l’imprenable Qhmarr, petit pays à peine sorti de l’ère médiévale. Gouverné par un roi trop jeune et un conseiller trop confiant, il ne devrait représenter dans le plan de conquête de l’Empire qu’une note de bas de page. Et alors que le généralissime D’eolus Vasteth s’emploie à négocier les modalités d’une reddition diplomatique, déjà, aux portes de la capitale, se presse l’implacable armada… La conclusion du conflit ne fait aucun doute. D’une manière ou d’une autre, Qhmarr passera sous pavillon asrien. Pourtant, malgré la défaite annoncée, Vasteth découvre des dirigeants qhmarri inflexibles, prêts à confier le destin de leur nation à d’absurdes croyances ancestrales. À travers le défi lancé par l’enfant-roi, ce sont toutes les certitudes du généralissime qui vont se voir ébranlées, tandis que, sur la mer, les soldats meurent, simples pions sur un échiquier qui les dépasse…« 

Il y a des chroniques qui me hantent et me démangent en même temps, que je repousse tout en bavant à l’idée de les écrire, et celle-ci en fait partie. J’ai tellement de choses à raconter, à exprimer sur ces malheureuses 160 pages que je ne sais pas trop par quoi commencer.

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Les Légendes noires

De Sophie Lamoureux. Casterman, 2014. Documentaire jeunesse. Très bonne lecture. [96 p.]
Sous-titre : Anthologie des personnages détestés de l’Histoire
Illustrations de Virginie Berthemet.
Mise en page 1Résumé : « Nous sommes tous plus ou moins familiers des grands héros de l’Histoire, mais que dire des autres : les fous, les traitres, les tyrans, les criminels, les dictateurs, massacreurs, salauds et horribles…? Les Légendes Noires nous invitent à rencontrer ces personnages abominables, méprisés, détestés ou violemment controversés, qui ont souvent horrifié leurs contemporains mais n’en ont pas moins joué, en leur temps, un rôle marquant sur le plan historique. Nécessaire, utile et édifiant.« 

 

Je remercie les éditions Casterman – Flammarion de m’avoir envoyé ce livre.
Lecture en commun avec Gaby de La biblio de Gaby

 

Très belle découverte que cet ouvrage : beau et intéressant !
Quelques vues de l’objet-livre, avec en gros plan les magnifiques illustrations de Virginie Berthemet, qui a choisi des tons rouge et noir et des images décalées bien que percutantes pour faire un parallèle avec le texte et le sujet, formant un tout assez particulier mais qui m’a beaucoup plu dès le premier coup d’œil :
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Le dos du livre – Le cardinal de Richelieu – La fiche de Cortés – Un aperçu du sommaire

A ce propos j’ai aussi noté l’utilisation de l’image de l’hydre – coupez-lui une tête il en repoussera deux – pour l’image de couverture : je trouve l’allusion très pertinente car il a de tout temps existé de grands hommes (et des femmes) très controversés ou bien considérés comme dangereux, des tyrans ou des mégalomanes assoiffés de sang. De même chaque caricature de Virginie Berthemet choisit une focalisation adaptée à chaque personnage, qu’elle soit justifiée ou stéréotypée, jouant sur l’imagerie populaire aussi bien que sur une Histoire plus factuelle : la fresque ainsi créée fait sourire, et aussi un peu grincer des dents.
Le choix du grand format est intéressant : on le lit comme une BD mais ce n’est pas de la fiction, on a des dessins humoristiques mais des noms qui font moins rire, et des taches d’encre un peu partout comme si on s’était empressé de raconter tout ceci, à la va-vite, dans la pénombre, sans possibilité de retour en arrière. Le papier est excellent et l’impression impeccable. J’ai simplement relevé une coquille, un mot manquant, dans la fiche de Robespierre.
L’idée des fiches biographiques en deux pages découle, j’en suis sûre, d’une volonté de synthèse pour amener l’Histoire aux (jeunes) lecteurs sans leur imposer de trop longues explications. Cela fonctionne très bien avec beaucoup de biographies, mais pas toutes. En effet, j’ai eu plusieurs fois une impression de trop-plein, comme si l’auteur voulait en mettre un maximum sur deux pages, alors que ce n’était tout simplement pas possible. Quelques explications sont proches de l’incompréhensible lorsque l’on n’a pas les clés, qu’on ne connait pas les personnages ou le contexte, et/ou souffrent d’une synthèse un peu embrouillée. Néanmoins il s’agit d’un phénomène qui m’a gênée ici et là, pas une impression générale du texte.
Je comprends et j’admets beaucoup mieux, par contre, qu’une certaine focalisation « classique » soit parfois choisie au détriment d’autres points de vue ou d’à-côtés vis-à-vis de certaines figures, je pense entre autres à Machiavel ou à Hitler : deux pages c’est très court lorsque les contextes sont complexes ou que beaucoup d’influences sont à prendre en compte, et j’ai remarqué que Sophie Lamoureux essayait malgré tout de finir sur une objectivisation lorsqu’il y avait matière à le faire, de poser des doutes ou d’amorcer des courants de réflexion en cours de route. J’aurais peut-être apprécié que ce soit parfois un peu moins subtil, je ne suis pas sûre que ce soit évident aux yeux de tous les lecteurs. Je ne parle pas forcément de justifier ces personnages, mais simplement d’étoffer un peu la manière dont on les a perçus, à leur époque ou à la nôtre, ou l’image qu’ils avaient construit d’eux-mêmes, pour sortir un peu plus clairement de certains stéréotypes de masse (par exemple nulle mention de la situation politique générale de l’Italie à l’époque de Machiavel, pas de rappel que Pétain n’a pas été nommé Ministre par hasard…). J’ai trouvé que les premières fiches souffraient moins de ce défaut, exploraient plus les personnalités. C’est quelque chose que j’ai plutôt ressenti à l’approche de l’époque moderne et contemporaine.
Le contenu global du livre m’a tout de même intéressée et appris beaucoup de choses. J’imagine aussi que cela puisse être une bonne lecture d’amorce du thème. Les défauts évoqués ci-dessus ne concernent pas tout le livre, qui m’a apporté beaucoup de détails utiles et enrichissants sur bien des points, et s’efforce d’expliciter beaucoup plus que ce qu’il n’oublie ou ne met de côté. Si l’adulte éclairé ou l’universitaire peut lui trouver des manques, je suis persuadée que le lecteur qui part à la découverte du sujet ou n’a plus remis le nez dans l’Histoire depuis longtemps y trouvera bien plus que son compte.
Enfin je me suis posée la question de l’âge, et si le but me semblait de prime abord très louable j’émets après lecture quelques réserves concernant les lecteurs les plus jeunes – dès 12 ans dit la présentation éditeur – non pas en termes de contenu mais en termes de vocabulaire. En effet je ne suis pas certaine du tout qu’un préadolescent sache forcément ce qu’est Gettysburg, ni la collectivisation ; j’ai moi-même oublié ce qu’étaient le Directoire et la monarchie de Juillet, ce qui ne m’a pas empêchée de globalement suivre l’idée du livre et le fil rouge des moments noirs de tous ces personnages de l’Histoire, mais j’aurais sans doute plus apprécié cette lecture en ayant ces informations, même dans un bref rappel comme l’auteur le fait pour des tas d’autres termes. J’imagine donc que cela a pu être des oublis, mais c’est un peu dommage, cela freine une lecture qui se présente pourtant comme très réfléchie et très bien construite à d’autres pages.
A la fin de l’ouvrage le lecteur trouve une bibliographie des ouvrages consultés pour rédiger chaque fiche : de nombreuses entrées sont complètes de 3 à 6 sources, mais d’autres n’en proposent malheureusement qu’une seule.
Un livre destiné au jeunes et aux adultes, mais une lecture un minimum exigeante en matière d’Histoire car parfois trop synthétisée ou contenant énormément de détails en un minimum de lignes, requérant peut-être la présence d’un adulte pour répondre à des questions ou pour préciser des détails – pourquoi pas une lecture à faire en classe, ou en parallèle d’un cours ? Un livre à lire, sans aucun doute, mais aussi très certainement à relire ou à étudier, que ce soit parce qu’il présente quelques failles ou parce que le sujet en lui-même nécessite plus qu’une lecture unique.

 

Chroniques d’ailleurs :  La biblio de Gaby
Cette chronique s’est inscrite, tout à fait incidemment, dans La Rentrée des Cartables organisée par Vil Faquin.

Le Prince et autres textes

De Nicolas Machiavel (Niccolò Machiavelli). Folio, 1980. Essai politico-historique. Très bonne lecture.
Titre original : De principatibus (des principautés), 1532* ; traduit par Il Principe, « le Prince », lors de la première traduction italienne.
* achevé circa 1513
princeRésumé : Ce livre est dédié à Laurent de Médicis (sur la couverture), dont l’auteur a été le conseiller. Machiavel se pose en homme de son temps, non seulement passionné mais impliqué dans la politique de son époque, ses grands, son peuple, sa nation. Ce livre n’est donc pas tant philosophique que politique et social : comment fonctionne le pouvoir qu’un grand, un « prince » pour reprendre le terme qu’il affectionne (et qui correspond peut-être bien à une réalité du XVIe), a sur son peuple, et comment le peuple le lui rend, ou pas, et pourquoi ? Quelles relations entretenir avec les autres princes, plus ou moins puissants ? Quelles qualités doit avoir un prince ? Est-ce que la morale doit vraiment être laissée de côté ?
Contrairement à ce qu’on peut penser, Machiavel n’a rien de machiavélique. Cependant il a eu de nombreux détracteurs qui lui reprochaient sa froideur apparente, sa logique parfois implacable, et son ouvrage qui somme toute explique clairement des choses que certaines personnes auraient préféré ne pas voir publiques, au moins en son temps et aussi un peu après. Lire un tel ouvrage en 2013 en ayant eu un minimum d’éducation scolaire n’a cependant rien de choquant.
J’ai apprécié avoir une préface pour définir le cadre historique et politique, savoir un peu qui était l’auteur, etc., même si l’auteur de la préface paraissait aller un peu trop loin dans l’analyse du livre et des ambitions et points de vue « réels » de Machiavel. Toutefois d’après ce que je lis un peu partout la polémique n’est pas finie, mon impression sur le livre pourrait donc bien être justifiée tout autant que la sienne. En tous cas je suis assez contente d’avoir enfin lu ce livre, que j’ai dans ma PàL mentale depuis 2004, lorsque notre prof de philosophie nous en a fait lire un extrait et que je suis tombée sous le charme de son style [insérer une blague italienne ici] !
Le côté pas si bon que ça c’est que la politique c’est pas mon rayon, et je me suis pas mal ennuyée à cause de ces histoires de princes et de guerres et de dates et de batailles et de noms de familles, de dynasties… Je suis déjà perdue juste en France au XVI, alors une telle initiation à l’histoire de l’Italie, où c’était tout autant le bazar à ce moment, ça m’a un peu ralentie dans ma lecture – jusqu’au moment où j’ai décidé de zapper les exemples qu’il donnait quand vraiment je ne voyais pas de quoi il parlait – car son essai est suffisamment bien structuré pour ce faire : chapitres, titres explicatifs, thèses accompagnées d’exemples, antithèses par moments, etc.
Son style est très clair et très fluide, on sent qu’il s’adresse à un auditoire auquel il tente d’expliquer quelque chose ; il ne donne pas l’impression de quelqu’un qui aime s’entendre parler. De plus, son ton est très posé, assez pédagogique, ce qui rend la lecture très agréable. Je le comparerais assez à Aristote ou Épicure, auquel il me fait penser par bien des côtés (le plus notable étant que Machiavel n’a jamais conseillé de faire brûler les gens tous vifs pour le plaisir et d’être un tyran parce que ça en jette ; pas plus qu’Épicure n’a conseillé de s’adonner aux pires vices et abus parce que c’est cool et qu’il faut profiter de la vie). Sa présentation très modérée et pragmatique des choses, très « Il faut tenir le peuple par la crainte car c’est sécurisant et efficace… mais bon c’est aussi bien de se faire aimer un minimum » m’a fait sourire à plusieurs reprises. Il arrive même à incorporer volontairement une pointe d’humour dans certains passages, quelque chose d’assez subtil. Il m’a donné l’impression de quelqu’un de cultivé et de posé, et aussi d’assez diplomate. S’il était encore en vie j’aurais certainement été voir s’il avait un compte sur un réseau social cherché à le rencontrer par curiosité.
Le reste du livre est composé d’une étude sur des écrits de Tite-Live, que j’ai passé sans le lire car définitivement basé sur la stratégie, la politique – comme le Prince, mais en moins connu et axé sur la politique romaine antique et non pas de la Renaissance. Vient ensuite un recueil de lettres dites « familières », que j’ai lues en grande partie ; certaines sont une fois de plus adressées à des magistrats et traitent de « choses publiques »** (ce « jeu de mot » était présent plusieurs fois dans le livre), mais souvent il écrit aussi à propos de choses futiles, de sa famille, d’un bon moment qu’il a passé, des amours mouvementées d’un magistrat avec lequel il correspond… Bref des petits textes assez plaisants à lire et qui me confortent dans l’idée que décidément cet homme ne méritait pas la réputation d’insensibilité qu’on lui a fait !
Je conseille cet auteur à ceux que l’histoire et la politique intéressent, et cet ouvrage aussi à ceux qui ont envie de lire le livre comme moi, par curiosité, car il est assez court (100 pages) et se lit somme toute très bien.
Texte intégral en ligne : http://classiques.uqac.ca//classiques/machiavel_nicolas/le_prince/le_prince.html (d’autres liens existent si jamais celui-ci ne vous convient pas, ou meurt prématurément 🙂 Mais d’après ce que j’ai vu la traduction est plutôt sympa et la mise en page très agréable)
** en latin « choses publiques » se dit res publica – d’où république.