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Les Légendes noires
De Sophie Lamoureux. Casterman, 2014. Documentaire jeunesse. Très bonne lecture. [96 p.]
Sous-titre : Anthologie des personnages détestés de l’Histoire
Illustrations de Virginie Berthemet.
Résumé : « Nous sommes tous plus ou moins familiers des grands héros de l’Histoire, mais que dire des autres : les fous, les traitres, les tyrans, les criminels, les dictateurs, massacreurs, salauds et horribles…? Les Légendes Noires nous invitent à rencontrer ces personnages abominables, méprisés, détestés ou violemment controversés, qui ont souvent horrifié leurs contemporains mais n’en ont pas moins joué, en leur temps, un rôle marquant sur le plan historique. Nécessaire, utile et édifiant.«
Je remercie les éditions Casterman – Flammarion de m’avoir envoyé ce livre.
Lecture en commun avec Gaby de La biblio de Gaby
Très belle découverte que cet ouvrage : beau et intéressant !
Quelques vues de l’objet-livre, avec en gros plan les magnifiques illustrations de Virginie Berthemet, qui a choisi des tons rouge et noir et des images décalées bien que percutantes pour faire un parallèle avec le texte et le sujet, formant un tout assez particulier mais qui m’a beaucoup plu dès le premier coup d’œil :
A ce propos j’ai aussi noté l’utilisation de l’image de l’hydre – coupez-lui une tête il en repoussera deux – pour l’image de couverture : je trouve l’allusion très pertinente car il a de tout temps existé de grands hommes (et des femmes) très controversés ou bien considérés comme dangereux, des tyrans ou des mégalomanes assoiffés de sang. De même chaque caricature de Virginie Berthemet choisit une focalisation adaptée à chaque personnage, qu’elle soit justifiée ou stéréotypée, jouant sur l’imagerie populaire aussi bien que sur une Histoire plus factuelle : la fresque ainsi créée fait sourire, et aussi un peu grincer des dents.
Le choix du grand format est intéressant : on le lit comme une BD mais ce n’est pas de la fiction, on a des dessins humoristiques mais des noms qui font moins rire, et des taches d’encre un peu partout comme si on s’était empressé de raconter tout ceci, à la va-vite, dans la pénombre, sans possibilité de retour en arrière. Le papier est excellent et l’impression impeccable. J’ai simplement relevé une coquille, un mot manquant, dans la fiche de Robespierre.
L’idée des fiches biographiques en deux pages découle, j’en suis sûre, d’une volonté de synthèse pour amener l’Histoire aux (jeunes) lecteurs sans leur imposer de trop longues explications. Cela fonctionne très bien avec beaucoup de biographies, mais pas toutes. En effet, j’ai eu plusieurs fois une impression de trop-plein, comme si l’auteur voulait en mettre un maximum sur deux pages, alors que ce n’était tout simplement pas possible. Quelques explications sont proches de l’incompréhensible lorsque l’on n’a pas les clés, qu’on ne connait pas les personnages ou le contexte, et/ou souffrent d’une synthèse un peu embrouillée. Néanmoins il s’agit d’un phénomène qui m’a gênée ici et là, pas une impression générale du texte.
Je comprends et j’admets beaucoup mieux, par contre, qu’une certaine focalisation « classique » soit parfois choisie au détriment d’autres points de vue ou d’à-côtés vis-à-vis de certaines figures, je pense entre autres à Machiavel ou à Hitler : deux pages c’est très court lorsque les contextes sont complexes ou que beaucoup d’influences sont à prendre en compte, et j’ai remarqué que Sophie Lamoureux essayait malgré tout de finir sur une objectivisation lorsqu’il y avait matière à le faire, de poser des doutes ou d’amorcer des courants de réflexion en cours de route. J’aurais peut-être apprécié que ce soit parfois un peu moins subtil, je ne suis pas sûre que ce soit évident aux yeux de tous les lecteurs. Je ne parle pas forcément de justifier ces personnages, mais simplement d’étoffer un peu la manière dont on les a perçus, à leur époque ou à la nôtre, ou l’image qu’ils avaient construit d’eux-mêmes, pour sortir un peu plus clairement de certains stéréotypes de masse (par exemple nulle mention de la situation politique générale de l’Italie à l’époque de Machiavel, pas de rappel que Pétain n’a pas été nommé Ministre par hasard…). J’ai trouvé que les premières fiches souffraient moins de ce défaut, exploraient plus les personnalités. C’est quelque chose que j’ai plutôt ressenti à l’approche de l’époque moderne et contemporaine.
Le contenu global du livre m’a tout de même intéressée et appris beaucoup de choses. J’imagine aussi que cela puisse être une bonne lecture d’amorce du thème. Les défauts évoqués ci-dessus ne concernent pas tout le livre, qui m’a apporté beaucoup de détails utiles et enrichissants sur bien des points, et s’efforce d’expliciter beaucoup plus que ce qu’il n’oublie ou ne met de côté. Si l’adulte éclairé ou l’universitaire peut lui trouver des manques, je suis persuadée que le lecteur qui part à la découverte du sujet ou n’a plus remis le nez dans l’Histoire depuis longtemps y trouvera bien plus que son compte.
Enfin je me suis posée la question de l’âge, et si le but me semblait de prime abord très louable j’émets après lecture quelques réserves concernant les lecteurs les plus jeunes – dès 12 ans dit la présentation éditeur – non pas en termes de contenu mais en termes de vocabulaire. En effet je ne suis pas certaine du tout qu’un préadolescent sache forcément ce qu’est Gettysburg, ni la collectivisation ; j’ai moi-même oublié ce qu’étaient le Directoire et la monarchie de Juillet, ce qui ne m’a pas empêchée de globalement suivre l’idée du livre et le fil rouge des moments noirs de tous ces personnages de l’Histoire, mais j’aurais sans doute plus apprécié cette lecture en ayant ces informations, même dans un bref rappel comme l’auteur le fait pour des tas d’autres termes. J’imagine donc que cela a pu être des oublis, mais c’est un peu dommage, cela freine une lecture qui se présente pourtant comme très réfléchie et très bien construite à d’autres pages.
A la fin de l’ouvrage le lecteur trouve une bibliographie des ouvrages consultés pour rédiger chaque fiche : de nombreuses entrées sont complètes de 3 à 6 sources, mais d’autres n’en proposent malheureusement qu’une seule.
Un livre destiné au jeunes et aux adultes, mais une lecture un minimum exigeante en matière d’Histoire car parfois trop synthétisée ou contenant énormément de détails en un minimum de lignes, requérant peut-être la présence d’un adulte pour répondre à des questions ou pour préciser des détails – pourquoi pas une lecture à faire en classe, ou en parallèle d’un cours ? Un livre à lire, sans aucun doute, mais aussi très certainement à relire ou à étudier, que ce soit parce qu’il présente quelques failles ou parce que le sujet en lui-même nécessite plus qu’une lecture unique.
Chroniques d’ailleurs : La biblio de Gaby
Cette chronique s’est inscrite, tout à fait incidemment, dans La Rentrée des Cartables organisée par Vil Faquin.
L’Évangile cannibale
De Fabien Clavel. ActuSF, 2014. Horreur – zombies. Très bonne lecture. [283 p.]
Résumé : « Aux Mûriers, l’ennui tue tout aussi sûrement que la vieillesse. Matt Cirois, 90 ans et des poussières, passe le temps qu’il lui reste à jouer les gâteux. Tout aurait pu continuer ainsi si Maglia, la doyenne de la maison de retraite, n’avait vu en rêve le fléau s’abattre sur le monde. Et quand, après quarante jours et quarante nuits de réclusion, les pensionnaires retrouvent la lumière et entrent en chaises roulantes dans un Paris dévasté, c’est pour s’apercevoir qu’ils sont devenus les proies de créatures encore moins vivantes qu’eux. Que la chasse commence…
Fabien Clavel, lauréat d’une douzaine de prix et auteur d’une vingtaine de romans, est l’une des voix les plus connues de l’imaginaire. Sa plume caméléon s’adapte à sa volonté d’en explorer tous les sous-genres. Avec L’Évangile cannibale, il revisite le mythe du zombie et du survival dans un roman court, rythmé et caustique.«
L’auteur ne mâche pas ses mots, ou plutôt il nous les crache à la figure. C’est brut, cruel, vulgaire même. On entre dans l’histoire via les pensées de Matt Cirois, pensionnaire de 90 ans aux Mûriers, et c’est pas joli-joli. « Tout est sale, à l’intérieur comme à l’extérieur », dit-il de son environnement physique et humain – et cela semble être très applicable à lui-même également. Et pourtant je ne peux m’empêcher de ressentir de la pitié, de l’amusement et même de la tendresse à l’égard de cet être humain entièrement révolté, fermement décidé à ne pas « se laisser crever » sans résistance, devenu paranoïaque et méfiant à force de côtoyer déchéance, mépris et stupidité.
« Nettoie les chiottes et le vieux assis dessus. Je suis sûr que certaines [aide-soignantes] aimeraient bien nous passer au jet d’eau en même temps que la salle de bains. C’est à peine si on ne nous essuie pas avec la serpillière qu’on passe sur le sol. »
J’ai remarqué qu’il n’y a pas de majuscules aux noms des résidents et personnel de la maison de retraite. Vu le systématisme je pense que c’est voulu, toujours dans ce but de déconstruction et de dépersonnalisation que l’auteur semble suivre depuis le début. (Point confirmé par l’interview de l’auteur présente à la fin)
Je me suis laissée prendre à l’histoire, dont la première moitié consiste surtout à mettre en scène l’environnement et les personnages, nous les présenter, nous installer dans le quotidien physique et mental de ces vieux. C’est très original, ça change effectivement beaucoup des ados boutonneux en mal d’amour et d’identité partant à la conquête du monde (qui me fatiguent parfois même si j’aime en retrouver de temps en temps) – les identités sont déjà définies, et pourtant elles sont redéfinies (ou à redéfinir) en partie tout simplement par les évènements déclencheurs des péripéties, du mouvement du groupe de personnes âgées hors de leur établissement. Le thème du corps est extrêmement employé et exploité, jusqu’à la nausée, jusqu’à un certain anéantissement – sans vous spoiler. Bien sûr le passage, ou plutôt la succession de passages qui m’a définitivement coupée toute sympathie pour les « héros » est arrivée pendant que je déjeunais. Ça m’apprendra à lire en mangeant. Évidemment, je déconseille ce livre à toute personne particulièrement sensible, jeune ou moins jeune. C’est horrible par moments, et je ne parle pas seulement de zombies ou de violence.
Je ressors de ma lecture dégoûtée, mais pas au point de m’arrêter là avec Fabien Clavel. Je pense même que je retrouverais avec plaisir son style, ou un autre, dans d’autres de ses ouvrages – après tout la moitié de ce qu’il nous raconte dans ce livre est dégueulasse, alors si je ressors avec un sentiment de répulsion, c’est qu’il a parfaitement réussi son coup ! Cependant je n’avais pas remarqué grand’chose de ce qu’il raconte dans l’interview finale, les parallèles avec la Bible et tout – j’ai vaguement noté les noms mais franchement je doute que beaucoup de lecteurs fassent plus le rapprochement que moi : il faut pour ça avoir l’Apocalypse et l’évangile de Matthieu en tête, et pour ma part ce ne sont pas des choses que je relis tout les jours ! Bravo tout de même pour la conception de l’idée.
Un livre qui sort des sentiers battus (de mon point de vue de novice en zombies), sombre et glauque.
Chroniques d’ailleurs : Avides Lectures, Blog-O-Livre
The Picture of Dorian Gray
D’Oscar Wilde. 1890. Roman fantastique. Très, très bonne lecture. [240 p.]
Résumé : « The Picture of Dorian Gray is the only published novel by Oscar Wilde. It tells of a young man named Dorian Gray, the subject of a painting by artist Basil Hallward. Basil is impressed by Dorian’s beauty and becomes infatuated with him, believing his beauty is responsible for a new mode in his art. Talking in Basil’s garden, Dorian meets Lord Henry Wotton, a friend of Basil’s, and becomes enthralled by Lord Henry’s world view. Espousing a new hedonism, Lord Henry suggests the only things worth pursuing in life are beauty and fulfilment of the senses. Realising that one day his beauty will fade, Dorian cries out, expressing his desire to sell his soul to ensure the portrait Basil has painted would age rather than himself. Dorian’s wish is fulfilled, plunging him into debauched acts. The portrait serves as a reminder of the effect each act has upon his soul, with each sin displayed as a disfigurement of his form, or through a sign of aging. »
(Après avoir lu le livre je trouve la plupart des résumés « éditeurs » très réducteurs ou peu pertinents ; du coup l’image est celle de l’édition que j’ai lue (1993), mais le résumé appartient à une autre édition.)
Le Vent se lève
De Hayao Miyazaki. 2014. Film d’animation. Grosse claque. [2h06]
Titre original : Kaze tachinu, 2013
Résumé : « Dans les années 1920, le jeune Jiro Horikoshi, fasciné par le ciel et le vent, rêve de devenir pilote d’avion. Mais sa mauvaise vue l’en empêche. Il se fait alors embaucher dans une entreprise d’aéronautique : puisqu’il ne peut pas piloter, il dessinera le plus bel avion du monde…«
Je sors tout juste de la séance – il était temps, je pense, car les horaires VO se réduisent de semaine en semaine, et je bosse (et je veux aller aux séances de 14h parce que c’est moins cher :p).
J’en suis encore positivement traumatisée. Je suis sortie du ciné avec cette étrange impression, que je vous souhaite avoir déjà expérimentée, que le monde réel n’est pas plus réel que celui dans lequel vous venez de vivre vos 10 dernières années 2 dernières heures – moins beau, moins fluide, un peu plus terne, moins éblouissant et étrangement familier.
Je suis une fille… ou pas.
Depuis que je suis arrivée sur la blogosphère j’ai commencé à m’intéresser aux sujets, discussions et débats autour du féminisme, du genre, et de tout le tintouin. C’est somme toute assez nouveau pour moi, je n’ai pas d’activistes dans la famille ni ne suis militante en quoi que ce soit moi-même… ou plutôt c’est ce que je croyais avant de lire un certain nombre de choses avec lesquelles je me suis retrouvée forcée de tomber d’accord, voire dans lesquelles je me suis retrouvée complètement. Je me considère donc comme une semi-féministe, même si au moins 3 articles m’ont déjà clamé que ça n’existait pas, avec arguments à l’appui (que visiblement je n’ai toujours pas compris ou accepté entièrement – laissez-moi faire mon chemin analytique, bordel :p).
Ah ! Je ris…
On entend souvent
Si souvent
Trop souvent :
« Il ne faut pas se moquer ».
L’appel à la tolérance est de mise, en ce XXIe siècle si politiquement correct. Plus rien n’est critiquable, si ce n’est le gouvernement, et les vilaines holdings, et encore. Le bas peuple, victime des grands de ce monde, doit se tenir les coudes en toutes circonstances, faire preuve de cécité les uns envers les autres, ne pas se critiquer, ne pas relever les erreurs, car « errare humanum est« , et cætera.
FOUTAISES.
A l’époque du tout numérique, de cette exhibition totale et incontrôlée, de ce narcissisme convoité, imité, assumé, de l’expansion sans limite des réseaux sociaux, je n’en peux plus de voir des choses idiotes me passer sous le nez, je ne suis pas la seule, et je pense que rien ne sert de se voiler la face, ni de contenir mon hilarité.
Tu veux t’exprimer en ligne, tu balances des
Conneries
Fadaises
Inepties
Salades
Sornettes
Niaiseries