De Julie Dachez, illustré par Mademoiselle Caroline. Delcourt, 2016. BD. Très bonne lecture. [96 p.]
Résumé : « Marguerite a 27 ans, en apparence rien ne la distingue des autres. Elle est jolie, vive et intelligente. Elle travaille dans une grande entreprise et vit en couple. Pourtant, elle est différente. [Elle] se sent décalée et lutte chaque jour pour préserver les apparences. Ses gestes sont immuables, proches de la manie. Son environnement doit être un cocon. Elle se sent agressée par le bruit et les bavardages incessants de ses collègues. Lassée de cet état, elle va partir à la rencontre d’elle-même et découvrir qu’elle est autiste Asperger. Sa vie va s’en trouver profondément modifiée.«
Une fois n’est pas coutume (mais serait-ce un mal si ça ne devenait ?) je vous présente une bande dessinée.
J’ai vu tourner ce titre pas mal de fois sur la blogo, avec toujours des avis enthousiastes ou au moins positifs, depuis sa sortie l’année dernière. J’ai profité de mes chèques cadeaux de Nowel (merci le boulot !) pour me l’offrir, avec un autre titre plus léger dont je vous reparlerai dans probablement pas trop longtemps.
Si l’on voit fleurir un peu partout des fictions mettant en scène des autistes, Asperger ou pas (pas toujours de manière très nuancée, on peut le regretter), et parfois même des documentaires pas trop mal fichus sur la question alors que le syndrome commence à être un peu plus connu qu’il y a 20 ans, je n’ai je crois pas entendu parler d’autre BD sur la question, même si ça existe peut-être. En tous cas je trouve le support original, il offre d’autres possibilités de message que les traditionnels témoignages écrits.
Je connais et j’ai connu quelques personnes touchées par ce syndrome, certaines pas trop mal et d’autres beaucoup moins bien, et je ne m’attendais pas forcément à retrouver beaucoup de choses qui m’étaient familières dans ce livre. Tant mieux car non seulement chaque personne reste unique même lorsqu’on parle de catégorie, et je trouve ça très bien qu’on fasse cette distinction justement là où on voit parfois un peu beaucoup de stéréotypes sur le même sujet qui reste vaste et hétérogène ; et de plus cela m’a permis de découvrir d’autres facettes du syndrome, et les difficultés quotidiennes qu’il peut engendrer chez certaines personnes touchées, tout en n’en englobant pas forcément d’autres. En fait j’ai trouvé qu’il mettait en lumière pas mal de paradoxes et de nuances du SA (syndrome d’Asperger).
Par exemple Marguerite n’a pas forcément envie de rester seule tout le temps mais elle a besoin de sa tranquillité la plupart du temps surtout lorsque les journées de boulot sont longues et fatigantes ; elle ne déteste pas ses collègues mais ne sait pas comment les aborder ni ne s’intéresse tellement à eux de manière globale, tout autant que eux ne s’intéressent pas forcément beaucoup à elle ; elle cherche de la compagnie tout en la choisissant avec soin (compagnon, quelques amis), et en dosant les temps de sociabilité qui, même lorsque qu’ils ne sont pas foncièrement désagréables, lui coûtent le plus souvent beaucoup d’énergie. Il y a aussi pas mal de pages sur ses routines et manies, et j’aurais voulu savoir, par curiosité, comment elle pouvait gérer un incident sur son parcours quotidien qui est décrit de manière minutée et mesurée quasiment au mètre près. Mais je me doute que cela dépendra forcément de la personne, de l’incident en question, et de tout un tas d’autres facteurs qui peuvent amplifier le stress ou au contraire le réduire.
Ce livre nous présente d’ailleurs tout un tas de moyens que la narratrice met en place ou tente de mettre en place pour réduire son décalage par rapport aux autres et surtout les aspects les plus déplaisants (pour elle) de sa particularité, les angoisses possibles, ou les différences qui ne sont pas considérées comme acceptables, ou jugées « trop bizarres » par une grande partie de notre société. Une différence peut-être en partie invisible, mais pas toujours suffisamment, en fait !
La partie où elle se découvre Asperger (et sa suite) m’a beaucoup plu car à côté des interrogations de la narratrice on nous présente d’autres personnes, d’autres témoignages qui sont un peu différents, qui ajoutent des détails et nuances à ce qu’on nous montre à travers l’unique prisme de la vie de l’héroïne. De même quelques pages à la fin permettent au lecteur d’avoir un aperçu global du syndrome. Si c’est sûrement un peu trop synthétique pour avoir une idée de toutes les variations existantes de l’autisme même seulement dans le cadre du SA c’est en tout cas un très bon livre à mi-chemin entre le témoignage et le documentaire succinct, qui pour une fois ne met en scène ni un génie ni un retardé mental (les extrêmes de l’autisme) mais une Asperger « ordinaire ».
Si j’apprécie les styles plus travaillés j’ai bien aimé les illustrations assez simples, tout en courbes et en douceur, avec une majorité de couleurs chaudes à côté du noir et blanc. Cela je pense convient en tous cas très bien au thème abordé et à la manière dont il est traité.
Le blog de Julie Dachez : emoiemoiemoi.over-blog.com
La page de l’éditeur, où vous pouvez feuilleter quelques planches : http://www.editions-delcourt.fr/serie/difference-invisible.html
Chroniques d’ailleurs : Des livres, des livres ! , La Bibliothèque d’Aelinel
Ping : La différence invisible de Julie Dachez | La Bibliothèque d'Aelinel