Comment Blandin fut perdu

De Jean-Philippe Jaworski. Folio, 2016. Nouvelles. Excellente lecture. [132 p.]

Première édition chez les Moutons électriques, 2009, in Récits du Vieux Royaume.

A46839_Comment_Blandin_fut_perdu.inddRésumé : « Pour avoir dessiné encore et encore, avec un talent ensorcelant, le visage de madone d’une jeune moniale aux yeux verts, le novice Blandin est chassé du monastère de Havreval. Le jeune enlumineur entame alors sur les routes du Vieux Royaume son apprentissage auprès d’Albinello, talentueux peintre sur fresque itinérant. Blandin dépassera-t-il son obsession amoureuse? Et l’élève surpassera-t-il le maître? « 

Ce court recueil comporte deux nouvelles : Montefellóne (45 p.), et Comment Blandin fut perdu.

Montefellóne est typique de Jaworski, sur le thème de la guerre et des batailles qui lui est apparemment à la fois cher et confortable. Comme déjà dans Janua Vera, même si ce n’est pas forcément ma tasse de thé a priori, je ne peux pas m’empêcher d’adhérer très vite au texte à défaut de m’intéresser énormément à l’action, qui elle est assez limitée, forcément au vu du format. En effet, et je ne vois pas comment passer à côté de ce commentaire dès lors que je lis du Jaworski, la plume est tellement ciselée, les mots si soigneusement choisis parmi un étonnamment vaste vocabulaire, que je me retrouve très vite enchantée par le style, happée dans le rythme des mots et enchaînements de phrases. Quand j’écris ne pas m’être intéressée plus que cela à l’action, ce n’est pas pour autant que je me suis ennuyée – les personnages sont charismatiques, la tension palpable, et la nouvelle d’excellente qualité dans l’ensemble. Simplement le texte s’est déjà un peu effacé dans mon esprit, contrairement à d’autres, parce que les thèmes abordés me parlaient moins.

Au centre de la troupe se meut la silhouette imposante du duc d’Arches, roidie dans son grand harnois doublé de velours, le heaume sommé d’une aigle éployée, becquée et couronnée d’argent. ~ P.35

Tout le front s’affaisse, dans un abattis de lances, des envolées de bardes blasonnées, et bientôt un chaos confus s’empêtre sur le pré, où roulent pêle-mêle hanches de chevaux, écus armoriés, hampes fracassées, sabots ferrés, couleurs froissées, crinières tressées. ~p.48

Blandin, lui, est totalement différent. (D’abord, il est mal écrit. Mais non, je blague. C’est du Jaworski. //Mode fan off) Ce conte fantastique se déroule lentement sur une petite centaine de pages où le lecteur découvre progressivement la folie de Blandin en même temps que le narrateur. Vous pouvez dans ce texte noter les étymologies nominatives amusantes, vous familiariser quelque peu avec le quotidien des imagiers d’antan, voyager à travers le Vieux Royaume accompagnés de Blandin et de son maître Albinello. Le gros de la nouvelle est bien résumé dans la 4e et il m’est difficile d’en rajouter beaucoup sans vous dévoiler toute l’histoire. Au final, on se retrouve avec une intrigue classique parmi les contes, mais encore une fois parée de la maestria de l’auteur qui semble-t-il mesure avec précision chacune de ses avancées narratives vers la conclusion (que j’aurais dû deviner, mais j’étais trop occupée à savourer ma lecture pour ne pas me laisser totalement embarquer, moi aussi), et les orne toujours de son style inimitable.

Au vrai, ce n’étaient pas forcément les récits les mieux troussés qui se révélaient les plus précieux. Au détour d’une digression ou d’une réticence, le centenier flairait parfois un éclat de vécu ; une anecdote banale ou narrée de façon plate possédait un fumet de réel. En fait, Gaidéris accordait souvent le plus grand prix à ce qui était mal raconté ; la vie ne s’y était pas encore fardée de mots. ~ p.62

Je restais longuement sans voix, devant la fresque qui n’en finissait plus de filer son logogriphe. On aurait cru plonger dans la redondance épuisante d’un songe fébrile. cela se révélait fascinant, vertigineux. Entêtant. ~ p.85

Il n’est pas impossible qu’un jour je me retrouve soudainement avec tous ses livres dans ma bibliothèque. mais je ferai attention de ne pas me perdre trop loin moi-même, c’est promis. 😉

Mon deuxième livre de Jean-Philippe Jaworski, je suis déjà fan et j’en ai encore en stock dans ma bibliothèque. Un grand auteur, que je conseille néanmoins aux lecteurs plutôt exigeants qui savoureront d’autant mieux son style sans rencontrer trop d’écueils.

 

Chroniques d’ailleurs : Aelinel

 

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7 réflexions au sujet de « Comment Blandin fut perdu »

    • Je l’ai dans ma bibliothèque avec Même pas mort, relativement frais des dernières Imaginales. Là je suis en train de me retenir de dévorer trop vite le Sentiment du fer. Avec les plus gros je me retiendrai moins ! ^^ (en plus l’auteur travaille dans ma ville et doit également habiter pas trop loin, huhu – mais je ne le croise jamais :o)

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