Ganesha

De Xavier Mauméjean. Mnémos, 2014. Fantastique policier. Excellente lecture. [314 p.]

ganeshaRésumé : « Londres, fin du XIXe siècle. Qui est réellement Joseph Merrick, celui qu’on surnomme « l’Homme-Éléphant » ? Homme ou bête ? Monstre de foire ou curiosité scientifique ? Une simple anomalie de la nature ou… un dieu ? Lorsqu’il rédige ses Mémoires, il n’a pas trente ans et réside depuis peu à l’hôpital de Whitechapel sous la protection du médecin Frederick Treves. Un refuge qui lui permet d’observer splendeurs et misères de la capitale, et d’enquêter : quatre affaires, autant de saisons dans une année. De leur résolution dépendra peut-être plus que son destin, car « le monde s’efface dans les rêves de l’éléphant… »« 

Coïncidence amusante en vérité que ce livre soit publié chez un éditeur qui s’appelle Mnémos ; en termes de mémoire Joseph Merrick nous est introduit comme un maître en son humble demeure terrestre de Whitechapel’s Hospital : il voit tout, analyse tout, se fait rapporter les éléments manquants. L’autre habitant du XIXe siècle – lui fictif de son état – auquel vous fait probablement vous aussi penser cette description fera d’ailleurs dans le livre une apparition aussi brève qu’à peine voilée, comme un reflet évanescent du narrateur. Étonnant et fascinant reflet « en chair et en os » des capacités mentales de Merrick, lui qui évite les miroirs comme la peste !

Il m’est difficile de vous rendre les subtilités de même ordre auxquelles s’emploie Mauméjean tout au long de l’ouvrage, mais sachez qu’elles sont multiples et intriquées. De la réalité au rêve d’un paragraphe à l’autre, de la perception physique à la vision, du corps à l’esprit et de l’esprit au corps, de la dimension humaine à la dimension divine ou universelle : l’univers de Joseph Merrick est loin d’être simple mais pourtant cohérent du moment que le lecteur se laisse prendre au jeu des double ou triple niveaux de lecture de chaque personnage et événement, et c’est ce qui lui donne son originalité. Je ne peux pas vous vendre ce livre comme facile d’abord, mais il vaut le coup de s’y pencher très sérieusement, de plonger dans les méandres de cette pensée complexe mais aussi très ordonnée. De plus ces éléments particuliers sont entremêlés avec une narration d’enquête plus commune : crime, témoignages/recherche, résolution, auxquels les yeux de Merrick donnent parfois des sens supplémentaires, une dimension symbolique ou mystique.

J’ai dû m’adapter un peu au début du livre, mais finalement j’ai trouvé que les premières pages, le prologue; étaient de loin les plus ardues à suivre, peut-être parce que l’auteur concentre toute l’essence principale de son livre en peu de pages afin de mettre le lecteur en condition. Concernant les enquêtes j’ai moins aimé celle du printemps que les autres parce que les thèmes abordés, politiques et économiques, me sont moins familiers, mais l’aspect policier du livre m’a tout à fait plu, même s’il ne sert visiblement que de support aux pensées de Merrick et à sa vision du monde et de la société : le fil de l’intrigue s’interrompt souvent pour laisser place à l’Éléphant, son enfance, sa transformation, son vécu, son analyse de son environnement social.

Au-delà d’un simple style vieillot et ampoulé qui serait inhérent à l’époque victorienne et dont pas mal d’auteurs semblent se contenter (je ne m’en plains pas toujours), l’auteur soigne énormément son récit d’un point de vue formel : vocabulaire parfois rare et toujours précis, jeux de mots recherchés (« Ce crime n’avait rien de sinistre » me restera longtemps en tête), syntaxe choisie.

« La perfection du jardin anglais réside en effet dans l’absence apparente de composition et de structure. Le jardin s’oublie comme tel et s’efface devant la Nature. Étrange modestie d’Albion qui marque de sa puissance les contrées reculées, asservit les peuples, et recule chez elle devant la fleur des champs. »

Un très bon point également pour les personnages secondaires peu nombreux mais bien campés étant donné la longueur toute relative des textes, le petit et moins petit peuple de Londres et l’atmosphère de l’époque qui nous sont rendus de manière convaincante et vivante.

Quatre enquêtes menées par la personne fascinante de Joseph Merrick, devenu sous la plume de Xavier Mauméjean l’extraordinaire homme-dieu éléphant.

Chroniques d’ailleurs : Blog-O-Livre, Naufragés Volontaires

Publicité

3 réflexions au sujet de « Ganesha »

    • Je me disais la même chose avant de le lire ! ^^ Le style est assez particulier, on est entre le roman fantastique classique du XIXe, le roman social à la Dickens et le policier. Par contre si tu aimes ce genre de livres ça pourrait bien beaucoup te plaire.

  1. Je crois bien qu’il pourrait beaucoup me plaire, c’est pourquoi je le note sans hésiter dans ma liste d’envies ! D’autant que j’ai déjà lu pas mal de bons avis sur cet auteur. Merci 🙂

Déposer un petit caillou blanc

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s