Night Ocean et autres nouvelles

De H. P. Lovecraft. Éditions J’ai Lu, 2005. Recueil de nouvelles. Excellente lecture [250 p.]
Titre original : The Night Ocean, 1936 (pour la nouvelle éponyme ; 1919-193? pour les autres)
nightoceanRésumé : « Océans qui ne sont pas de ce monde, eaux maudites par la lune, lugubres rivages et, dans le mystère des profondeurs, l’innommable… Pourtant, réduire Lovecraft aux indicibles horreurs qui hantent les nouvelles liées au mythe de Cthulhu -dont certaines sont incluses dans le présent recueil – serait erroné. Car Lovecraft fut aussi un maître de l’onirisme poétique, influença les œuvres de nombreux écrivains en herbe, collabora avec plusieurs de ses contemporains publiés, tout comme lui, dans les  » pulps « , ne rechigna pas à écrire des textes empreints d’un humour absurde, pour le moins étonnant sous sa plume, et fut un essayiste au sens critique et à l’esprit analytique des plus affûtés. Découvrez ici toutes ces facettes peu connues de son talent…« 
De tous les recueils que j’ai pu trouver ou lire sur le Rêveur de Providence, en voilà un à la fois très bon, très intéressant et très varié ! Je suis tout à fait d’accord avec le résumé de l’éditeur, Lovecraft ne se résume pas plus à Cthulhu* que Tolkien aux Elfes, même si on les aborde souvent par ces deux points respectifs. J’ai ce recueil dans ma bibliothèque depuis assez longtemps pour ne plus savoir avec certitude d’où je le tiens (Imaginales 2011 ? Stand du village du Livre de Fontenoy-la-Joute ? ou pas), c’est je crois le seul livre de Lovecraft que je détiens en français – malgré le titre trompeur au premier abord – et d’ailleurs je ne peux m’empêcher de « lire l’anglais derrière » à certains passages (certains verront de quoi je parle), étant une habituée du style et du vocabulaire de l’auteur. Plusieurs des textes présents ici ont également été écrits à quatre mains, ou plus (avec R. H. Barlow surtout), et certains sont de véritables exercices de style.

* C-T-H-U-L-H-U. Pas Chtulhu, pas Ctulhu, pas Chtuluh ; éventuellement Kthulhu (donné par l’auteur dans une nouvelle je ne sais plus laquelle, absente de ce recueil)
Je vous parlais de diversité, voyez plutôt.
Le livre est introduit par J.T. Joshi, éminent spécialiste de Lovecraft, contemporain (j’ai failli écrire « contemporain de Lovecraft », ce qui aurait été ambigu, ou plutôt pas assez !), que je n’ai pas encore lu car je suis tombée sur son nom assez tard, il y a seulement quelques années, alors que j’étais en train d’écumer les rayonnages de la bibliothèque universitaire sur des sujets plus intéressants que ceux abordés en cours… (:D) J’ai peut-être trouvé son nom en premier cité par William Schnabel, professeur à l’université Nancy 2 à l’époque, qui étudie aussi l’écrivain et a publié plusieurs livres sur ce sujet à la Clef d’Argent. Joshi présente les nouvelles séparément mais pointe aussi les points communs ou les éléments de la vie quotidienne et littéraire de Lovecraft, nous donnant un fond contextuel assez utile pour la suite.
Night Ocean – Un peintre s’installe en bordure de mer, à la recherche de paix. Une nouvelle essentiellement descriptive, tout en atmosphère. Je l’ai savourée quasiment ligne par ligne, la trouve très réussie dans ses effets lyriques et poétiques pourtant empreints d’horreur latente.
Souvenir – S’étalant sur deux pages seulement, sujets typiquement lovecraftiens : la déchéance, le temps, le rêve et l’horreur mêlés. Pour deux pages, je ne vous en dis pas plus.
Nyarlathothep – J’ai peut-être lu (et joué) un peu trop de choses pas forcément de Lovecraft développant ce mythe et ce personnage. J’ai été un petit peu déçue par la nouvelle, pas assez développée ni subtile à mon goût. Un air du Joueur de flûte de Hamelin dans cette histoire de personnage hyper-charismatique.
Ex Oblivione – Nouvelle onirique, ne m’a ni plu ni déplu.
Ce qu’apporte la lune – Très courte, horrifique, percutante.
Histoire du Necronomicon – Pas une nouvelle mais juste l’histoire du livre fictif, sous forme de chronique /manuel d’histoire. Je n’y ai pas vu grand intérêt si ce n’est un certain amusement à recouper les faits avec les différentes nouvelles mettant en scène l’objet maudit (absentes de ce recueil).
Ibid – Chronique. Trop dense, trop réflexive, trop de références qui me sont inconnues. Je n’ai pas accroché.
Bataille à la fin du siècle (en collaboration avec RHB) – Un combat de boxe fictio-littéraire mettant en scène, parodiés, des collègues et amis de l’auteur, ainsi que lui-même. Je n’ai pas tout suivi, ne connaissant pas forcément bien tous ces gens et références. Le texte est enthousiaste et délirant, frisant l’absurde burlesque.
Cosmos effondrés (en alternance avec RHB) – Texte inachevé, space opera ? J’aurais aimé avoir une suite.
Le piège (en collaboration avec Henry S. Whitehead) – reprend le thème du miroir si cher au fantastique. Pas mal du tout, se situe un peu entre les genres : fable SF / fantastique. Une nouvelle que j’ai trouvé aboutie.
Le défi d’outre-espace (avec C. L. Moore, A. Merritt, R. E. Howard et Frank Belknap Long) – les cinq confrères et amis se sont fendus d’une nouvelle collaborative plutôt efficace, SF / horrifique, dont le scénario tient étrangement bien la route malgré les différents apports ! J’ai reconnu le style d’Howard (je me suis très vite lassée de ses histoires de Conan mais je pense que maintenant j’ai des chances de le reconnaître dans d’autres écrits assez facilement), j’aime beaucoup F. B. Long, quant aux deux autres je ne les avais jamais lus ni n’ai rien retenu de spécial quant à leur contribution. La fin du synopsis se finit sur une note étrangement positive.
Les chats d’Ulthar – Une de mes nouvelles préférées de l’auteur. On dit qu’il aimait les chats ! Courte et efficace.
Quelques souvenirs sur le Docteur Johnson – Lovecraft nous soutient en guise d’introduction qu’il est en fait né en 1690 (et non pas 1890) et fait seulement croire à un âge plus jeune que 226 ans ; il se souvient d’ailleurs d’un certain Docteur Johnson qu’il a autrefois connu… et nous voilà partis pour une anecdote humoristique.
Le peuple ancien – Rome, rêve du narrateur. Un village colonisé par les Romains, au pied des Pyrénées, aux prises avec un peuple montagnard aux mœurs sabbatiques. Très lovecraftien, très efficace.
Douce Ermengarde ou le coeur d’une paysanne – Si vous souhaitez découvrir un Lovecraft différent du créateur de Yog-Sothothn que vous n’avez pas envie de lire de l’horreur, que vous souhaitez souffler entre deux récits de puissances infernales venues réduites les humains en esclavages sous de terribles auspices, lisez ce conte romantique. Romanesque. Mais surtout sincèrement et truculeusement parodique. (le correcteur n’aime pas truculeusement, tant pis pour lui il ne sait pas ce qu’il perd)
« Quand les amants se furent éloignés, [le juge Hardman] se dressa d’un bond sur le chemin, tordit furieusement sa moustache et sa cravache, et donna un coup de pied à un chat, d’une innocence au-dessus de tout soupçon, qui passait par là. »
« Les larmes coulèrent comme l’alcool un jour de paie, puis Jack se souvint brutalement qu’il était le héros, et, redressant la tête, s’écria avec les accents virils qui s’imposaient : (…) »
Les sortilèges d’Aphlar – En seulement six pages, l’auteur nous dresse ce qui aurait pu être une introduction de Fantasy : un vieux sage exilé dans la montagne, pourchassé par des assassins.
Le recueil de nouvelles se conclut avec Le livre de Raison « et les Notes y attenant, utilisées par feu H. P. Lovecraft comprenant ses suggestions pour écrire des récits, des analyses du récit d’épouvante, et une liste de certaines horreurs fondamentales, etc., etc., destinés à stimuler l’imagination ». (Trop) court à lire, il contient ce qu’annonce le sous-titre, ainsi que des bribes d’histoires ou de descriptions, dont certaines ont été effectivement utilisées par l’auteur dans des nouvelles (ce qui est précisé quand c’est le cas). La liste de sujets possibles pour un synopsis (je reprends son terme) d’horreur est impressionnante de détails et de par sa longueur. Je n’ai pu m’empêcher de me demander si rien n’avait été lancé à grande échelle, un concours ou quoi que ce soit, avec cette liste en idée de base. Après tout, d’après ce que j’ai pu lire, Lovecraft lui-même avait proposé à ses amis de piocher dedans s’ils le souhaitaient.
Malgré quelques nouvelles qui ne me laisseront pas de souvenir impérissable, un très bon recueil qui offre un panel très large de créations lovecraftiennes – bien plus que beaucoup d’autres anthologies – et que je suis fière d’avoir dans ma bibliothèque !

 

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6 réflexions au sujet de « Night Ocean et autres nouvelles »

    • L’avantage avec les nouvelles c’est que tu peux choisir d’en passer, d’en lire certaines, d’en abandonner.. 😀 Et puis comme je le disais plusieurs fois, ce recueil comporte pas mal de textes courts à très courts, on est loin de certaines nouvelles de 70 pages par le même auteur. (même si l’Affaire Charles Dexter Ward c’est très bien !)

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