J’ai passé 26 ans de ma vie à penser que je n’étais pas introvertie, ou seulement très peu, et à tout faire pour que l’on ne pense pas ça de moi.
Les introvertis sont des êtres asociaux, qui n’aiment pas les gens, rougissent dès qu’ils doivent aborder des personnes qu’ils ne connaissent pas, ne sortent pas de chez eux, et préfèrent passer leurs vacances et dimanches seuls chez eux sur World of Warcraft plutôt que d’aller profiter du soleil. Inutile de dire que les introvertis haïssent les grandes villes qui les forcent à avoir des interactions sociales verbales ou physiques (proximité). Quand on tente de parler à un introverti, il fuit ou élude toute conversation. D’ailleurs, les introvertis sont en fait assez rares, ou alors ils ont une super technique pour qu’on ne se rende pas vraiment compte de leur existence.
=> Voilà, à peu de choses près, ce que je pensais des introvertis jusqu’à l’été dernier.
Pas étonnant que le fait que j’en sois une ne me soit pas passée par la tête avant ! Vous noterez d’abord que personne n’a envie de se voir de cette façon, mais également qu’effectivement, de telles personnes (avec tous les attributs énoncés ci-dessus) sont rares. En effet, d’après mes dernières recherches sur la question, il s’agirait d’introvertis dits « extrêmes », des gens qui ont quelque part la malchance (de mon point de vue car je ne me vois pas vivre comme ça et je pense que c’est régulièrement handicapant – j’ai peut-être tort !) d’accumuler les stéréotypes du type, pour de vrai.
Depuis que je suis très jeune j’ai des activités solitaires ou tranquilles (lecture, puzzles, écriture, promenades, jeux vidéos – je suis aussi passée par le dessin et la peinture quand j’étais petite). Ces activités représentent une portion très importante de mon temps – en terme de durée mais également de plaisir, voire même de « nécessité ». A côté j’apprécie de voir des gens, de passer du temps avec des amis, voire même de me faire occasionnellement traîner à une fête ou me jeter moi-même dans un endroit plein de monde, avec motivation spécifique à la clé (festival, concert, cinéma…). Même si ma nature ne me pousse pas à aller naturellement organiser des rassemblements de cinquante personnes toutes les semaines je ne déteste pas voir des gens, même inconnus, et j’ai régulièrement de grandes facilités à, mettons, entamer une discussion avec quelqu’un que je ne connais pas du tout, même dans la rue. Je ne sais plus si j’étais à l’initiative de cette activité, mais j’ai passé des années à adorer faire du théâtre, représentations comprises. Certains de mes collègues de fac doivent également se rappeler m’avoir entendu faire des remarques un peu impertinentes, ou poser des questions qui pouvaient, je le savais, paraître ridicules, et cela dans un amphi complet… sans parler du fait que j’ai toujours participé en classe / réunions d’associations / autres quand cela m’est possible. J’attire parfois l’attention sur moi, et, hormis un instant de gêne en cas de couac de communication, je m’en remets en général très vite. Je ne le fais pas tous les jours, mais il arrive que j’ai quelque chose à dire d’un peu ridicule, ou de provocant, ou tout simplement important pour moi, et que je le dise, quel que soit le « public ». Au quotidien je râle, je m’exprime, je me fais assez souvent porte-parole pour mon entourage, je ne me décrirais donc certainement pas comme timide.
Pourtant…
Il m’arrive régulièrement d’en avoir marre des gens, de me lasser des interactions sociales, d’avoir juste envie de rentrer me reposer – ou plutôt c’est souvent l’excuse que je donne, car en réalité il m’arrive de plutôt partir me promener, ou de faire du ménage ou du rangement en rentrant, ou n’importe quoi d’autre qui ne soit pas forcément physiquement reposant, mais qui me fait du bien, parce que je suis seule. Pendant longtemps j’ai cru que ce n’était pas normal, que c’était un peu honteux car après tout les gens que je fuyais n’étaient pas forcément mal intentionnés ni ennuyeux par nature (même s’il y a eu des cas !), qu’éviter les interactions sociales même si j’avais donné un peu de mon temps à cet effet restait quelque chose dont je devais me cacher, que je devais taire. Après tout, j’avais passé du bon temps avec ces personnes, qu’était donc cette bizarrerie qui finissait par me pousser à me retrancher en moi, quelque soit la situation ? Pourquoi, après une partie de jeu de rôle se finissant assez tard, et durant laquelle je m’étais fort bien amusée, j’avais ce besoin de lire quelques pages malgré la fatigue, de me « poser » quelques minutes malgré l’heure tardive et les cours le lendemain, au lieu d’aller me coucher illico parce que mon corps en avait besoin ? Pourquoi, lors de fêtes ou de rassemblements où je me suis bien amusée, vient toujours ce moment de fatigue mentale plus que physique, accompagnée d’un besoin de me mettre à l’écart, de me soustraire à l’effervescence, de « prendre l’air » seule ou en très petite et très calme compagnie pendant au moins quelques minutes ? (Et non je ne suis pas « triste » quand je m’isole ainsi, je « prends de la marge », tout simplement. Je continue d’être là, avec les autres, mais « à côté », et plus « au milieu »). En fait, personne ne semblant connaître ces réponses (quand tu ne parles pas de quelque chose, aussi…), j’ai fini par laisser tomber le questionnement et simplement m’apprivoiser moi-même, trouver un équilibre entre cette solitude dont je continuais à avoir besoin de temps en temps, régulièrement, d’autant plus quelque part que j’avais eu d’interactions sociales poussées dans la journée / semaine, et mon besoin bien réel d’avoir également ces interactions – parce que j’ai déjà goûté à la solitude forcée, et c’est quelque chose qui finit par m’angoisser très vite ! Je ne suis pas une « vraie » solitaire.
Cependant il y a des moments où on me propose de sortir, et pour moi c’est « non », et quand je n’ai pas d’excuse toute prête c’est parfois difficile à faire accepter, d’autant plus, parfois, quand les gens savent que j’apprécie leur compagnie ! (« mais pourquoi ?… »)
Il y a quelques mois, bientôt un an mais pas tout à fait, un de mes contacts Facebook (j’utilise beaucoup cette plate-forme) a partagé un genre de quizz intitulé « 23 signes que vous êtes secrètement introverti« . J’adore les quizz et tests en tous genres, j’aime autant y répondre que de comparer et critiquer les résultats ou leur pertinence – souvent douteux, parfois rigolos, plus rarement sérieux. Seulement voilà : sur Internet, on trouve de tout. Du moins bon, mais aussi du bon (on aurait presque tendance à l’oublier ! :p) J’ouvre donc la page en mode : haha, je ne suis pas une introvertie, ça se saurait…
…Pour tomber déjà sur un article qui me semble pertinent, objectif, et bien documenté. Cet article ne promet pas la vie belle aux introvertis, ne vante pas un quelconque diagnostic infaillible, coupe la gorge aux stéréotypes et propose des éléments d’introversion que je ne connaissais pas avant, mais qui, contrairement aux « âneries » citées plus haut, correspondent pour certains à des détails de ma vie, des choses que je prenais pour des habitudes personnelles et « innocentes », mais qui, à bien les considérer, ne sont pas forcément partagées par mon entourage proche ou moins proche.
Au cinquième « oh oui, c’est tout moi » d’affilée, j’ai commencé à avoir de sacrés doutes, et même à flipper un peu. C’était la toute première fois que j’avais des informations sur l’introversion qui dépassait le « ne te comporte pas comme une sauvage », et pour moi ça a été une révélation : toutes ces petites choses « bizarres » de mon quotidien (points 2, 4, 8, 9, 10, 15, 16, 18 (20 ans ? haha, non, bien avant !), 20, et le 23 que j’ai tenté d’expliquer en détail plus haut), d’autres gens les ressentaient et les vivaient de la même façon, et ça semblait me cataloguer dans une case que j’avais toujours essayé d’éviter à tout prix. En effet, toutes ces choses (car je me retrouve sur énormément de ces points, de manière forte et irréfutable) font partie de moi, et pour la plupart je ne peux pas vraiment les « combattre » ou les « arranger », ou seulement avec beaucoup d’effort, d’analyse, et de mimétisme qui dépasse parfois ma compréhension.
[En fait seuls 4 de ces points ne semblent pas me correspondre, alors que la plupart des autres sont des choses qui me paraissent couler de source.]
« On n’est souvent pas conscient d’être introverti — surtout quand on n’est pas timide — parce que l’on ne sait pas qu’être introverti, ce n’est pas juste vouloir être seul. Il peut être plus instructif de se demander si la compagnie des autres vous fait gagner ou perdre de l’énergie, et ce même si la présence d’amis est source de plaisir. »
J’étais entrain de lire ton billet en pensant qu’en réalité, on était tous plus ou moins introvertis avant d’arriver au moment où tu signales que nous le sommes tous à des degrés divers 😉 C’est vrai qu’on classifie davantage les extrêmes dans introvertis (ou extravertis) et pas les autres personnes. Peu importe le degré, je pense qu’il faut surtout vivre en paix avec soi-même (cela fait très belle phrase, écrit comme ça, mais c’est on ne peut plus vrai).
Oui, ça m’a semblé également essentiel de le préciser ^^. J’aime assez creuser ce genre de sujets, et en discuter après. Tenter de comprendre les choses quelles qu’elles soient, moi y compris, c’est dans ma nature ! 🙂 Peut-être que le fait d’aller chercher les informations et les analyser m’aide un peu à m’accepter, ou peut-être qu’au fond ça ne change rien, j’en ai déjà discuté avec d’autres personnes et il semblerait que chaque cas soit différent.
Bien sûr même si j’essaie d’être le plus raisonnable et objective possible dans ce billet ça n’engage que moi, j’ai tenté autant de donner une certaine définition de l’introversion que de partager mon ressenti, j’espère ne pas avoir raconté de grosses bêtises, mais je ne peux rien garantir à 100% ^^.
Réfléchir, vouloir comprendre et se remettre en question sont toujours de bonnes choses 🙂 Après, le danger est de vouloir à tout prix changer, déjà que s’accepter en tant que tel est un combat… et je parlais de manière générale en fait, je ne te visais point 😉