Dans le livre des rêves

De Mikkel Birkegaard. 2013. Science-fiction. Excellente lecture. [509 p.]
Titre original :  Fra drommenes Bog*, 2012
* Mes neurones conditionnés à la trad’ s’activent, trouvent : « fra » = « from » ; « drommenes » = « Traum-« / »dreams » ; « Bog » = « Buch »/ »book » ; autrement dit le titre « Ex Libris Somnia » aurait pu être simplement donné, car je trouve qu’on perd un chouïa la signification de l’expression en la passant ainsi en français : « dans le », au lieu de « from »/ »ex »/ »von », indiquant tous la provenance. « Du livre des rêves » aurait peut-être sonné de manière bizarre ? Ouais, je sais, on s’en fout un peu, le titre est loin d’être mauvais. C’était juste une pensée sauvage.
lelivredesrevesRésumé : « Copenhague, 1846. Arthur avait 10 ans quand son père est mort dans des circonstances inexpliquées. Il en a 17 quand son chemin croise celui de Mortimer Welles, restaurateur de livres anciens et détective amateur à ses heures perdues. Ensemble, ils tentent d’élucider une série de disparitions étranges… Dans le pays, l’heure est à l’obscurantisme et à la censure. Le roi lutte contre la divulgation des idées. Mais Arthur entend parler d’une mystérieuse bibliothèque ou seraient conservés tous les ouvrages interdits par le ministère du Livre. Y aurait-il un lien entre cette bibliothèque et la mort de son père, fonctionnaire de ce ministère ? Aurait-il découvert des informations compromettantes ? Pour le savoir, Arthur et Mortimer plongent dans un univers aussi déroutant que menaçant… Décidément il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark.

Un roman onirique, brillant et inventif à mi-chemin entre les univers de Jules Verne et d’Arthur Conan Doyle, une aventure littéraire fabuleuse. »

Difficile de classifier ce livre sans donner de fausses idées aux lecteurs ! 😉
Petit rappel : la science-fiction donne des explications scientifiques à des phénomènes « improbables » qui vont sous-tendre une intrigue, un univers. On est donc bien ici, en principe, dans de la S-F. Certains trouveront dans le cadre oppressif du Ministère du Livre une idée de dystopie – effectivement ça cadre avec la définition globale (qui fait partie de la grande famille de la S-F, ne l’oublions pas même en ces temps où la dystopie est en train de devenir un genre à part, quelque chose que j’aurais d’ailleurs vraiment envie de qualifier de néo-dystopie, car très loin en termes de codes et d’atmosphère de ce qui se faisait dans les années 1920/60 !). J’ai aussi, malgré tous les éléments de S-F, trouvé un petit air gothique à tout ceci : les vieux livres, le concept onirique, la vieille Copenhague du XIXe… Cependant ce n’est pas à strictement parler du fantastique, à cause justement des explications « rationnelles » citées ci-dessus.

Si je devais trouver des livres à comparer à celui-ci, je choisirai l’Ile du Docteur Moreau, de Wells ; A la Croisée des mondes, de Pullman ; Frankenstein, de Shelley. Certains éléments m’ont également fait penser à l’Histoire sans fin. On a ici un héros assez jeune (17 ans) qui se retrouve au milieu d’une espèce de mic-mac géant impliquant son père, son mentor, une mystérieuse faction résistante, et des disparitions de citoyens ordinaires. Le dos du livre donne Jules Verne et Conan Doyle comme références, et, du peu que j’ai lu de Jules Verne, je ne comprends pas trop pourquoi… L’époque, peut-être ? Le côté humain et expérimentation ? De même pour Conan Doyle : d’accord il s’agit d’une enquête de manière générale, mais le rythme est assez lent, les personnages piétinent un peu par moment, ou se concentrent sur d’autres aspects de leurs vies et problèmes que spécifiquement sur la Bibliothèque.
Je suis consciente de vous livrer une critique quelque peu décousue par rapport à d’autres fois, mais je ne vois pas trop comment faire autrement pour vous faire partager mon expérience qui a été quelque peu unique. 🙂
Pour conclure sur des points plus clairs, plus conventionnels : le style d’écriture m’a beaucoup plu, c’est soigné, choisi, ça correspond au rythme plutôt posé du livre, le vocabulaire est riche mais ce n’est pas lourd non plus : frôlant la perfection selon mes critères. Il se passe des choses dans l’histoire, bien entendu, mais une partie non négligeable du texte prend le temps d’asseoir le cadre, de laisser du temps aux personnages pour réfléchir, ressentir des émotions, prendre des décisions, ou simplement observer leur environnement. Les descriptions ne sont pas très longues chacune prise à part (dit la lectrice de Tolkien et d’Hugo :p), mais elles forment néanmoins une bonne partie du livre, ce qui pourrait rebuter certains lecteurs pressés. Personnellement, j’ai adoré, car encore une fois ce n’est ni lourd ni répétitif dans la structure, et j’apprécie assez ces incursions dans la tête des personnages, et cette impression que l’auteur prend soin de nous laisser nous-mêmes, lecteurs, nous « installer » dans son univers. En même temps je trouve ça assez crédible qu’un personnage puisse être quelque peu choqué, traumatisé ou hésitant, et que son action se fasse moins trépidante pendant quelques pages. Encore donc un très bon point pour les habitants de Copenhague qui, tout en faisant tout de même avancer l’intrigue, je le répète, ne se comportent pas comme Bruce Willis (même si j’aime assez les films Die Hard :p).
Concernant les personnages : j’ai passé la semaine (aux arrêts de bus et petit-déjeuner, surtout) avec eux, ils ont été de bonne compagnie, j’ai apprécié leur délicatesse et leur savoir-vivre ainsi que leur profonde humanité.
C’est à ce moment-là, je crois, que je suis autorisée à lâcher un « je ne suis pas passée loin du coup de cœur !« . En fait, je vais plutôt le classer dans « Trésors » – ces livres qu’on aimerait faire lire à plein de gens non pas parce qu’ils nous ont plu à nous, mais parce qu’ils pourraient également parler à beaucoup, parce que le message qu’ils contiennent, la tranche de vie qu’ils nous font vivre, va bien au-delà de l’effet d’une drogue, d’un coup de foudre ou d’un grand éclat de rire. Je n’utilise pas l’expression « coup de cœur » pour exactement la même chose, il me semble que c’est un sentiment plus personnel, et parfois dénué d’arguments solides ! 😉 Qu’est-ce que vous en pensez ?
Un livre sur les livres, les lecteurs, le droit de lire et les bibliothèques. Un peu flippant, bien ficelé : un très bon moment de lecture.
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5 réflexions au sujet de « Dans le livre des rêves »

  1. Les livres compliqués à définir m’attirent toujours. Je suis toujours en quête d’ajouter de nouveaux titres à lire dans ces inclassables, je vais noter celui-là. Et on sait jamais, je comprendrais peut être pourquoi on parle de Conan Doyle et de Jules Verne dans la 4ème de couv ^^.

    • Je trouve que beaucoup d’inclassables sont plutôt bien écrits et posent des questions intéressantes. Cependant j’ai découvert aussi qu’il existe des auteurs qui se tournent vers le « divers » faute d’idées bien à eux… ^^’ En tous cas j’ai maintenant une très bonne opinion de cet auteur, je vais essayer de trouver le livre qu’il a écrit avant, La librairie des ombres, dont beaucoup de monde parle 🙂

      • C’est pas faux aussi pour les auteurs indécis ^^. Je vais aller regarder de plus près la 4ème de couv’ pour La Librairie des Ombres.

  2. Pas toujours évident de « cataloguer » un roman, mais la façon dont tu l’abordes donne envie de le découvrir donc pari réussi 😉 Je suis du même avis que toi, certains bouquins ne sont pas des coups de coeur mais donnent tout de même envie de les conseiller parce qu’il y a un petit quelque chose à en tirer… Du coup, je me le note.

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