De Jérôme Camut et Nathalie Hug. 2007. Thriller. Excellente lecture mais très dérangeante.
(Suite de 3 romans : T.1 Prédation, et T.3Instinct, tous déjà parus)
Résumé :« Quand un monstre fascinant et obscène prend la parole et surgit à nouveau face à ses anciennes victimes, elles n’ont pour seules issues que la fuite, la mort… ou les « voies de l’ombre », le système implacable d’un criminel qui leur dévoile en chuchotant les secrets de sa folie. « J’ai de l’amour pour mes chiens d’attaque. Certains il a fallu les tabasser, d’autres pas. Il n’y a pas de règles. C’est ça l’extraordinaire chimie de la nature humaine. C’est passionnant. Approche-toi, ami voyeur. Et n’aie pas honte de ton vice. Viens pénétrer le monde d’un artiste du crime. Il est temps que je me présente et que j’offre ma réflexion à la multitude. » »
Tout d’abord c’est la suite directe dePrédation, donc si vous ne l’avez pas lu ne lisez pas celui-ci en premier. On retrouve les mêmes personnages, la même idée de fond (plus poussée vu qu’ils sont dans le tome 2), etc. – sans compter qu’en fait la fin de Prédation n’est qu’une demi-fin, ce qui permet aux auteurs de reprendre directement dans un certain vif du sujet.
Ensuite si vous avez trouvé que le tome 1 était déjà trop dur, trop violent, trop poussé pour vous, il est peut-être temps de s’arrêter. Autant Prédation ne m’avait pas dérangé plus que ça, autant ce livre-ci frôle mes limites en termes de perversité et d’atmosphère malsaine. Oui, il y a toujours des meurtres et crimes plus ou moins sanglants, mais en fait c’est quelque part beaucoup plus facile à lire et à accepter – dans l’histoire – que le pourquoi du comment, les motivations du « méchant », les répercussions psychologiques et renversements moraux qu’il provoque. C’est difficile d’en dire plus sans dévoiler l’intrigue ou certains tournants du récit, mais la manière dont c’est amené, le déroulement des évènements… On voit, on sent les personnages basculer, glisser dans l’abîme, c’est vraiment horrible. Du coup je dirais que paradoxalement c’est très bien écrit, car c’est rare que je ressente de telles choses en lisant. J’avais pris le tome 1 pour une histoire relativement affreuse, mais je ne m’attendais pas du tout à ce que ça prenne un tour aussi sombre dans la suite. J’attends toujours, quelque part, un genre de « happy end », une fin qui ramène un genre de justice dans le tome 3, mais je n’en suis plus aussi sûre que ça.
Un des buts de cette série semble être une réflexion sur l’esprit humain, sa « normalité » et ses limites, ainsi que des réflexions assez semblables sur la société. Je pense que c’est justement ça qui est le plus dérangeant : ce n’est pas de la SF, ça n’appartient pas forcément au passé ; et même si c’est de la fiction c’est tout de même quelque chose d’un peu trop réel, décrit par des esprits un peu trop lucides pour le confort du lecteur.
Le livre dans le livre
Cette série se base en grande partie sur un livre dont j’ai pas mal entendu parler, sans l’avoir lu : Heart of Darkness, de Joseph Conrad – Au cœur des ténèbres, en français. Il paraît que le film Apocalypse Now en reprend pas mal d’idées, mais encore une fois je ne l’ai pas vu non plus. Heart of Darkness est apparemment un classique anglais (écrit en 1899), et traite de la dichotomie conceptuelle civilisation / sauvagerie, des méthodes et effets néfastes (à défaut d’un mot plus fort) de la colonisation, et de la folie. Un professeur à la fac, quand j’étais en L3 (3e année de Licence) d’Anglais, nous a à demi-mot recommandé de ne pas le lire, ou en tous cas d’être prêts à lire des choses horribles, si vraiment on voulait se lancer dedans. C’était fou ! Il avait vraiment l’air secoué, alors qu’il nous a fait lire des textes plutôt documentaires, et sur d’autres sujets pas drôles non plus (j’ai un souvenir très vif, par exemple, d’un témoignage d’un journaliste quelques jours après Hiroshima). Bref, maintenant que Hug et Camut m’ont mis dans le bain, je me demande si ce n’est pas le moment d’aller découvrir cet horrible roman (court, heureusement) pour satisfaire ma curiosité intellectuelle.
Je repense aussi à cette phrase de Nietzsche (je crois) : « Si tu regardes l’abysse, l’abysse regardera également en toi » (ma reformulation de « If you look into the abyss, the abyss looks into you » – je n’ai pas la phrase allemande ni les capacités de la traduire, je pense, si c’est bien de Nietzsche)